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المنطقة الجميلة خنقة سيدي ناجي في أقصى شرق ولاية بسكرة
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— 100 — (les Ben Gama, qu'elle sentait impopulaire, pour se déclarer civile, c'est-à-dire sympatique au mouvement antimilitaire qui se préparait alors. En réalité elle n'est, comme toutes les zaouia, sympathique qu'à ses intérêts, et elle pressent ceux-ci de très loin. La zaouia de Temacin est de beaucoup la plus riche, la plus considérable et la plus puissante des quatre zaouia du cercle de Biskra. Elle appartient aux Tedjinia, c'est-à-dire h l'ordre dont Si Tedjeni a été le fondateur. Le berceau de cet ordre est Ain Madhi, dans le cercle de Laghouat. Les marabouts de Temacin n'ont pas rompu le lien religieux qui les attache à la maison mère ; mais en réalité Temacin est devenue plus puissante que Ain Madhi et en est complètement indépendante. Elle a ses adeptes (Khouan) dans l'Oued-R'ir, au Souf, où elle a élevé la magnifique succursale deGuemar, en Tunisie, où le bey actuel s'est affilié à l'ordre et dans l'extrême sud où elle régente les Troud, les Chamba, les Mekhadma, les Touareg, etc. Elle a élevé une succursale à Temassenin , dans la haute vallée de rOued Mya, à mi-chemin du Djebel Hoggar, chez les Touareg Hoggar. Elle a des richesses immenses qu'elle fait passer, dit- on, en Tunisie, et qui se chiffrent par une cinquantaine de mil- lions. Elle a pour directeurs spirituels les El Aïd, saints mara- bouts qui ne s'occupent que de prières et d'éducation; pour directeur temporel elle a un des frères de mère des El Aïd, Si Maamar, de race nègre, prodigieusement intelligent, qui a su porter la zaouia et son ordre au comble de la prospérité. Ces quatre confréries ont leurs alliances temporelles en har- monie avec l'esprit des populations qu'elles englobent. Tim- mermassin s'est inféodée aux Ben Chcnouf, Kheïran aux Ben Naceur, suzerains du Djebel Chechar. Longtemps Tolga suivit la fortune des Ben Gana et ne fit mine de se détacher d'eux qu'en voyant l'opinion algérienne poursuivre la ruine des grands chefs indigènes. Temacin s'est alliée au vieux parti national représenté par Si Ali Bey, ce qui ne l'a pas empêché de faire bon ménage avec nous. On peut donc dire que Tolga et Kheïran, par leurs alliances politiques avec les Ben Gana et leurs parents les Ben Naceur sont du parti français, ou tout au moins tel- lien; les zaouia de Timmermassin et de Temacin alliées à Si Ali Bey et à ses amis les Ben Chenouf représentent le parti national, autonome, le vieux parii qui résista si longtemps aux — 401 — beys de Constanline lorsqu'ils étaient puissants, et qui accueillit le dernier bey vaincu, espérant s'en faire un drapeau contre le Tell. Enfin, il est une autre secte, la plus secrète, la plus dange- reuse, et peut-être la plus nombreuse de toutes celles qui ont pris racine en Algérie, la secte des Snoussia. Celle-ci a franche- ment pris pour mot d'ordre l'expulsion des Français du terri- toire musulman. Son fondateur, Si Snoussi, est d'origine maro- caine. Après do nombreux voyages et essais, il fixa sa résidence au Djebel Lakhdar, dans le pays de Benghasi en Tripolitaine. Il ouvrit une zaouia, prescrivit à ses adeptes des pratiques fort sévères et exigea d'eux une obéissance absolue en ce qui con- cerne la guerre à faire aux Français. Son ordre prospéra vite, grossi tout d'abord de tous les réfugiés algériens qui fuyaient de- vant la conquête française; puis des Mokaddem qui s'introduisi- rent en Algérie et y firent de nombreux prosélytes. A la mort de Si Snoussi, son fils, Si el Mahdi ben Si Snoussi (l'envoyé de Dieu, fils de Si Snoussi), prit la direction de l'ordre et le poria à un très haut degré de prospérité. C'est une confrérie dangereuse pour nous, qui mine secrètement notre organisation adminis- trative et nous créera de grosses difficultés au jour d'une insur- rection générale. XVI Résumé de rinsurrection de 1879 dans l'Aurés. L'insurrection de l'Aurès en 1879 a été préméditée, dirigée et propagée par la tribu des Lehala, sur le territoire des Touaba encore appelés les Ouled Daoud, de Batna. Les Lehala étaient une tribu maraboutique, de race arabe, qui avait, aux époques de propagande de l'Islamisme, remonté l'Oued el Abiod jus- qu'à ses sources, converti à la doctrine du Coran les populations autochtones et s'était fixée sur le sol môme des nouveaux con- vertis pour leur servir de chefs spirituels. L'influence temporelle leur vint vite, en même temps que les richesses, et pendant des siècles ils dominèrent la montagne. Mais la conquête française — 102 — vint faire cesser cet état de choses. Bien qu'ils fissent tout le possible pour isoler le fellah, le Khammès Chaouia du contact Roumi, fellah et Khammès s'enrichirent par suite du haut prix qu'atteignirent vite leurs productions de toute nature vendues sur les marchés voisins, céréales, laines, troupeaux, dattes, etc. Les montagnards achetèrent les terres de leurs anciens maîtres, ils achetèrent même des palmiers et de l'eau dans les basses vallées. L'antique prépondérance des marabouts s'en- fuit, et bientôt ils se virent forcés d'opter entre une insurrection ou une ruine complète. Le mot d'ordre de la prise d'armes leur vint-il des chefs reli- gieux résidant h l'étranger, ou de Timmermassin , ou bien des chefs politiques expulsés de l'Aurès ? L'enquête faite à la suite de l'insurrection jeta quelques lueurs sur toutes ces im- mixtions, mais elle n'en étabUt formellement aucune. Elle lava les Ben Gana de l'accusation un moment formulée par leurs en- nemis de Sof d'avoir poussé à l'insurrection pour effrayer le régime civil alors h ses débuts; mais elle ne put trouver les vrais coupables. Nous ne dirons donc que les tendances géné- rales et les faits avérés qui produisirent ou guidèrent l'insurrec- tion, laissant chacun libre d'en tirer les conclusions. Au village d'El Hammam qui appartient aux Lehala vivait depuis quelques années un marabout du nom de Mohamed Amzian, qui prit le nom religieux de Mohamed ben Abdalla (esclave de Dieu). Il était né au village de Djaralla, chez les Béni bou Sliman. Comme beaucoup de ses compatriotes il avait émigré de bonne heure, abandonnant les montagnes arides qui forment la ceinture orientale de l'Oued el Abiod, pour venir s'établir au pays des Touaba beaucoup plus fertile. Il s'affilia à l'ordre de Si Sadock, devint m'kaddem, puis iman de la mos- quée d'El Hammam. Son influence s'étendit sur les Lehala, les ïouaba et les Béni bou Sliman; il affectait de grands dehors d'austérité et de piété, el il allait chaque année faire de longues retraites à la zaouia de Timmermassin. Il est probable que Mohamed rêva de faire vis-à-vis de Tim- mermassin ce que Si Saddok avait fait vis-à-vis de Keiran, se constituer en une secle indépendante dont il serait le fondateur et le grand maître. Il flattait en cela les secrets désirs des Lehala désireux de refaire leur influence religieuse et leur situation pé- cuniaire. — 103 — Il redoubla de pratiques austères, de retraites et finit par demander aux fils de Si Saddok revenus à Timmermassin , le chapelet de grand m'kaddem. Mais Si Tahar, fils aîné de Si Saddok et chef de son ordre, pressentit son ambition et ses desseins. Il refusa obstinément le chapelet qui donne le droit d'initiation et d'acceptation des néophytes. En mourant (1878), Si Tahar recommanda à son frère Si Mustapha qui lui succédait de ne jamais exaucer le désir de Mohamed. Celui-ci vint en retraite à Timmermassin pendant l'hiver de 1878-1879. Il eut pendant ses longues retraites et macérations des hallucinations vraies ou feintes, où il voyait Si Tahar mort depuis un an, lui com- mander la guerre sainte et lui promettre de venir se mettre à la tête des fidèles en armes. Les marabouts de Timmermassin essayè- rent de calmer ses surexcitations, mais ils se gardèrent de le dé- noncer aux autorités françaises. Lorsqu'on leur demandait plus tard pourquoi ils n'avaient pas livré h ce moment l'iman Mohamed , ils répondaient naïvement que tous leurs Khouan en étaient là aux jours d'exaltation, qu'éteindre cette exaltation religieuse serait ruiner l'influence des zaouia. Aveu précieux, qui nous montre bien les secrets sentiments et les agissements des zaouia à notre égard. Mohamed revint de Timmermassin sans avoir obtenu le grade de grand m'kaddem. Alors il résolut de forcer la main aux fils de Si Saddok en faisant une insurrection qui le posât comme le chef religieux de l'Aurès et lui valut l'influence de Timmermassin. Il accusa sourdement les fils de Si Saddok de tiédeur religieuse : dix années d'internement en France avaient, disait-il, refroidi leur zèle religieux. L'Islam ne pouvait plus compter sur eux. 11 s'offrit comme chef aux Lehala, leur pro- mettant de rallier au mouvement les Béni bou Sliman où il avait de nombreuses attaches. Les Lehala acceptèrent. Mohamed usa puissamment des pratiques de la prestidigita- tion arabe pour faire croire à sa mission divine. Réunissant en grand secret les montagnards dans la mosquée d'El Hammam , on fermait toutes les portes, et des voix mystérieuses s'élevaient alors prêchant la guerre sainte et déclarant Mohamed l'envoyé de Dieu. Malgré toutes ses pratiques, il ne réussit à entraîner dans le mouvement ni les Touaba, ni les Béni bou Sliman. Seuls, les mé*******s politiques de 1874, les vagabonds ou mauvais sujets — 104 — de ces deux tribus et de celle des Béni Oudjana lui promirent leur aide, attirés par l'espoir du pillage. Les tribus, en tant que communautés, refusèrent de se prononcer ; elles déclarèrent vouloir attendre les preuves de la mission divine du chérif, c'est-à-dire les premiers succès et elles n'osèrent dénoncer le mouvement à l'autorité par peur des représailles de l'armée de rebelles déjà formée et prête à les saccager sur un mot de Mohamed. D'ailleurs tous ces premiers préparatifs s'étaient faits très secrètement, et surtout très rapidement. C'était l'époque de la moisson. La vallée de l'Oued el Abiod regorgeait d'étrangers, les Touaba étaient comme noyés dans l'élément du dehors. Ces étrangers étaient tout prêts à risquer une insurrection chez les Touaba. En effet, ils n'y risquaient que les biens de ceux ci, car les preuves de culpabilité sont toujours fort difficiles h réunir plus tard contre les rebelles du dehors. Si l'insurrection réussissait, les étrangers y gagnaient gros; si elle était vaincue, les Touaba paieraient pour tous, et les étrangers iraient se cacher dans leurs tribus, les leurs ne les dénonceraient pas. Ce fut en effet ce qui arriva. Cependant l'autorité militaire de Batna avait eu connaissance de l'agitation d'El Hammam, mais sans en voir encore la gra- vité. Elle envoya deux deïra (cavaliers. du bureau arabe) pour s'emparer de la personne de l'iman et l'amener à Batna. En arrivant à El Hammam , les deux deïra trouvèrent l'iman à la mosquée et se mirent en devoir de l'arrêter en proférant, paraît* il, des paroles insultantes. Mohamed ne trouvant pas encore le mouvement suffisamment assuré, voulait se laisser emmener et conseillait la soumission à la foule accourue autour de la mos- quée. Mais dans cette foule un coup de fusil partit, puis d'autres; les déïra furent tués et Mohamed délivré. L'insurrection était commencée, le Rubicon était franchi. Dès lors il n'y avait plus à hésiter; il fallait mener vite les choses si l'on voulait réussir. Ici se dévoile le plan de l'insur- rection et apparaissent les secrets mobiles qui l'avaient pré- parée. Les insurgés s'attaquèrent immédiatement aux trois caïds les plus voisins d'eux. C'était indiquer nettement qu'on en voulait surtout aux délégués du commandement français, à la conquête française elle-même. Une bande de deux ou trois cents insurgés, Lehala, Touaba, — lOo — Béni bou Sliman, se porta de suite vers les hauteurs de Médina où se trouvait campé avec sa smala Si cl Hachmi, fils de Si bou Diaf et depuis un an caïd de la tribu. Si el Hachmi vit venir cette bande qui tenta de l'aborder en se disant déléguée par la tribu. Il n'eut garde de l'attendre , monta à cheval avec ses gens el, trop faible en nombre pour résister, rétrograda sur Baina. Il fut un moment poursuivi à coups de fusil et enfin échappa. ' Aussitôt aprôs, les insurgés revinrent à El Hammam distant de 10 à 12 kilomètres seulement. Le coup manqué contre Si el Hachemi pouvait faire avorter le mouvement. Il fallait à toute force compromettre sans retour la tribu par un attentat grave, qui ne lui laissât pas d'espoir de pardon, et qui la jetât de gré ou de force dans l'insurrection. Les Lehalii avaient manqué leur caïd, les Béni bou Sliman offrirent le leur. Le caïd Bachtarzi résidait à côté et au-dessous du village de Tkout , distant d'El Hammam de 25 à 30 kilomètres. Il n'avait avec lui que deux ou trois deira. Il habitait un bordj assez solidement fermé, qui était la propriété des Ben Chenouf. Les habitants du village de Tkout ne le défendraient que peu ou point, d'abord parce que l'attaque aurait lieu inopinément, en- suite parce que les habitants de ce village sont des marabouts qui ne savent point tenir une arme. Afin de s'assurer de l'état des choses dans le bordj, on en- voya en avant de la troupe un Béni Bou Sliman très connu de Bachtarzi , avec mission de lui dire l'agitation qui régnait à El Hammam, et de lui demander ses ordres pour les hommes de la même tribu alors campés aux Touaba. L'indigène devait donc se présenter comme envoyé par les Béni bou Sliman, désireux de rester fidèles et demandant des ordres à leur caïd. Celui ci lui donnerait des lettres ou des ordres verbaux et l'envoyé re- viendrait h la bande, dire l'état des choses et la guider.. Tout se passa comme on l'avait comploté. Le Béni bou Sliman arriva vers 10 heures du soir chez le caïd, qui avait déjà été informé par la rumeur publique du meurtre des deux deïra, et que les habitants de Tkout avaient invité à venir se mettre en sûreté au milieu d'eux. Bachtarzi hésitait. Il ne croyait pas à une insurreclion et n'avait d'ailleurs qu'une médiocre con- fiance dans la protection des marabouts; il inclinait à quitter Tkout et à se retirer à Eddessa oii Mchounech, afin de se mettre — 106 — hors de portée. Le Béni bou Sliman le dissuada de ce projet, lui montra l'agitation d'El Hammam comme peu grave, et déjà calmée, lui dit que son départ produirait un effet déplorable, €t enfin le décida h rester, malgré l'avis contraire émis par le cadi, son adel et le secrétaire du caïd, tous présents à cette scène. Bachtarzi fit alors rapidement écrire des lettres pour ses cheiiihs, les remit au Béni bou Sliman et le congédia en lui re- commandant de faire toute diligence. L'envoyé rencontra les insurgés cachés à 2 kilomètres de là , dans les lauriers- roses de l'Oued Chennaoura. Il leur dit que Bachtarzi était presque seul, et l'attaque fut incontinent résolue. La troupe en- toura le bordj et y pénétra par une porte de derrière que laissa ouverte la connivence ou la négligence de l'un des serviteurs du caïd. Celui-ci, qui habitait une petite tourelle avec étage, descendit afin de connaître la cause du bruit qu'il entendait. Il fut saisi au passage par un Béni bou Sliman, aposté sous l'esca- lier et qui le prit à bras le corps et par derrière. Pendant ce temps les insurgés le criblaient de coups de poignards; il tomba, sa tête fut coupée et son corps souillé. Les serviteurs, le secré- taire et l'adel terrifiés assistaient à cette scène ; les insurgés les mirent en demeure de témoigner de la mission divine de Mo- hamed; ils obéirent et furent épargnés (31 mai). La bande se retira aussitôt le coup fait. Elle ne tenta rien contre le village de Tkout qui n'avait rien fait pour défendre Bachtarzi. Les marabouts de Tkout étaient-ils d'accord avec ceux, des Lehala et avec l'iman? Sur le compte rendu immédiatement fait au bureau arabe de Batna par le caïd Si el Hachemi de l'attaque tentée contre lui, le général commandant la subdivision fit donner ordre au caïd Si bou Diaf de se porter à El Hammam avec ses cavaliers pour y rétablir l'ordre. Si bou Diaf était d'une bravoure légendaire^ mais il sentait bien qu'il ne pourrait rien sur la tribu révoltée s'il ne disposait d'une autre force que les 25 ou 30 cavaliers qui étaient à son service. On lui adjoignit un officier du bureau arabe, quelques spahis, et il partit. Il alla camper à El Anasseur, en haut d'El Hammam afin de s'assurer au préalable de l'état des choses. Il y arriva tard, fatigué, et se garda si mal qu'il fut surpris dans la nuit par les Lehala. Il se défendit comme un lion, tua 4 ennemis de sa main et succomba. Si Bou Diaf mort. — 107 — le reste de la troupe dut se retirer laissant des morts , des blessés et tous ses bagages (2 juin). Pour le coup, Mohamed était sacré par le succès. Bachtarzi et Si Bou Diaf morts, les Touaba et les Béni bou Slima se trou- vaient désorganisés, sans point de ralliement, sans personne qui pût donner des ordres. Déplus, ces deux caïds expiaient aux yeux du fanatisme arabe le crime de s'être francisés. Mohamed fut déclaré chérif (noble, prophète, envoyé de Dieu) par les siens et prépara un autre coup de main. Les Touaba en effet hésitaient encore à se jeter dans le mou^ vement. Leurs notables s'étaient réunis le jour de la mort des deux deïra et avaient décidé d'envoyer protester de leur sou- mission à Batna. Après la mort de Si Bou Diaf et de Bachtarzi, beaucoup furent entraînés; néanmoins la tribu ne se prononçait pas; il en était de même aux Béni bou Sliman. L'insurrection avait des individualités, non la tribu. Le chérif voulut par un grand coup attester sa mission divine. L'Oued Abdi est sur le chemin des Touaba à Batna. Le caïd Si bel Abbès est un des plus anciens et des plus dévoués servi- teurs de la conquête française; la portion aristocratique et no- made de la population de l'Oued Abdi, les Ouled Zian le détes- taient, d'autant plus qu'issu d'une famille religieuse. Si bel Abbès répudiait tout fanatisme et proclamait hautement son attachement pour nous. Le chérif résolut d'aller l'attaquer chez lui. Dans la nuit du 6 juin, il se porte avec tout ce qu'il a pu ra- masser de monde, 7 à 800 hommes, dit-on, sur le bordj de rOued Abdi. Le caïd Si bel Abbès n'y était pas; il avait laissé au bordj son fils Si Lahsen et une trentaine de ses cavaliers. De plus, le caïd des Ouled Zian y couchait depuis quelques jours, ayant ses nomades campés ou occupés à leurs moissons dans tout le voisinage. Par une coïncidence qui paraîtra singulière, le caïd des Ouled Zian quitta le bordj précisément cette nuit-là, à une heure fort avancée, et se rendit aux campements de sa tribu. Vers 2 heures du matin le chérif arriva avec sa bande et attaqua le bordj ; Si Lahsen et ses cavaliers firent une résistance désespérée; les Ouled Zian campés dans le voisinage ne don- nèrent point signe de vie, pas plus que leur caïd. A la fm, le nombre l'emporta; le bordj fut envahi, les cavaliers massacrés; Si Lahsen, fait prisonnier, fut amené au chérif qui ordonna de — 108 — l'égorger, ce qui fut fait. Le feu fut alors mis au bordj et la troupe rentra à El Hammam sans que personne la poursuivit. Les Ouled Zian avaient entendu la fusillade, vu l'incendie du bordj et n'avaient pas bougé. Aussitôt après le départ du chérif, comme s'ils n'eussent attendu que ce signal, ils descendirent en hâte dans les basses vallées de l'Oued Abdi, aux villages de Mena, Djemora, Ouled Brahim, Branis, pour y pi'endre les armes et munitions qu'ils y avaient laissées ; mais le comman- dement de Biskra fit arrêter ceux qu'on put saisir et les autres s'enfuirent. Le succès de Mohamed ben Abdalla dans l'Oued Abdi frappa les imaginations arabes. Les Ouled Zian étaient tous prêts à se jeter dans l'insurrection; les Achèches, des environs de Batna, commençaient à remuer; les Béni Oudjana envoyèrent ou lais- sèrent partir nombre des leurs pour renforcer l'insurrection ; ainsi des Béni bou Sliman et de quelques-unes des tribus de l'Ahmar Khaddau les plus éloignées de Biskra. Pourtant, ce faisant, les tribus eurent soin de protester de leur dévouement auprès du commandement français, envoyant même quelques- uns des mulets de réquisition demandés par Biskra, Batna ou Khenchela pour organiser les 3 colonnes qui devaient marcher sur Ll Hammam. Elles voulaient ainsi ménager les deux partis, soutenir le chérif en dessous, par des individuahtés qui n'en- gageraient pas la tribu, et garder officiellement fidélité à la France. Les Touaba cette fois s'engagèrent avec le chérif. Celui-ci, dès le 7 juin, s'était mis à parcourir les villages Touaba en grand cortège, musique en tête, montrant h tous les dépouilles conquises à Tkout, à El Anasseur, au bordj de l'Oued Abdi. Il enleva ainsi les esprits de cette tribu qui rechignaient au mouve- ment, et déciiJa les cheikhs des villages à se prononcer pour lui et à leur envoyer leurs contingents. 11 se mit en marche sur Tizougarine, voulant rallier officiel- lement à sa cause les Béni bou Sliman et les Béni Oudjana. Les Béni bou Sliman lui offrirent une dilïa empressée, en signe de reconnaissance de sa suzeraineté, mais ils ne voulurent pas s'engager avant que le chérif se fût mesuré aux Français ; là était, disaient-ils, le vrai critérium, le signe infaillible qui les ferait croire à sa mission divine. Les Béni Oudjana envoyèrent des délégués, un miad , au chérif pour lui dire comme avaient — 109 — dit les Béni bou Sliman. Entre temps le chérif apprit que les troupes françaises avaient quitté Batna et marchaient sur les Touaba. Il revint donc en toute hâte à El Hammam qu'il croyait menacé; il y réunit tous ses adhérents, résolut de se porter au-devant des troupes françaises et à les assaillir dans une des nombreuses gorges qu'offre le pays fort coupé entre El Hammam ■et Batna. Il réunit j,500 hommes environ, les arma de son mieux, les fanatisa par ses exhortations et leur affirma que par la volonté de Dieu les fusils français trahiraient leurs maîtres et ne partiraient pas. Les insurgés virent trop le contraire. Le chérif arriva de nuit en face de la position française occu- pée par deux compagnies de tirailleurs et un escadron de spahis. C'était une simple avancée jetée en avant de Batna à R'baa. L'escadron de spahis ne put faire grand' chose; mais les deux compagnies de tirailleurs attendirent l'ennemi à vingt pas, firent des décharges terribles et jonchèrent le sol des cadavres des insurgés. Ces derniers avaient eu une telle confiance aux pa- roles du chérif que nombre d'entre eux se précipitèrent sur nos rangs ayant pour toutes armes des bâtons; des vieillards, des enfants, enthousiasmés de l'idée d'une prochaine délivrance, avaient suivi le gros des forces. Tout cela rebroussa chemin en hâte et désordre sur El Hammam quand les fusils Gras des tirailleurs eurent mis en fuite les assaillants plus sérieux. Quatre cents indigènes au moins périrent h R'baa. On trouva parmi les noms des morts tout ce que les quatre tribus des Touaba, Béni bou Sliman, Ahmar Khaddou, Béni Oudjana, avaient de person- nalités remuantes et mé*******es, cheikhs cassés, gens frappés par nos tribunaux, et jusqu'à des évadés de Lambessa. Le chérif revint consterné à El Hammam. Tout espoir était perdu. Bien évidemment les tribus qui n'avaient pas voulu se déclarer pour lui avant le combat, qui attendaient sa victoire pour croire en lui, ne se joindraient pas à un vaincu. Le sort du mouvement était donc jugé à R'baa. Le chérif n'avait plus qu'à se tirer de son mieux et à tirer le moins mal possible ses tribus, les Lehala surtout, du mauvais pas où il les avait enga- gées. On n'avait eu affaire à R'baa qu'k une faible avancée des troupes françaises; les colonnes commençaient à apparaître vers Batna, Khenchela et Biskra ; elles allaient envelopper El Hammam et les tribus soulevées comme d'un vaste filet. Il fal- lait faire partir au plus vite les femmes, les entants, les vieillards, — no- ies troupeaux et les impedimenta de toute sorte. Il fallait en même temps faire bonne contenance en avant d'El Hammam, couvrir ce point par un rideau d'insurgés qui retînt le plus longtemps pos- sible la colonne de Batna, la plus proche, en l'obligeant à se compléter et se concentrer avant d'attaquer. Pendant ce temps, les impedimenta prendraient de l'avance, et, au dernier mo- ment, les insurgés se déroberaient et rallieraient leurs trou- peaux. Ce plan s'imposait, aussi fut-il admis sans discussion; il en fut de même du choix du côté par lequel on s'échapperait. Les routes de Batna, Khenchela, Biskra, étaient fermées par de fortes avant-gardes par lesquelles le commandement avait cou- vert ses colonnes; d'ailleurs ces directions menaient au cœur des forces françaises, du pays fidèle ; il ne restait donc que le côté de l'Est, ce pays si difficile de l'Oued-Guechtan, où nos colonnes ne sauraient suivre immédiatement les insurgés. L'Oued-Guechtan les menait dans le Sahara, sans qu'ils eussent besoin d'affronter l'Oued el Arab et le Djebel Chechar, imprati- cables en été à des troupeaux par suite du manque d'eau. D'ail- leurs les Lehala savaient que le caïd du Djebel Chechar avait convoqué ses goums et que l'on se heurterait à ces montagnards restés sourds à l'appel religieux, ne connaissant que la voix de leur caïd. On sortirait donc de l'Aurès par la basse vallée de l'Oued Guechtan, on longerait ensuite le pied des montagnes où l'on pensait trouver un peu d'eau. On essayerait ainsi de gagner Negrin, puis la frontière tunisienne. On ne courait point, croyait-on, risque de mauvaise rencontre dans le Sahara, à ce moment vide de tous ses nomades. On avait compté sans les goums du Djebel Chechar observant le Sahara du haut de leurs pitons, sans les goums du Zab, sans les vigoureux spahis du poste de Zeribet el Oued, sans la soif et la température torride du Sahara en plein mois de juin. Le plan adopté fut suivi de point en point. Le combat de R'baa avait été livré le 9 juin; dès le 11, les troupeaux des Le- hala étaient réunis et partaient avec les vieillards, femmes et en- fants. Les Touaba, incités par le chérif à suivre le mouvement, refusent en disant qu'ils n'ont point, en tant que tribu, parti- cipé à l'insurrection et qu'ils demanderont l'aman aux colonnes françaises. De peur d'être retenu par les Touaba et de les voir engager le combat avec leurs anciens seigneurs les Lehala, le يتبع
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— 111 -^ chérif n'osa point trop presser les Touaba. Il eut pourtant un moment l'idée de les faire razzier par les Lehala qui se sentaient désormais perdus ; mais on avait d'autres tribus à traverser, Béni bou Sliman, Béni Imloul et Zab. Si on se donnait un re- nom de razzieurs et de pillards, on serait sûrement reçu à coups de fusil. Le malheur pesait sur le chérif et les Lehala ; le mieux était de dissimuler sa colère et son mépris pour toutes ces dé- fections, de ne point s'attirer le coup de pied de l'âne et tâcher d'échapper aux colonnes françaises. Celles-ci se mirent en marche au milieu de juin. On voit qu'elles avaient mis 15 jours à s'organiser; c'était comme rapi- dité de concentration un tour de force pour d'aussi grosses co- lonnes dont les éléments avaient dû être demandés jusque dans la province d'Alger. C'était beaucoup trop long en lace d'une insurrection qui s'en allait grandissante, qu'un échec à R'baa ou ailleurs pouvait rendre dangereuse et à qui ces 15 jours lais- saient pleines facilités d'entraîner de gré ou de force les autres tribus. Mais on crut devoir organiser 3 grosses colonnes. Il fallut demander de rinfanterie à Alger, des goumset des mulets de réquisition aux tribus du Tell. Bien évidemment il était beau- coup plus prudent d'agir ainsi à coup sûr, en étreignant le pays insurgé avec des forces qui faisaient tomber toute idée de résis- tance : un coup de main peut être malheureux et doubler les forces de l'insurrection. Quatre cents fusils Gras avec une ou deux pièces de montagne auraient eu facilement raison d'El Hammam et des Lehala, surtout aux premiers jours de l'insur- rection. Mais on ne sait pas toujours exactement quelles sont les forces de l'ennemi, et risquer une troupe française en pays arabe, c'est risquer la paix générale. Quoi qu'il en soit, le 13 juin la colonne de Batna se mettait enfin en marche. Elle rencontra dans les gorges de Taub le chérif et quelques débris de ses bandes couvrant El Hammam et la fuite des troupeaux ; elle les bouscula et vint sur Médina, tendre la main sur sa droite k la colonne de Biskra qui remon- tait rOued el Abiod, franchissait le Tiranimine et allait venir pi endre position à Taghit el Baeha, enveloppant El Hammam par l'ouest et le sud-ouest, tandis que Batna tenait le nord. En même temps la colonne de Khenchela venait tenir l'est au-des- sus de Tizougarine. Le chérif et les Lehala n'attendirent pas que le cercle fût — M2 — fermé. Dès le 17, lorsqu'ils virent franchi par les troupes de Biskra le col de Tiranimine, ils crurent que cette colonne allait se porter droit sur El Hammam et leur fermer les routes de l'Est. Ils sortirent alors des gorges de l'Oued el Abiod en fran- chissant la chaîne de ceinture par les sentiers d'El Ma el Abiod (la fontaine blanche), descendirent dans le Mzara et se trouvè- rent en face des Béni Imloul et des Béni bou Sliman, arrêtant les impedimenta des Lehala, refusant de les laisser passer. Les Béni Imloul avaient déjà razzié une partie des troupeaux; le reste avait tourné à droite pour aborder de son mieux et au plus vite les vallées de Sidi Fatalla et de Rimmel qui mènent vers rOued Guechtan. Mais les Béni bou Sliman et les tribus sauvages de l'Ahmar Khaddou ne se montrèrent pas plus géné- reuses que les Boni Imloul. Chez l'Arabe, le vaincu est une proie. Ces mêmes hommes qui offraient hier la diffa aux insurgés et qui auraient acclamé avec enthousiasme le chérif victorieux, se jetèrent avidement sur les troupeaux des Lehala. Ceux-ci se défendirent de leur mieux tout en continuant leur fuite. On se battit à Sidi Ali, à Sidi Fatalla, à Djinien, à Kimmel, etc. Les montagnards vinrent montrer aux colonnes françaises les dé- pouilles des vaincus comme preuves de fidélité. Ils auraient couru sus aux Français vaincus avec la même ardeur. Les malheureux Lehala avaient enfin gagné les immenses forêts et les ravins profonds de l'Oued Guechtan ; ils auraient pu être tentés de s'y cacher , mais la colonne de Biskra accou- rait par Tizougarine et allait jeter sur eux tous les montagnards ; d'ailleurs en été ce pays n'a pas une goutte d'eau , seule la fontaine du Darmount, à la sortie de l'Oued Guechtan dans le Sahara, ne tarit pas. Ils se dirigèrent donc sur ce point d'eau. Le commandement de Biskra en prévision de ce mouvement avait fait garnir fortement le poste de Zeribet el Oued qui est en face du Darmount et enjoint au caïd du Djebel Chechar de redoubler de vigilance de ce côté et de porter ses contingents sur le cours inférieur de l'Oued elArab,vers Khanga sidi Nadji, afin d'unir ses efforts à ceux des spahis de Zeribet pour barrer le chemin aux insurgés. Le poste de Zeribet était commandé par le maréchal des logis El Hallali, vigoureux soldat qui se jeta sur les Lehala dès qu'il les sut arrivés dans le Sahara; les goums du Djebel Chechar e du Zab arrivèrent à la rescousse et on se battit toute la journée — 113 — par une chaleur de 5o degrés. Les insurgés s'étaient tapis dans les fossés profonds qui sont des dérivations de l'Oued el Arab, à sec en cette saison. Ils profitèrent de la nuit et de l'extrême fatigue des assaillants pour s'évader en gagnant les grandes seguia qui vont de Zeribet el Oued vers Zeribet Ahmed ; mais dans la journée du lendemain ils furent encore atteints par les spahis et les goums. Ils essayèrent de se jeter dans le Djebel Che- char, furent repoussés par les montagnards de Tabartga, et dé- finitivement rejetés dans le Sahara. Alors ils voulurent gagner Ne- grin à travers les sables, mais la température était effroyable et le pays n'a que quelques puits introuvables pour qui ne connaît à fond le Sahara. Ils tombèrent les uns après les autres, épuisés par la fatigue, la chaleur et la soif. Une dizaine d'entre eux ar- rivèrent mourants àNegrin et dirent aux goums de Tebessa qui les firent prisonniers le triste sort de leurs compagnons. Les goums allèrent au secours de ces malheureux, mais ils ne trou- vèrent plus que des cadavres, au nombre de trois ou quatre cents, déjà calcinés et desséchés par la fournaise saharienne. Quant au chérif, il s'était échappé sous un déguisement en traversant les Béni Oudjana, les Brarcha, était entré en Tunisie et de là il vint s'établir au Djerid en face de notre frontière. Sur les indications du commandement de Biskra il fut arrêté par le gouvernement tunisien, livré à notre consul, amené en Al- gérie et traduit devant la juridiction militaire. Les Touaba ne résistèrent point aux colonnes françaises pé- nétrant chez eux. Ils essayèrent de rejeter sur les Lehala toute la responsabilité de l'insurrection ; mais leur faiblesse les y avait un moment fait tremper ; les plus coupables furent dé- férés aux tribunaux militaires et la tribu fut imposée d'une forte amende de guerre qui varia suivant les villages de dix à vingt fois l'impôt annuel. Les troupeaux avaient été razziés par nos colonnes. La tribu fut donc du coup singulièrement appauvrie et put voir ce que coûtent aux travailleurs les folles équipées du fanatisme musulman ou les excitations politiques. Les Béni bou Sliman, les Béni Oudjana furent frappés d'a- mendes semblables, mais un peu moins fortes. Les Béni bou Sliman les payèrent au moyen du butin razzié sur les Lehala. Les marabouts du village de Tkout qui avaient, par leur indo- lence ou leur connivence, laissé assassiner leur caid furent taxés à 20 fois l'impôt. On vendit leurs biens pour payer cette amende. 8 — 114 -- XVII Réflexions sur l'insurrection de 1879. Le choix des conditions politiques et militaires où se trouve la haute vallée d'El Hammam annonce chez celui ou chez ceux qui ont conçu l'insurrection de 1879 une intelligence peu com- mune. Tout d'abord il n'y a pas un colon français dans toutes ces vallées de l'Oued Abdi, de l'Oued el Abiod, de l'Oued Guechtan, de l'Oued el Arab. Donc nul témoin gênant des manœuvres qui ont dû être pratiquées à l'avance pour sonder le terrain dans les tribus et attirer les individualités remuantes ou mé*******es. En second lieu, ainsi qu'il a été dit plus haut, la haute vallée de l'Oued el Abiod est une véritable forteresse que nos colonnes n'auraient pas enlevée sans de grands efforts si elle avait été sérieusement défendue. Le chérif put avoir un espoir fondé de soulever toutes les tribus qui entourent cette forteresse et d'en faire leur place — d'armes. En effet, les Benibou Sliman affamés par trois années de récoltes nulles, vivant des baies de l'Arar (genévrier), n'ayant presque plus de troupeaux et mé*******s d'avoir perdu leurs caïds nationaux, étaient tout prêts à se jeter dans une insurrection qui avait déjà failli éclater en 1877. Les Ouled Zian, tiibu de marabouts ruinés, toujours mé*******s de la domination fran- çaise, frondeurs ne demandaient pas mieux que d'entrer dans le mouvement. Les Béni Oudjana n'étaient pas dans une situa- tion meilleure que les Béni bou Sliman. Si ces trois tribus se fussent nettement soulevées, l'Ahmar Khaddou aurait certainement suivi. Les Achèches de Batna auraient aussi fait défection, car de graves symptômes d'agita- tion s'y montrèrent dans la première quinzaine de juin. L'Aurès eût donc été soulevé en entier. Certes nos forces militaires auraient eu facilement raison, même d'un mouvement aussi étendu. Aussi ne comprenons- nous pas, nous qui jugeons froidement et la faiblesse des moyens — 115 — arabes et la terrible supériorité de nos moyens militaires, quel espoir peuvent nourrir les malheureux qui se soulèvent. Nous les traitons de fous. Ils le sont, en effet, mais pas comme nous l'entendons. D'a- bord l'Arabe, surtout celui de ces régions reculées et sauvages, ne se rend pas compte des forces françaises. Il voit quelques compagnies dans les villes voisines et ne se doute pas qu'en très peu de temps toutes les autres villes de la province et les deux autres provinces même, peuvent jeter sur lui des forces écrasantes. Il juge encore de l'occupation française par l'occupa- tion turque. On ne saurait se faire une idée du degré d'igno- rance de ces populations quand on ne les a pas longtemps trai- tées de près. Un marabout de la province d'Alger croyait faire à un général français en tournée dans les tribus arabes un com- pliment hyperbolique en lui disant que Dieu avait béni le sang français, que cette grande nation avait des soldats plus nom- breux que 100 des grandes tribus algériennes. Or, chaque tribu peut bien avoir de 100 à 500 fusils. On voit que le compliment ne gâtait pas la France ; mais un plus haut chiffre dépasse certainement la possibilité de conception de l'Arabe. 11 conçoit peut-être jusqu'à mille. Au delà, son intelligence se brouille. L'Arabe n'est pas davantage capable de calculer le reten- tissement maximum, la limite forcée qu'aura chez les siens une levée de boucliers. Pour lui, Dieu peut tout, et le jour où il le voudra, une femme arabe chassera devant elle toute l'armée française et la jettera à la mer. Aussi n'est-ce pas dans le cal- cul hufiaain qu'espère le vrai croyant , mais bien dans un mi- racle. C'est par des miracles de thaumaturge que le nouveau chérif accrédita sa mission; ces mômes miracles que Dieu lui permettait de faire pour dessiller les yeux et fondre les cœurs en- durcis, Dieu les leur continuera contre les infidèles. Que les vi'ais croyants marchent, et tout le reste viendrai... Ils n'ont pas de fusils, qu'ils prennent des bâtons ou une mâchoire d'âne. Mais le Français a des fusils Gras ? Qu'on ne s'en inquiète pas, Dieu, qui a bien arrêté le soleil pour Josué, saura bien arrêter le fusil de l'infidèle. Aussi est-ce avec un enthousiasme de martyr que l'Arabe va au combat. S'il remporte un succès, Dieu est avec lui, palpable, présent, et la preuve c'est que voilà les cadavres de l'infidèle; aussi dans cette conviction l'Arabe égorge avec volupté ; il se Ji:. — 116 — grise de sang; c'est l'antique sacrifice qui plaisait tant au Dieu d'Israël. Les sectes religieuses y poussent, retrempant le fana- tisme dans ces réveils périodiques de l'idée musulmane. On risque fort de se tromper lorsque voyant l'Arabe faire une insurrection évidemment absurde et condamnée d'avance, on en cherche la raison dans de profondes déductions qui ne sont ja- mais entrées dans une tête arabe. L'Arabe s'insurge parce qu'un beau jour un vent de fanatisme le grise. Il est en ce moment-ci le vaincu, mais ses sentiments de nationalité ne sont pas morts; cette nationalité est à la fois très étroite et très vaste; politique- ment, elle s'arrête à la tribu; religieusement, elle étreint le monde musulman tout entier. Jusqu'ici nous avons respecté tant que nous l'avons pu la tribu et le Coran, et nous avons bien fait; mais ce faisant nous avons laissé debout tous les sen- timents de la nationalité arabe. En évitant de les froisser nous espérions éviter les insurrections, mais, malgré tout, l'Arabe même ainsi ménagé se sent investi de plus en plus par l'infidèle. Sa liberté politique de tribu, nous la lui prenons de plus en plus. Ses croyances, nous en rions, et l'Arabe nous reproche plus encore notre absence de religion convaincue, qu'il ne nous re- procherait notre fanatisme. Aussi, le sentiment intérieur toujours comprimé se tend-il à l'excès dans cette âme, el éclate par à- coups, sans calculs, à la merci du moindre incident. Nous aurions pu éviter beaucoup de ces insurrections en donnant à l'Arabe une large liberté communale, en le laissant maître dans les affaires de sa tribu et maître absolu aussi dans les aft'aires de sa conscience religieuse. C'était l'idée impériale, mais il ne faut pas s'illusionner qu'elle eût eu pour conséquence nécessaire, inévitable, le maintien indéfini du statu quo dans le- quel languit la colonie. Ce pouvait être la paix , mais c'eût été aussi la stagnation complète, car l'Arabe ne s'assimilera pas, et tant qu'il sera debout, fier, puissant et organisé, la colonisa- lion qui a l'instinct de ses conditions de développement, de possibilité et de vie, ne viendra pas. Il faut donc aujourd'hui trancher dans le vif, en finir avec les hésitations, et offrir de vraies conditions de vie à la colonisa- tion. Celle-ci n'a déjà que trop attendu. Faute de pouvoir don- ner à son activité ces débouchés agricoles, ce travail de la terre qui est l'honneur de la France, elle s'est jetée dans des spécu- lations et dans des métiers qui compromettent sa dignité. Les — 117 — vrais travailleurs ont alors refusé de venir ou de rester. La po- pulation coloniale qui s'est formée est des plus hétéroclites : se sentant sur un volcan, elle vise surtout aux gains prompts et fa- ciles et s'éloigne des entreprises de longue haleine, ne pouvant donner que plus tard bénéfice et prospérité. Son existence fié- vreuse, agitée, incertaine, sans certitude du lendemain, la jette trop souvent dans une passion des plaisirs malsains, qui font ou- blier ou remplacent la famille, le travail honnête et sérieux, dont on s'enorgueillit, dont on jouit comme d'une création personnelle qui vous honore et qui reste. C'est surtout le travail agricole qui donne ces jouissances élevées, qui forme les familles au travail acharné et qui donne à un pays un grand caractère de dignité. L'existence fiévreuse et nullement assise des Algériens, les rend frondeurs et difficiles à gouverner ; leur malaise rejaillit sur leurs administrateurs. Ils changent incessamment d'hommes et de systèmes et les usent tous en quelques jours. Ils sont comme le malade qui se tourne et se retourne sur sa couche, toujours mal et fatigué. Et pourtant, que d'exemples de volontés persévérantes don- nés par la colonisation française dans ce pays ! Que d'indivi- dualités se sont acharnées, ont usé leur fortune et leur vie à créer une terre française là où existait une terre arabe ! Comme ces volontés que rien ne rebute montrent bien ce que la France pourrait faire en Algérie, si les portes largement ouvertes lais- saient entrer une vraie, sérieuse et nombreuse colonisation agri- cole ! Mille pages ne suffiraient pas à citer les noms de ces martyrs de l'idée française, de ces colons qui se sont rivés à une tâche, à une parcelle de la tâche française par la création de fermes européennes; mais il faut pour l'honneur du pays dire les noms de quelques-uns, montrer leur œuvre, les difficultés contre les- quelles ils ont lutté et le drapeau qu'ils n'ont cessé de tenir. M. Dufourg, colon à Biskra, est arrivé dans ce pays il y a 30 ans. Honnête commerçant, il aurait pu se *******er des forts beaux profits que lui donnait son négoce et garder liquide une fortune qui s'élèverait aujourd'hui certainement à 3 ou 400,000fr. Il préféra consacrer les capitaux déjà acquis et ses bénéfices annuels à créer une ferme à quelques lieues de Biskra, dans la plaine d'El Outaya. M. Dufourg est de ceite forte et énergique race basque qui — 118 — s'expatrie volontiers, sans idée de retour, mais qui propage vi- goureusement l'idée française au dehors en se fixant au sol, l'améliorant, le laissant à ses enfants, tout en restant Français de cœur. Il ne comprend la conquête définitive de l'Algérie que par la charrue. Si nous sommes venus en un pareil pays, c'est pour y étendre notre race, c'est pour en faire un prolongement de notre terre de France. Imbu de ces idées, M. Dufourg fut invité par le commande- ment, lors de la guerre de sécession américaine, à faire dans la plaine d'El Outaya des essais de culture du coton. L'Amérique n'en livrait plus et nos fabriques nationales manquaient de travail. M. Dufourg accepta immédiatement. Les risques étaient gros pourtant. L'Etat ne livrait que la terre et l'eau, et cette dernière très parcimonieusement. Il fallait improviser une culture toute nouvelle, dans un pays où la main-d'œuvre manque ; il fallait deviner les conditions de végétation du coton dans ce climat bien différent du climat américain. Rien n'arrêta M. Dufourg. L'Etat pourtant se montrait bien peu large; on mettait la terre à la disposition de cet agricuUeur, mais avec la réserve spéciale qu'elle serait reprise par l'Etat dès que celui-ci l'exige- rait. Défense était faite d'élever aucun bâtiment sur le sol prêté, et menace de destruction immédiate était écrite dans Tacte de prêt. L'eau donnée consistait en quelques parts d'eau que le domaine s'était réservées au moment de la conquête dans la ri- vière d'El Outaya. Or, cette rivière tarit fréquemment, même au printemps, juste au moment où les cultures cotonniôres ont le plus besoin d'irrigations. Enfin, M. Dufourg cultivait à ses risques et périls, sans aucune aide de l'Etat. Il fut encouragé dans celte entreprise par la maison Kœchlin, de Mulhouse. Il créa le matériel d'exploitation, machines à égrener, à planter, etc., etc. Il installa des barrages, des bâtar- deaux, des bâtiments en planches ou en gourbis pour ses ou- vriers et se mit à l'œuvre en 1863. La première récolte fut médiocre, car on n'était pas fixé sur les méthodes; la 2^ fut bonne et paya M. Dufourg de ses sacrifices; la 3e manqua et la 4» fut passable. A ce moment la lutte cessa en Amérique, et il n'y eut plus à songer à produire en Algérie du coton dont le prix de revient était bien supérieur à celui du colon américain. — 119 — M. Dufourg ne pouvait plus dès lors demander à l'Etat ni l'eau ni la terre ; mais pendant ses 4 années d'essai il avait dû acheter des parts d'eau aux habitants d'El Outaya. Ces parts d'eau lui restaient; il résolut de montrer qu'avec un peu d'eau on pouvait créer quelque chose d'utile, même dans le Sa- hara. Les terres de la plaine d'El Outaya sont immenses et en grande partie en jachère; sur 60 lieues carrées il y en abienune ou deux de cultivées; il sollicita donc une concession de quelques hec- tares et, en attendant, il loua à la tribu les anciennes terres co- tonniôres en Içs arrosant avec ses parts d'eau. Il créa une su- perbe plantation de palmiers, d'arbres fruitiers de toute espèce et de vigne ; il ensemença chaque année une centaine d'hectares en céréales. Il fit h lui tout seul un barrage sur l'Oued Biskra, recueillant quelques minces filets d'eau qui allaient s'engouffrer dans les sables de la plaine d'El Outaya; ce barrage fut fait de grands blocs provenant des ruines romaines qui abondent dans la plaine d'El Outaya. Lors des crues on emmagasinait de l'eau pour les moments de sécheresse. On creusa, nettoya et amplifia toutes les sources qui naissent sur le haut cours de l'Oued Biskra. Un 2e barrage fut créé de la même manière que le premier en amont d'El Outaya. Par tous ces moyens, le village d'El Outaya s'accrut et bénéficia du surcroît d'eau ; la ferme Dufourg n'en bénéficiait que dans la proportion de 1/10^ environ, et pourtant c'était son propriétaire qui poussait à toutes les améliorations et n'en faisait que trop souvent les frais. On a déjà dit que les tribus voisines d'El Outaya, Sahari, Arab Cheraga, Ouled Zian, ont 60 lieues carrées de terrain et en utilisent deux au maximum. Malgré cela, la loi de 1863 était si formelle, que toute la bonne volonté du commandement pour donner satisfaction à M. Dufourg demandant une concession d'une centaine d'hectares échoua pendant 10 années. Chacun reconnaissait les services, la probité, le désintéressement de ce travailleur , mais la terre demandée était une terre arch (com- munale), et ni la tribu, ni l'Etat ne pouvaient la vendre ou la céder, aux termes de ce sénatus-consulte de 1863 qui liait les bras à toutes les bonnes volontés, si'hautes qu'elles fussent. Ce ne fut qu'en 1875, après 10 années de luttes et d'angoisses, après avoir vu sa ferme saccagée et ruinée en 1871 par les no- mades insurgés, après avoir enfoui des centaines de mille francs — 120 — dans la construction des bâtiments et des barrages, dans les plan- tations et l'achat des parts d'eau, etc., qu'à un voyage fait dans le sud parle général Chanzy, M. Dufourg obtint enfin la concession de la terre. Nul dans les tribus ne songea à revendiquer un lopin que la loi pouvait leur attribuer et dont elles n'avaient ja- mais fait nul usage. C'était pourtant cette possibilité de reven- dications qui avait arrêté pendant 10 années l'administration et cette possibilité, c'est le sénatus-consulte qui l'a créée. La ferme d'El Outaya est devenue de nos jours une création qui fait honneur à celui qui l'a entreprise. Pourtant, l'eau manque encore, el quatre fois sur cinq des récoltes superbes sont détruites par la sécheresse à 15 jours de leur maturité. Il faudrait des barrages-réservoirs sur cette rivière d'El Kanlara et de Biskra qui dix fois l'an a des crues terribles , crues qui emportent la vie du Tell dans les bas-fonds des chotts. Les gorges abondent sur cette rivière pour créer des barrages superbes, entre autres au village d'El Kantara, et un peu au-dessous, à l'Oued R'zala, De plus, l'Elat dispose de parts d'eau qu'il a attribuées à une smala de spahis placée en arrière de Biskra. Ce placement est un contre-sens. La place de la smala est au milieu des nomades, sur l'Oued Djedi, en avant de Biskra, à Saada; les parts d'eau domaniales reviennent à la colonisation et devraient être immé- diatement mises en vente. La plaine d'El Outaya a porté autrefois 100 ou 200 fermes romaines. Les ruines qui parsèment le sol attestent le fait. La fertilité de ce sol sablonneux mais gras est prodigieuse; les eaux qui viennent du nord et du sud y créent une petite mer intérieure, le Silga, au sud-ouest d'El Outaya, qui produit des pâturages extrêmement abondants et où les nomades jettent leurs bestiaux par milliers. Un peu de travail transformerait en champs plantureux, en cultures de palmiers, de vignes, de cé- réales, de coton, de tabacs, ces plaines brûlées où. l'on ne ren- contre aujourd'hui que le guettaf et le chiah, les chardons du désert. M. Dufourg le premier a montré ce que l'eau pouvait faire; il a enfoui toute sa vie de labeurs en cet essai et il mérite- rait d'être vigoureusement aidé. Si l'Etat offrait seulement des garanties d'intérêts, ou si la loi permettait la vente aux Euro- péens des terres laissées incultes par l'indigène, les barrages sortiraient du sol par enchantement, et avec eux la prospérité du pays et des colons. — 121 — M. Romanelte a créé dans le cercle de Bogbar une très-belle propriété au voisinage de Boghari. Afin de donner la vie à cette propriété il apercé la montagne pour la recherche d'un filet d'eau sur une profondeur de plus de 100 mètres. Une superbe galerie voûtée, h hauteur d'homme, amène l'eau au dehors; l'eau est reçue dans de vastes réservoirs qui la distribuent à de grasses prairies qui émerveillent aujourd'hui les Arabes. M. Romanette fit ces travaux il y a une vingtaine d'années sans demander quoi que ce soit à l'Etat. Il avait acheté le ter- rain, il fit travailler des ouvriers indigènes et européens et en- fouit 200,000 francs dans cette œuvre qui montrait la voie à tous. Se fixant à jamais dans le pays, M. Romanelte chercha alors d'autres créations utiles; fournisseur de nos colonnes, il entre- tint d'immenses troupeaux de bœufs et de moutons. Il cher- cha un endroit propre à la création de pâturages européens et le trouva. C'était dans la tribu des Ouled sidi Aïssa el Ouercq, au sud de Boghar. Le Chelif, et son affluent l'Ouercq, forment h leurs confluents de vastes marais qu'il serait facile de drainer et d'arroser régulièrement au moyen de barrages en amont sur les deux rivières. M. Romanette fit un arrangement avec les tri- bus pour avoir le droit au pâturage, créa des abris pour ses bestiaux et voulut se mettre à cette œuvre de transformation. Mais, à ce point, d'insurmontables difficultés lui furent créées, plutôt par la force de la législation en vigueur que par la mau- vaise volonté des administiateurs. La tribu n'avait légalement ni le droit de louer ni celui de vendre. Les travaux faits par un Européen créaient à celui-ci une sorte de préjugé de propriété. Il y eut de nombreux tiraillements dans la tribu, tiraillements que M. Romanelte apaisa autant qu'il le put en rendant aux Arabes de conlinuels services pécuniaires. Enfin, après dix an- nées d'un bail passé avec la tribu, M. Romanette est encore dans la même situation précaire, ne pouvant ni traiter pour un long bail qui lui permettrait de bâtir, ni acheter pour réaliser les améliorations considérables qu'il a en vue et dont la tribu pro- fiterait la première. On multiplierait à l'infini ces exemples de la persévérance ap • portée par nos colons à une œuvre dont ils ont fait le but de leur vie et que l'administration, comme une machine incon- sciente, écarte par la force de ses règlements qu'elle est obligée — 122 — de respecter. Ce sont donc ces règlements, cette législation créés en vue d'une simple occupation militaire du pays et non d'une colonisation, qu'il faut s'empresser d'abroger. XVIII Stagnation et nivellement actuels de la société arabe. Bien des esprits séduits par les dehors arabes, par une ob- servation superficielle, se sont demandé si bien réellement cette race indigène, séduisante quand elle veut l'être, qui a dans son style, dans son langage et dans ses manières un tel raffinement de sentiments élevés, était vraiment marquée du sceau d'une irrémédiable décadence. Ils se sont demandé si nos idées de science et de progrès étaient vraiment incompatibles avec l'es- prit arabe et si par notre contact, par la vue des merveilles que réalisent journellement la science et l'industrie, nous n'éveille- rions pas ces intelligences aux idées d'avenir. Il est difficile de l'espérer, car la société arabe nous présente un des signes les moins équivoques de la caducité des races, les couches supérieures sont au même niveau intellectuel que les couches inférieures. Dans toute société, dans toute race, le progrès se fait par des intelligences d'élite qui, se classant en aristocratie sociiile, se font un milieu intellectuel à part et maintiennent quelquefois in- tentionnellement le peuple h un niveau inférieur. Mais peu à peu ces lumières que la classe dirigeante gardait pour elle se répandent et s'infiltrent dans les rangs inférieurs et le niveau intellectuel du peuple s'élève; des hommes de génie sortent de son sein, renouvellent les idées et font naître une société nou- velle. On peut mesurer les progrès réalisés par nos sociétés aryennes en comparant les couches les plus basses, celles res- tées les plus nature, avec les couches les plus élevées. Autant d'échelons sociaux, autant d'âges historiques de la civilisation. C'est qu'en effet la nature jette la créature humaine indéfini- ment en ces mêmes moules que nous appelons des races, la — 123 — faisant aujourd'hui à peu près identique à ce qu'elle la faisait il y a des milliers de siècles. Sans doute les vieilles habitudes s'incarnent en sentiments héréditaires, mais ces sentiments sont enfouis h l'état d'instincts que la culture, l'éducation et le mi- lieu mettront seuls en relief. C'est cette culture intellectuelle qui ne différencie plus maintenant les échelons sociaux chez l'Arabe. Le kamnès ou le fellah y est sous ce rapport au niveau de l'aristocratie. Nulle trace ici de ces assises, de ces couches intellectuelles qui indiquent aussi clairement chez l'Aryen les évolutions de l'esprit que les assises géologiques indiquent les révolutions cosmiques. Aussi, point de tête intellectuelle dans la société arabe. C'est un vaste monde qui flotte en une sorte de somnolence bestiale. Il a trouvé son apogée, son rêve de bonheur, et il s'y endort, allant lentement à une irrémédiable décadence, tandis que les races aryennes s'évertuent à chercher le progrès. L'état du Sémite n'a pas toujours été celui-là. Un éclair de vie l'avait transfiguré lorsque l'Islam s'était fait prophète et guerrier, et une haute civilisation avait été le prix de ses efforts intellectuels. Mais le Coran est la négation même du progrès, car il interdit à ses sectateurs d'essayer de lever le voile sacré. Les grands médecins, chimistes ou astronomes du monde musul- man se trouvèrent en butte aux mêmes anathèmes religieux que nos savants du seizième siècle. Les rétractations de Galilée furent aussi imposées aux savants arabes du moyen âge. Mais chez nous elles ne firent qu'amener une explosion nouvelle, une plus forte ardeur de recherches. « E pur si muove », disait Galilée en sortant de la basilique de Saint-Pierre de Rome. Ce cri répondait au sentiment aryen qui divorça avec une religion lui interdisant la science. Le Sémite préféra sa religion à la science, et il s'endormit pour mourir enveloppé dans le suaire du Coran. Les sciences furent condamnées, proscrites et oubliées. La tête de la société arabe rétrograda peu à peu jusqu'au niveau des intelligences populaires. Elle oublia même le sens élevé des préceptes du Coran et ne balbutia plus que de vaines formules désormais incomprises ; comme chez les Pharisiens du temps du Christ, la lettre seule est aujourd'hui connue et suivie; l'es- prit est absent. L'Arabe a jusque dans ses plus vulgaires locutions, dans ses — 124 — formules de salut, de politesse, dans ses chants religieux des traces saisissantes de cet esprit qui vivifia autrefois sa race. 11 les répète aujourd'hui sans les comprendre. Le bandit vous détrousse en invoquant sans s'en douter les meilleurs senti- ments de justice. L'assassin a le nom de Dieu sans cesse aux lèvres. Les vieux instincts ont repris le dessus. Le progrès réa- lisé par la pensée humaine repliée sur elle-même s'est évanoui. La bête arabe a réapparu aussi nue, aussi fausse qu'aux époques bibliques. Il résulte de ce singulier étal de choses que le premier venu dans la société arabe peut occuper sans y être déplacé toutes les situations, si hautes qu'elles soient. Chez nous l'homme qui s'est élevé, même par une haute intelUgence, sent encore le parvenu; chez l'Arabe rien de semblable. Le champ des con-^ ceptions h embrasser, même aux échelons supérieurs, est des plus restreint, et le kammès, le nègre ou l'eunuque y suffit. La volonté du maître l'élève, et il n'est pas indigne ; il n'a pas d'infériorité réelle sur n'importe quel fils de pacha ou de sul- tan. Chez nous, un cordonnier devenu ministre du jour au len- demain nous ferait rire. Chez l'Arabe c'est un fait tout rationnel. Ses livres font foi de cette manière de voir ; les livres disent les aspirations des peuples. Tout fellah y rêve de devenir grand visir par la faveur du prince. Le vie et le progrès des sociétés se font par un mouvement continu dont l'élan et la direction sont donnés par la tête, par l'élite des esprits dans les sociétés. Les idées nouvelles s'infu- sent peu à peu dans les masses et c'est au moyen de ces idées nouvelles assimilées par elles que les masses enfantent sans cesse des génies supérieurs qui vont ouvrir de nouvelles voies. Dans les sociétés arabes tout ce mouvement est mort, et non seulement il ne se produit plus par la sève de la race, mais cette race y est réfractaire, s'en effraye et le repousse si d'autres le lui veulent apporter. Lorsque le médecin veut savoir si dans un être organisé la mort est devenue définitive, il interroge le cœur, le moteur : s'il a cessé de battre, tout est fini. De même pour le monde mu- sulman. La vie des sociétés, c'est le progrès. Dès qu'elles s'arrêtent, elles ne sont plus. L'Islam est arrêté depuis des siècles. Il n'est certes pas impossible que la vue du danger qu'il court — 123 — galvanise un de ces jours ce monde endormi. La Mecque a en réserve un trésor pour la guerre sainte, et l'Arabe a en réserve bien des forces que fera jaillir le fanatisme. Si une lutte géné- rale s'engageait, elle pourrait quelque temps tenir en échec la civilisation européenne. En effet, on ne se bat pas contre l'A- rabe comme se battent entre elles deux nations européennes : celles-ci engagent d'un coup toutes leurs forces organisées, et le vaincu n'a plus qu'à se soumettre; mais cette soumission n'entraîne ni la conquête, ni l'asservissement, elle n'entraîne que des cessions de territoire ou des indemnités pécuniaires. L'Arabe sachant qu'il lutte pour l'existence n'offrira à nos ar- mées que des bandes fuyant sans cesse, mais aussi revenant sans cesse à la charge. Son pays est sans routes, sans eaux et ruiné par une longue dévastation ; il sait que ce sont là autant d'obstacles pour nous. Enfin, la défense du Coran est un cri de ralliement qui peut avoir de terribles échos. Nous devrons donc éviter toute surexcitation qui appellerait aux armes la race arabe. Notre conquête, notre progrès, doi- vent être faits pas à pas et avec des ménagements. Ils doivent être la civilisation même, qui avance lentement, mais sûre- ment. Ceci ne nous empêche point de prendre chez nous une me- sure que la plus scrupuleuse équité ne saurait contester, celle de l'attribution à la colonisation des terres que l'Arabe ne cul- tive pas. Cette mesure est de celles qu'une nation prend chaque jour dans sa vie individuelle. C'est elle qui apprécie en toute souveraineté, en toute responsabilité, ce qui peut convenir à son existence nationale. Nul autre peuple ne saurait y trouver à redire , ni même s'y immiscer. Mais cette mesure pour être juste, pour faire taire toutes les défiances, doit entraîner avec elle une reconnaissance explicite du droit de propriété de l'Arabe sur tout ce que nous lui lais- sons. Ce minimum de terres nécessaires à son existence doit appartenir à l'Arabe au même titre sacré qui fait de la terre euro- péenne une propriété indiscutée de l'individu européen. Rien ne saurait mieux montrer notre respect pour l'existence de la race arabe que cette déclaration de principes qui la place sur le même pied que le propriétaire français. La devise de la France doit donc êlre : aide à tout ce qui veut progresser, à tout ce qui veut marcher avec r.ous, humanité — 126 — pour les retardataires et les faibles et marche décidée en avant. Quant à la colonie, elle a ses devoirs aussi, envers la France elle-même. Le premier devoir, c'est le travail, mais le travail utile, productif, avouable, celui qui élève l'homme et le pays ; non ce travail de hasard qui procure une existence incertaine, aléatoire, vagabonde et malsaine. "^Hrd n- Le second, c'est la patience, la vertu du saVant et du fort. On n'improvise pas un nouvel état de choses en un jour. Ceux qui s'impatientent contre les lenteurs de la colonisation algérienne» qui s'étonnent de n'avoir pas encore fait fortune, ne sauraient être les apôtres de cette œuvre qui s'appelle la conquête d'un pays par une idée supérieure. Cette idée, c'est l'idée française, avec sa générosité inépuisable, sa confiance dans l'avenir et ses graïides vues humanitaires. Chaque colon est un pionnier et un missionnaire de cette idée dont il doit en être digne. Nous ne cachons pas assez nos hâtes, nos impatiences, nos défaillances. Même vis à vis d'indigènes élevés parmi nous, comprenant notre langue et nos idées, même dans la presse, nous nous laissons aller à de singuliers mépris pour l'Arabe, à des théories vaines, radicales mais insoutenables, que ceux-là mêmes qui les émettent ne voudraient certes point appliquer. Ce sont des soufflets que nous infligeons inconsciemment à cette race arabe qui observe beaucoup, sent vivement et dit peu. Au jour de l'insurrection, nous retrouvons toutes ces imprudences soldées en violences dont nous nous demandons les causes, en haines que nous croyons imméritées. Ce sont nos soufflets que l'Arabe nous renvoie. XIX Ressources agricoles, forestières et minières de l'Algérie. En outre des terres qui lui seront assurées, le travail euro- péen trouvera en Algérie des débouchés extrêmement produc- tifs, qui n'attendent pour donner de véritables richesses qu'une — 127 — colonisation plus dense, une main d'œuvre moins rare et moins chère et un réseau de voies de communication plus complet. Les forêts algériennes regorgent de richesses perdues. Les bois de construction et de chauffage, les lièges et les essences résineuses y abondent. Ces forêts ont été prudemment mises sous la main de l'Etat, mais ni l'Etat ni le service forestier n'ont pu en interdire complètement l'accès aux indigènes et à leur troupeaux. D'abord les tribus possédaient d'anciens droits d'u- sage qu'il a fallu respecter. Ensuite nombre d'enclaves consti- tuaient des propriétés cultivées, privées, pourvues de titres réels qu'il a bien fallu reconnaître. Enfin, l'étendue et le péri- mètre des terrains boisés sont si considérables, le personnel forestier si restreint, les habitudes de pacage indigène si invé- térées et les délinquants si pauvres, que les prohibitions de la loi restent souvent lettre morte malgré toute la vigilance des agents. Cet état de choses amène des catastrophes fréquentes. Chaque année, dans la saison d'été, de terribles incendies, presque toujours dus à la négligence ou à la malveillance indi- gène, viennent ruiner des milliers d'hectares de bois. Tout a été essayé pour éviter ces malheurs. Les troupes stationnées en Algérie détachent des compagnies, des bataillons qui surveillent les forêts, et les tribus campées dans leur voisinage et les postes arabes préposés à la garde des territoires forestiers. La responsabilité collective des tribus a été mainte fois appli- quée et de lourdes amendes ont été infligées aux collectivistes arabes; les délinquants de toute nature sont rigoureusement punis par nos tribunaux; rien n'y fait. La facilité d'incendier» la difficulté d'arrêter le feu, la négligence ou la malveillance de l'indigène sont telles que toutes ces mesures sont vaines. Mais une colonisation dense et serrée peut exercer une bien autre surveillance que celle de nos trop rares agents. Il est per- mis de croire que l'intérêt des communes ou des particuliers propriétaires aurait vite raison de ces dévastations. Et alors la colonie trouverait de précieuses ressources dans l'exploita- tion des arbres de toute espèce, dans la mise en œuvre de ces chênes de belle venue, de ces lièges abondants, de ces bois pré- cieux tels que le tuya, le genévrier, le cèdre, le myrthe, etc., etc.; les pins donneraient des essences en quantité prodigieuse; l'érable, le peupUer d'Italie, l'orme, etc., donneraient leurs matériaux au charronnage, au bâtiment, etc. — 128 — Vklgô.vie n'utilise pas aujourd'hui la centième partie des bois que produit son territoire. Quand on parcourt ces forêts, on ne rencontre qu'arbres tombés de vétusté, pourrissant sur place et entravant l'essor des arbres voisins. Et malgré cette abondance de production, l'état des routes et la cherté de la main-d'œuvre sont tels que presque partout les bois de travail ou de chauffage sont à des prix plus élevés qu'en France. Les mines de toute sorte sont nombreuses en Algérie. Pas un district de montagne qui n'ait ses mines de plomb, ou de cuivre, ou de fer, ou d'étain; il y a même des mines d'or et d'argent, mais qui paraissent peu riches. Malheureusement le pnx de la main-d'œuvre est tel que l'on préfère souvent exploiter d'an- ciennes mines romaines ou autres, où les premiers travaux de découverte et creusage des liions ont été déjà faits, que de s'a- dresser à des mines encore intactes, très riches peut-être, mais oii tout est h faire, o£i il faut de prime abord enterrer des capi- taux considérables. Les cultures de la terre arabe peuvent être extrêmement va- riées, L'Algérie produit non seulement d'excellentes céréales, mais elle peut donner du tabac, du coton, de la garance, de la vigne, etc., etc. Le tabac algérien est actuellement médiocre parce que la cul- ture ni la préparation' n'en sont soignées; il pourrait devenir excellent. Le coton n'a pu jusqu'ici être produit à des taux rémunéra- teurs, toujours à cause de la cherté 'de la main-d'œuvre ; mais il donne des produits supérieurs aux plus beaux cotons longue- soie de l'Amérique. Tout le sud pourrait cultiver cette précieuse denrée ; dans l'Oued R'ir la plante devient un véritable arbre et donne des coques de toute beauté. Le jour oîi la sonde arté- sienne se mettra sérieusement à l'œuvre dans le Sahara, le jour où l'industrie privée, aidée ou non par l'Etat, voudra consacrer quelques millions à créer des barrages réservoirs, on trouvera pour la culture du coton un champ indéfini. Entre le pied des montagnes de l'Aurès, les chotts et l'Oued Djeddi; le sud de la seule province de Gonsfantine offre plus de 800 lieues carrées que des barrages réservoirs pourraient rendre propres à cette culture et qui sont inutilisées aujourd'hui. Nulle spéculation individuelle n'a pu jusqu'ici venir tenter fortune et jeter ses capitaux dans de pareilles œuvres. La raison — 129 — en a déjà été dite; on se heurte à une réglementation de la pro- priété communale indigène et à un formalisme administratif qui défient tout effort. Ainsi, dans le cercle de Biskra, un person- nage puissamment riche, qui a créé dans l'oasis de ce nom une propriété qui fait l'admiration des voyageurs, voulait consacrer un million ou deux à créer deux barrages réservoirs sur l'Oued Abdi et sur l'Oued el Abiod, à Branis et aux gorges de Garta. La bonne volonté du commandement local lui était toute acquise, mais les tribus durent être consultées parce qu'elles vivent des eaux de ces deux rivières ; malgré les avantages évidents qui leur étaient assurés, bien qu'on leur offrît un volume d'eau quadruple de celui qu'elles captent annuellement, bien qu'on ne leur demandât aucune participation aux dépenses, mais bien seulement l'usufruit à long bail des terres actuellement inutili- sées, elles refusèrent obstinément. Et elles refuseront toujours chaque fois qu'on les consultera, car elles sentent fort bien que ces grands travaux sont le progrès et l'avenir de la colonisation européenne et qu'en signant un bail à cette colonisation, elles signent l'arrêt de mort de la race indigène, qui ne peut lutter contre nos capitaux et nos méthodes. La vigne pourrait à elle seule faire la fortune de l'Algérie. Le climat de ce pays est tel que la vigne y vient bien partout, et partout donne d'excellents produits. C'est qu'en effet l'Algérie a dans ses trois provinces, dans tous ses cantons un sol et un soleil merveilleux. C'est là la richesse qu'il faut utiliser, seule- ment les méthodes de plantation, de taille, de travail, de vinifi- cation , de choix des plants , devront être élucidées par une expérience qui n'en est encore qu'à ses débuts. Le Sahara dans ses oasis, les basses vallées des rivières de l'Aurès au milieu de leurs forêts de lauriers-roses, donnent de prodigieux troncs de vigne, atteignant la grosseur du corps d'un homme, poussant leurs ramures à 100 mètres et plus et produi- sant des grappes d'un poids énorme. Et pourtant la siccité de l'air et du sol, la température effrayante qui règne dans ces cantons sembleraient rendre impossible la végétation de la vigne. Celle-ci se couvre d'un feuillage vigoureux que nulle main fâcheuse ne vient émonder et elle puise dans ce feuillage une force d'assimilation et de respiration qui lui permet de jeter dans le sol un chevelu de racines d'égale puissance. Elle va aussi profond qu'il le faut pour trouver l'eau et elle l'atteint à 10, 9 — 130 — à 20, à oO mètres s'il k faut; 'dès lors, sûre de la -vie, elle s'élance aux arbres voisins, se protège de leur omfeTe, de la rigidité de leurs branches et donne de merveilleux fruits; ailleurs, en pays de montagne à sol argileux et biimidie, elle troBve immédiatement ses conditions d'existence ; on peut la tailler et l'émonder tant qu'on voudra, car apnt l'eau, le sol et le soleil, elle défie toute mésaventure. La colonisation actuelle a un immense mérite •: elle expé- rimente et prépare les méthodes, elle cherche la -voie et l'indi- quera à la future immigration. Celle-ci ne saura peut-être jamais de combien de tâtonnements et de ruines seront faites les méthodes qu'elle suivra et que le pays aura faites siennes. Elle ne pourra peut-être jamais payer sa dette de reconnais- sance au vieux eolon africain qui lui aura préparé une seconde patrie , mais elle bénéficiera des misères de ses devanciers; la Fraîice se grandira de ses prospérités, et la foi, l'espoir, qui ont tant de fois ranimé le courage du pionnier algérien, auront , reçu leui* récompense. Nécessité de faire aboutir l'Aigérie. Lorsque l'on considère la puissance de cette France qui a conquis, puis tenté de créer la colonie algérienne, les saciifices de toiiite nature qu'elle a faits pour cette œuvre, le bon vouloir itomt sont animés tous les esprits en France, et que l'on jette un osnp d'oeil sur ce qui s'est riéaiisé de progrès en Algérie, on ne peut s'fifmpêcher de faire cette douloiu'euse réflexion que les résultais ne sont point proportionnés aux efforts : certes, 50 années, c'est un délai bien court dans la vie d'une nation. Les premières heures de toutes les colonies, même de ces colonies anglaises aujourd'hui si prospères, lout été pénibles. Il faut diMMî éviter de se laisser aller aux impatiences irréfléchies, et même, en se gardant de ces impatiences , il faut bien recon- naître que l'Algérie offre des conditions que n'a jamais of-
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— 431 — fertes aucune colonie française ou autre. Elle est à 36 heures de la France et celle-ci lui donne une aide et une protection qu'elle n'a jamais pu donner à ses établissements d'Asie, d'Amé- rique ou de la côte occidentale d'Afrique. Le sol et le dimat y sont excellents. A tous ces points de vue les progrès auraient donc dû être rapides, et le fait contraire qui s'est produit tient à des causes qu'il sera certainement profitable d'analyser. La première de ces causes, c'est sûrement l'existence d'une population indigène relativement dense, qui est restée hostile et qui effraye les intérêts par ses échauffourées continues et son attitude décidément réfractaire à toute asssimilation. De quelque œil que l'on envisage la colonisation algérienne, quelles que soient les mesures par lesquelles on se décide h la hâter, cette population et cette hostilité constituent un fait con- sidérable dont il faut tenir compte. Les théories n'ont point manqué à l'Algérie depuis qu'elle est terre française et si au- cune de ces théories n'a pu aboutir, c'est sans doute qu'elles étaient trop absolues. Ainsi, le cantonnement des tribus a été pratiqué autrefois et on y a renoncé; ce n'est certes pas parce qu'il offrait des dan- gers de révolte indigène : à l'époque où les tribus se sou- mettaient les unes après les autres devant la force des armes françaises, elles acceptaient nos conditions, loin de nous dicter les leurs. Elles considéraient le cantonnement et l'abandon d'une partie de leurs terres comme une conséquence fâcheuse pour elles, mais inévitable, de la conquête française. Si une popula- tion coloniale eût été prête immédiatement à utiliser ces terres, l'Arabe n'eût certes point songé à les revendiquer, si ce n'est comme aujourd'hui, par des insurrections. Malheureusement, nul colon ne venait. L'Etat avait des terres : il ne savait qu'en faire; il les louait h peu près sans rétribution aux tribus. Il cessa de cantonner, et aujourd'hui il n'a plus de terres dispo- nibles. De plus, il ne faut point se dissimuler que les cantonnements, si on se décide à les imposer, offriront des difficultés de plus d'un genre. D'abord la situation de la propriété indigène est loin d'être la même dans les trois provinces. Dans celle d'Oran la terre arabe est propriété melk presque partout, et cette pro- priété a même déjà donné lieu depuis la conquête à des ventes et achats très nombreux. Il serait difficile de retirer aujourd'hui — 132 — un melk à qui l'a acquis de ses deniers sous notre administra- tion même. Ici on ne peut guère faire intervenir que l'expro- priation pour cause d'utilité publique, en achetant des deniers de l'Etat les terres dont la colonisation aura besoin. Sans doute ce mode de spoliation, car c'est une spoliation peu déguisée, maintiendra une sourde irritation dans les populations arabes. Mais qui veut la fin veut les moyens. Dans les provinces d'Alger et de Conslantine les terres Arch sont nombreuses, surtout dans celte dernière ; le cantonnement y serait donc fructueux pour la future colonisation; mais il ne faut pas se dissimuler que les tribus feront probablement aujourd'hui quelque résistance à une mesure qu'elles auraient autrefois acceptée sans discussion. Il faut donc, si l'on prend cette mesure, avoir en main des forces sérieuses. Il y a d'ailleurs certains tempéraments ou ménagements que l'on peut tou- jours prendre. Les cantonnements peuvent se faire peu à peu, et tout d'abord dans les positions militaires les mieux choisies. On pourrait peut-être donner une faible indemnité nécessaire à la tribu. Enfin, il faudra sévir sévèrement contre celles qui se soulèveraient. Celte question est d'ailleurs pour la colonie une question de vie ou de mort, en sorte qu'il faut bien la résoudre coûte que coûte. On l'a dit déjà : rester dans le statu quo, c'est la mort. La colonie et la France se découragent. On ne crée plus rien de sérieux et de durable en Algérie. La population européenne n'augmente plus. L'Arabe voit bien cet état de choses. Nos journaux le lui disent assez d'ailleurs. Il attend donc, confiant en l'avenir. Il tient pour bon son mode d'être vis-à-vis de nous, son humeur inassimilable, sa réserve, et ses fréquentes prises d'armes qui maintiennent vivant le sentiment national. L'Arabe n'a rien de nos perpétuelles hâtes. Enveloppé dans son burnous, il attend des jours entiers, sans impatience. L'heure venue, il lâche la bride à ses terribles passions, et en une seconde il est méconnaissable. Cette statue qui vous paraissait tout à l'heure inerte, sans vie, sans passions et sans pensée, vous apparaît brusquement avec des élans de bête fauve déchaînée. A ces heures-là, il ne raisonne plus, il est tout à ses instincts de haine, de sang et de fanatisme. L'Arabe voit en rêve une de ces heures où il nous chassera de son pays. En attendant, il feint de dormir, mais il n'en est — 133 ~ pas moins toujours prêt à se ruer, et si nous voulons toucher à ses intérêts, à ce qu'il appelle son droit, il faut absolument Otre prêt à lui en imposer par la force. Les commissaires-enquêteurs continuent encore aujourd'hui la constitution de la propriété indigène. Certains esprits pour- raient donc croire qu'en activant ce travail on arriverait h un état de choses qui permettrait h la colonisation ou à l'Etat d'acheter des terres h bas prix. Ce serait une erreur. Il y a cer- tainement quelques Arabes qui vendent, mais ce sont les pires sujets de la tribu ; le mot d'ordre arabe, le mot d'ordre des con- fréries est de garder la terre et d'en acheter même si faire se peut. On a dit d'ailleurs les procès sans fin auxquels donnent lieu ces ventes faites sans qu'il soit possible de connaître les ayants droit collatéraux. Enfin, la propriété arabe ainsi achetée est forcément morcelée, jetée au milieu des tribus et d'une défense impossible en temps d'insurrection. Disons-le donc une dernière fois. De quelque côté qu'on tourne les yeux, on ne voit qu'un moyen de sortir de l'impasse actuelle, attirer une nombreuse immigration européenne. Pour atteindre ce résultat, il faut des terres, et l'Arabe en détient incontes- tablement plus qu'il ne lui en faut. Donc, même au risque d'une insurrection qu'il faut être prêt à réprimer et qui sera une con- quête nouvelle, il faut prendre le surplus de la terre arabe et la donner ou vendre k l'immigrant. C'est là l'élan décisif qu'attend l'Algérie et sans lequel elle végétera de longues années encore, sans cesse h la merci d'une guerre européenne qui, en occu- pant la France ailleurs, lui ferait courir de singuliers risques. Nos journaux ont tous dit h l'Arabe que, si les tribus s'étaient soulevées d'un seul coup en 1871, l'Algérie était perdue pour nous ; ils se rappelleront cet avis, le cas échéant. La colonisation de l'Algérie, c'est plus qu'une terre nouvelle donnée au sang français, c'est plus qu'une extension de puis- sance de notre pays, c'est la porte ouverte en Afrique à la civi- lisation européenne. La France a la première fait une trouée dans ces états barbaresques, dans cet islam si longtemps re- doutable à la chrétienté. Elle était marquée du doigt pour cette œuvre grandiose, car ses rivages sont juste en face des rivages algériens, et en ce siècle elle était la seule des puissances mé- diterranéennes qui fût capable d'un tel effort. Elle a accepté la tache comme un devoir, sans se soucier du sang qu'elle aurait — 134 — à donner. Elle a ouvert la brèche et s'y est fortement installée. EUe ne saurait reculer aujourd'hui, car ce serait toute l'Europe qui reculerait avec elle. Il lui faut, donc aboutir à tout prix, et un dernier et vigoureux effort en est le meilleur moyeu. Le meilleur mode de distribution des terres à l'élément euro- péen sera certainement la vente avec droits absolus de propriété dès la signature du contrat, sauf pourtant la clause qui inter- dira absolument le retour de la terre française aux mains arabes. Il faut que ces droits soient absolus dès le début, car l'une des causes qui ont amené le plus fréquemment la ruine des colons a été précisément cette réserve mise à leurs droits de propriété. Mille réglementations aussi confuses que préjudiciables ont été faites pour définir ce que l'attributaire pourrait faire d'une con- cession que l'Etat lui avait donnée gratuitement. Il ne pouvait ni emprunter» ni vendre, au moins avant un certain délai; il devait bâtir et planter d'une façon déterminée, etc. , etc. Faute par lui de remplir les conditions exigées, la terre lui était retirée. Il résul- tait de cette menace et de la possibilité continuelles d'éviction que le colon ne trouvait rien à emprunter sur sa terre, ou bien qu'il empruntait à des intérêts ruineux. Beaucoup demandaient une concession sans bien savoir ce qu'ils en feraient. C'étaient des commerçants, des débitants, des citadins, la concession obte- nue, ils y enfouissaient quelques économies, s'imaginant que la terre allait les payer immédiatement de leurs sacrifices; les déceptions étaient fréquentes,, car la terre arabe a été dévastée par l'indigène et il lui faut de nombreuses cultures et fumures avant qu'elle puisse rendre sérieusement ► Les découragements suivaient vite les déceptions. Si l'attributaire avait un autre gagne-pain que sa concession, il s'efforçait de remplir tantbien que mal les conditions de bâtisse et. plantations imposées par l'Etat^ louait en attendant la terre à l'indigène, évitait ainsi tant bien que mal l'éviction pendant le temps des conditions suspen- sives de propriété, atteignait le délai qui le faisait propriétaire absolu et s'empressait alors de revendre à l'Arabe. La terre que l'Etat s'efforçait de faire française fuyait ainsi de nos mains et revenait malgré tout à l'élément indigène. Si l'attributaire n'avait que sa concession pour vivre, il jetait ses ressources dans les premiers ensemencements. U était k la merci d'une mauvaise année, et les mauvaises années sont fré- quentes en Algérie. Le travail européen et la puissance desasso- — 135 — dations de gens et de capitaux n'ont pas encore créé ces barrages, ces laboure profonds, ces reboisements, ce régime et cette distribution des eaux qui, ailleurs, ont maîtrisé ou atténué les imprévoyances de la nature. Dès qu'une mauvaise année était venue, il fallait emprunter et alore, à moins d'un miracle, le colon était perdu. Il empruntait à 15 ou 20 du cent, souvent plus, agonisait quelques années et disparaissait. Et il lui aurait été impossible de trouver à emprunter à des conditions meil- leures, car il n'avait nul gage h donner, pas môme l'hypothèque légale sur cette terre qu'il cultivait, pour laquelle il empruntait, et qui ne lui était pour ainsi dire que prêtée. La vente définitive fera disparaître toutes ces entraves. Libre à l'État de mettre ses terres à un prix assez élevé pour que les bonnes volontés sérieuses soient les seules à en acheter. La clause de défense de revendre à l'indigène, même naturalisé, découragera ces spéculateurs éhontés qui ne craignaient pas de se faire les proxénètes de la race indigène, les spoliateurs de leur pays au profit de l'ennemi. On vit après 1871 des propriétés séquestrées de 2 et 300 hectares achetées par ces misérables spéculateurs qui se disaient français, payées comptant au do- maine et revendues le lendemain avec 100 ou 200 mille francs de bénéfice à cet Arabe k qui l'armée, la France avaient eu tant de peine à l'arracher! La certitude de trouver des terres dès Tarrivée, devenant la propriété absolue de l'acheteur, attirerait certainement une im- migration nombreuse. Néanmoins il faudrait bien évidemment appeler cette immigration par tous les moyens que d'autres nations emploient avec tant de succès : agents qui parcourent les campagnes, reçoivent les demandes, renseignent les futurs colons avant leur départ de France, amènent sur les terres à vendre un membre de la famille émigrante, transports gratuits en. chemin de fer et en bateaux, délais de 3 ou 4 années accor- dés par l'Etat pour le paiement du prix de la terre, sociétés de capitalistes pour prêts à faire aux colons à des intérêts modé- rés, etc., etc. C'est au patriotisme des Algériens qu'appartient l'initiative de ces mesures qu'emploient l'Amérique, l'Australie, La Plata, Buenos-Ayres, etc., etc. Déjà bien des bonnes volontés ont été lassées et écœurées, bien des émigranta arrivés en Al- gérie avec le vrai désir du travail ont été laissés des mois et des . mois devant les bureaux administratifs, attendant la terre pro- — 136 — mise, dépensant leurs faibles ressources, et tout cela sans que la colonie algérienne s'en soit beaucoup préoccupée. C'est un tort grave, car, plus que personne les Algériens sont intéressés en ces questions de colonisation et d'immigration. Ils ont le droit et le devoir de prendre l'initiative, de montrer le chemin, de stimuler leur députation, de protéger et héberger l'arrivant au heu de le jeter en proie aux commerçants de bas étage et de plus basse morahté qui le grugent et le ruinent. Des étabhsse- ments destinés à recevoir les familles d'émigrants devraient être depuis longtemps installés dans les principaux ports et même dans quelques villes de l'intérieur. Les Algériens attendent vo- lontiers que l'Etat fasse pour eux. Il feront mieux et plus quand ils se décideront à travailler par eux-mêmes et pour eux. Qu'ils envoient en France des agents pour recruter la colonisation, qu'ils se mettent en contact avec la presse métropolitaine, pour éclairer l'opinion française sur les grandes questions algériennes. Ils se plaignent que l'Algérie n'est pas connue : c'est à eux à la faire connaître. Tous ces détails ont une importance considérable. L'immi- grant arrive avec confiance et bonne volonté, mais avec un pécule fort réduit. Livrer ce pécule à l'avidité des spéculateurs déjà étabhs en Algérie , c'est faire que celle-ci mange son blé en herbe, tarisse en leurs sources ses moyens de prospérité. Mais la France et la colonie ne devront jamais oublier qu'au- dessus de ces devoirs de détails envers l'immigrant pauvre, plane un devoir grandiose et dont les colons ne se rendent pas assez compte. Ce devoir, c'est celui du drapeau du progrès, du drapeau européen, que la France a la première arboré en Afri- que. Ce drapeau emporte une idée si générale, si contraire h l'idée musulmane, fataliste et immuable qu'il éveille un émoi national et religieux non pas seulement en Algérie, mais encore dans tout le monde sémite. Constantinople et la Mecque se sen- tent mises en cause dans ce qui se passe à Alger. L'Algérie française est pour elles une trouée par laquelle le monde euro- péen tente de pénétrer dans l'islam jusqu'ici fermé à tous les regards profanes, jusqu'ici gardant le rôle d'assaillant et main- tenant réduit à se défendre. Nous ne nous souvenons pas assez qu'il y a deux siècles à peine , le drapeau de l'islam guer- royait encore sous les murs de Vienne et qu'il fallut unSobieski et ses chevaliers polonais pour sauver ce boulevard de la chré- - 137 — lienlé. Certes, depuis ce moment, la science a singulièrement grandi l'Europe tandis que la stagnation religieuse a singulière- ment rapetissé l'Asie et l'Afrique musulmanes; prenons-y garde néanmoins. Ce monde qui s'écroule sous le poids de la somno- lence peut avoir de terribles réveils. Ses passions de fanatisme et de haine contre nous sont endormies, non pas éteintes. Il y a encore du ressort dans la violence de ces antiques passions, dans le fanatisme musulman et dans la bravoure arabe ; il y aura pour l'Europe des difficultés sans nombre, à pénétrer de vive force dans ces pays sans routes, sans cultures, sans grands centres de population, où la vie est partout et nulle part, où la vie na- tionale est insaisissable parce qu'elle n'a rien de notre centrali- sation européenne, parce que l'individu est beaucoup et l'Etat peu de chose. La France doit éviter ces grandes luttes qui ne profiteraient qu'à l'idée sémite en train de mourir à cette heure. L'Europe suit vis-à-vis de cette idée une politique de temporisation, de ménagements, et elle fait bien. Elle sape peu à peu ce colosse en lui enlevant ses appuis, en l'isolant du sol et des affaires, en abaissant devant l'idée européenne ses dynasties autrefois si fières et si dédaigneuses. Elle profite de la paix et des besoins de l'Arabe et du Turc pour s'introduire chez eux, y créer des routes, des chemins de fer et une administration. Elle arrive ainsi à conquérir par l'intelligence et le travail au lieu de le faire par les armes. Ce sont là des moyens lents, mais sûrs. Un récent exemple, celui de la guerre turco-russe, nous a montré de quels efforts virils ces nations sont encore capables. N'eussent été les dis- sensions religieuses entre Arabes et Turcs, entre mohabites et mahométans, le djehad, la guerre sainte eût peut-être été pro- clamée. Et alors la France, l'Angleterre, la Russie, eussent été entraînées à des luttes bien autrement sérieuses. Ces exemples doivent nous mettre en garde contre toute exa- gération, contre l'adoption de toute mesure qui n'est pas immé- diatement nécessaire et dictée par l'intérêt pressant de la colo- nisation. Le cantonnement des tribus est devenu nécessaire en Algérie, mais on peut atténuer par mille moyens cette mesure. L'usufruit des terres peut être réservé à l'Arabe, moyennant une légère redevance partout où l'émigration ne prendra pas immé- diatement possession du sol. Des titres de propriétés seront -- 138 — délivrés aux Arabes pour ce qu'ils gardent de terre. Les tribus ne seront déplacées que dans la mesure du strict nécessaire. Des administrateurs prudents, sages, connaissant les affaires du pays, seront mis à sa tête pendant cette période de transforma- tion et rassureront l'indigène. Enfin, la France a le droit et le devoir de ne faire ce grand pas qu'à son heure, après s'être assuré la libre disposition de toutes ses forces pour pouvoir parer à toutes les éventualités, après avoir préparé par des études complètes les prescriptions à édicter d'un coup et à ap- puyer, s'il le faut, de tout le poids de son épée. Le monde musulman se sent envahi sur le Danube, au Cau- case, dans l'Inde, sur le littoral méditerranéen. L'idée euro- péenne l'enserre et le pénètre de toutes parts; mais jusqu'ici il a vu surtout le danger sur le Danube. Là est la question d'O- rient. Gardons-noùs de la déplacer sans raison et de l'attirer sur notre frontière algérienne. Ce serait détourner la France de sa voie. l^jfH^i TABLE DES MATIÈRES, Pages. I. — L'idée européenne et l'idée arabe . 7 II. — La société arabe avant la concjuête française . 14 III. — La société arabe depuis la conquête 24 IV. — Historique de la colonisation française 28 V. — Mesures à prendre pour donner des terres à l'immigration. . 32 VI. — Mesures à prendre pour assurer la sécurité 39 VII. — Mesures pour dérelopper la viabilité 45 VIU. — Modifications à introduire dans l'administration des tribus. . 49 EX. — État civil et justice des musulmans 58 X. — Organisation de forces légères en Algérie 62 XI. — Les Khouan ou confréries religieuses 70 XII. — Le Tell et le sud algérien 75 XIII. — L'Aurôs et le cercle de Biskra, description géographique. . 80 XrV. — Description politique de l'Aurès et du cercle de Biskra. ... 88 XV. — Les associations religieuses dans l'Aurès et le cercle de Biskra. 97 XVL — Résumé de l'insurrection de 1879 dans l'Aurès 101 XVII. — Réflexions sur l'insurrection de 1879 114 XVIII. — Stagnation actuelle et nivellement de la société arabe. ... 122 XIX. — Ressources agricoles, forestières et minières de l'Algérie. . . 12(5 XX. — Nécessité de donner une impulsion définitive à la colonie . . 130 FIN DE LA TABLE DES MATIERES Pari?. — Imprimerie de L. Baudoin et C«, rue Christine, l. -mi- # -'>»i PLEASE DO NOT REMOVE CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY DT Noëllat, Vincent 294 L'Algérie en 1882 N586 نهاية الموضوع**********منقول**********........ليس كل ما كتبه الفرنسيون صحيحا فالحذر مطلوب .............1/12/2010 |
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مشكور على الموضوع |
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نعم زرتها فهي جميلة خاصتا تللك القرية |
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صور رائعة شكرا لك |
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صورة رائعة شكرا لك |
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يعطيكم الصحة شكرا على المعلومات و الصور...... واصلوا |
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شكرا جزيلا على المعلومات
وبارك الله فيك |
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بارك الله فيك أخي |
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| خنقة سيدي ناجي |
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