La France est le premier            pays où le service de la poste ait été établi.            C'est la France qui l'a enseigné aux autres nations. C'est elle            ainsi qui a mis dans le monde une des plus puissantes ressources dont            la civilisation fasse maintenant usage. Que l'on considère ce            qui arriverait si la poste se trouvait tout à coup abolie, et            l'on comprendra toute la grandeur du progrès qui s'est accompli            dans l'ensemble des liaisons sociales par cette institution importante.         Il est vrai qu'à la rigueur            on peut soutenir qu'il y a eu des postes dans plusieurs empires de l'Antiquité,            en ce sens que les souverains avaient soin d'entretenir sur les principales            routes des relais destinés à leurs courriers. C'est ce            qu'avaient fait en Perse le grand Cyrus ; à Rome, Auguste et            ses successeurs. Mais il y avait loin d'établissements de cette            espèce, institués uniquement en vue de l'État,            à l'établissement de la poste aux lettres, et même            de la poste aux chevaux, telles que nous les concevons.
         Les uns étaient tout monarchiques,            tandis que les autres sont tout populaires ; les uns ne servaient qu'aux            affaires du souverain, tandis que les autres servent aux affaires de            tout le monde. Le perfectionnement que la poste aux lettres a introduit            dans les sociétés est véritablement immense, et            certainement bien supérieur à celui que les relais entretenus            par les souverains avaient pu introduire dans l'administration de leurs            États.
         Cette invention supprimée,            il est pour ainsi dire impossible de se séparer les uns des autres            sans se perdre ; on est sans communication dès qu'on ne se voit            plus ; la moindre distance devient un abîme, et il n'y a plus            de commerce possible entre les absents. Aussi tandis que l'institution            de la poste aux chevaux et des messageries a rendu les voyages plus            faciles, celle de la poste aux lettres a enlevé aux voyages leurs            plus fâcheux inconvénients. Grâce à elle,            les citoyens peuvent communiquer d'un bout de la France à l'autre,            comme s'ils étaient réunis dans l'intérieur d'une            même cité.
         Enfin, j'ajouterai encore, en comparant            les relais de l'antiquité romaine à ceux de l'administration            française, que les premiers devaient être entretenus aux            frais des habitants de la station, et étaient ainsi pour le peuple            des villes, et surtout des campagnes, une source continuelle de vexations            et un impôt des plus onéreux ; tandis que les relais fondés            par notre administration, quoique destinés, non point à            l'usage exclusif des courriers du souverain, mais à celui des            particuliers, ont été entretenus dans l'origine, et jusqu'à            ce qu'ils aient pu se soutenir par eux-mêmes, aux frais du trésor            public.
         C'est à Louis XI qu'appartient            la gloire d'avoir jeté dans le milieu du quinzième siècle            les premières bases de l'institution des postes. Il ne faut sans            doute pas s'imaginer qu'il ait improvisé tout d'un coup cette            institution telle qu'elle existe aujourd'hui. Les postes ne sont arrivées            à ce point de perfection que peu à peu et par un progrès            continuel ; et bien qu'il y ait dans les mesures ordonnées par            Louis XI le germe de tout ce qui s'est fait depuis lors, ces mesures            se rapprochaient peut-être encore plus, du moins en apparence,            de ce qui avait lieu chez les Romains, que de ce qui a lieu parmi nous.
         L'ordonnance qui institue les postes            se rapporte en effet au service du roi plus spécialement qu'à            celui des particuliers, et ce n'est que dans un seul article, et simplement            comme cas subsidiaire, que ce dernier point se trouve consigné.            Mais la nation, qui avait besoin des postes pour elle même, a            su tirer peu à peu de leur établissement tout ce qu'il            lui fallait. L'ordonnance en question est si importante et si digne            d'intérêt, étant la première qui ait jamais            été faite sur cette matière, que nous avons pensé            que l'on serait peut-être satisfait d'en trouver ici un court            extrait. Elle est datée de Luxies, près Doulens, du 19            juin 1464, et a pour but « l'establissement que le roi ordonne            être fait de certains coureurs et porteurs de depesches en tous            les lieux de son royaume pour la commodité de ses affaires et            diligence de son service. »