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مقال رائع في مجلة السياسة الخارجية

 
 
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قديم 2012-04-12, 10:38   رقم المشاركة : 1
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Smile مقال رائع في مجلة السياسة الخارجية

Maurice BERTRAND
LÕONU et la sŽcuritŽ ˆ
lÕŽchelle planŽtaire
À l’heure où les Européens tentent de définir leur politique de sécurité et de
défense commune, comment peut-on évaluer les limites du système de sécurité
onusien ? Est-il nécessaire d’en définir un nouveau ? Face aux prétentions hégémoniques
américaines qui tendent à instrumentaliser l’ONU et à la déposséder
de ses responsabilités, l’Europe a effectivement un rôle à jouer. Mais cela suppose
de se débarrasser d’un certain nombre d’idées fausses sur l’institution onusienne.
Il s’agit en fait de dépasser une conception archaïque faisant de l’imprévisibilité
des crises, et du recours concerté à la force par les grandes puissances les fondements
du système de sécurité collective. Maurice Bertrand plaide ainsi pour la
mise en place d’une politique systématique de prévention des crises qui utiliserait
un canal plus économique que militaire.
Politique étrangère
Il existe aujourd’hui une nette divergence au sujet du rôle de
l’Organisation des Nations unies (ONU) entre les États-unis et
l’Europe. Mais, si la politique américaine est claire à ce sujet, les
Européens semblent rester dans une totale confusion. Or, la définition
du rôle de l’ONU est indissociable de la conception de la sécurité à
l’échelle mondiale. Il serait peut-être temps que les Européens commencent
à tirer les leçons des échecs et des catastrophes qui ont été le résultat
de l’acceptation de la vision américaine. À l’occasion de la définition
de leur politique étrangère et de sécurité commune (PESC), il est en effet
devenu nécessaire de définir un nouveau système de sécurité mondial.
La conception américaine
Les États-Unis sont relativement satisfaits de la manière dont ils ont
réussi à mettre l’organisation universelle au service de leur politique.
POLITIQUE ÉTRANGÈRE 2/2000
Maurice Bertrand est conseiller-maître honoraire à la Cour des comptes.
Les relations passionnelles qu’ils ont entretenues dans le passé avec
l’ONU ont abouti à un nouvel équilibre. Après une période d’enthousiasme
au moment de sa création – l’Administration Roosevelt
ayant pratiquement conçu la Charte –, les Américains sont devenus
très réticents, puis franchement opposés à une institution où la majorité
appartenait aux nouveaux pays décolonisés, et qui se permettait de
ranger le sionisme au rang d’une forme de racisme. Ils ont réussi à
faire croire à leur opinion publique que l’organisation diffusait une
idéologie dangereuse, était de toute manière mal gérée, coûtait cher,
desservait les intérêts américains, et que les mesures prises contre elle,
notamment en ne payant pas la contribution américaine à son budget,
étaient parfaitement justifiées. La situation s’est modifiée, dans la
mesure où, depuis la fin de la guerre froide, les États-Unis ont réussi,
tout en maintenant la pression financière, en ne payant pas leurs
contributions, en refusant de participer aux conventions internationales
qui tentent de faire progresser le droit international (notamment
la convention interdisant les mines antipersonnel et celle créant la
Cour pénale internationale), à obtenir que le Conseil de sécurité
obéisse à leur conception de la politique internationale. La guerre du
Golfe, pour laquelle le soutien du Conseil a été accordé, avait déjà
démontré l’acceptation du « leadership américain » par les Européens
et par le reste du monde. Les événements de 1999 – la guerre pour le
Kosovo déclenchée le 24 mars, la déclaration de l’Organisation du
traité de l’Atlantique Nord (OTAN) le 24 avril – ont enfin confirmé
de façon décisive la soumission de l’organisation à la politique américaine
par l’acceptation du transfert officiel de la responsabilité de la
sécurité collective de l’ONU à l’OTAN, et pratiquement au seul gouvernement
américain. La déclaration du 24 avril 1999 dit que
« l’OTAN du XXIe siècle doit […] se tenir prête, au cas par cas et par
consensus, à contribuer à la prévention efficace des conflits et s’engager
activement dans la gestion des crises, y compris les opérations de
réponse aux crises […] ». L’Alliance doit se préoccuper « des crises et
conflits affectant la sécurité de la région euro-atlantique ». « La sécurité
dans la région des Balkans est essentielle pour assurer une stabilité
durable dans l’ensemble de la zone […] ». Même si le texte du « nouveau
concept stratégique » peut être considéré comme définissant le
rôle d’une organisation régionale au sein de son espace géographique,
la notion de crise « affectant la sécurité de la zone » inclut évidemment
376 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
n’importe quelle région du monde, et confère donc à l’OTAN une
vocation mondiale. Les choses sont donc claires : l’ONU est désormais
dépossédée de la responsabilité de la sécurité collective que la
Charte, dans son chapitre VII, lui avait conférée, et sera dorénavant
cantonnée dans des tâches de tutelle de pays dévastés par les conflits
que l’on n’aura pu éviter. Tel est le cas aujourd’hui des deux plus
grosses opérations qui lui ont été récemment confiées : celles du
Kosovo et celle du Timor-Oriental1.
La confusion européenne
Les Européens rechignent sans doute quelque peu à obéir aux injonctions
américaines. Depuis peu de temps, plusieurs hommes politiques
et experts européens des relations internationales ont même évoqué la
possibilité d’une réforme de l’ONU, afin de lui conférer plus de pouvoirs,
ce qui est très éloigné des positions américaines à ce sujet2. Dans
des articles récents, l’historien et journaliste André Fontaine suggérait
de doter le Conseil de sécurité d’une force militaire, et le président de
l’Assemblée nationale, Laurent Fabius, écrivait que le Conseil de sécurité
« devrait acquérir le pouvoir d’un véritable exécutif »3, suivant
ainsi Jacques Delors qui avait adhéré, il y a quelques années, à l’idée
d’instaurer un « Conseil de sécurité économique ». Aucune initiative
n’a toutefois jusqu’ici été prise par aucun gouvernement européen
pour proposer de commencer à réfléchir sérieusement à une réforme
de l’ONU, ce qui reviendrait à remettre en question la conception
actuelle du système de sécurité mondial.
En fait, en Europe, c’est la confusion qui continue de régner au sujet
de l’ONU. L’opinion publique ressent un profond malaise. Les échecs
dramatiques de la plupart des opérations effectuées sous l’égide des
Nations unies se sont accumulés ces dernières années avec une régularité
qui commence à lasser les plus « réalistes ». Les interventions
débouchent sur des massacres, des génocides, des déplacements massifs
L’ONU ET LA SÉCURITÉ À L’ÉCHELLE PLANÉTAIRE / 377
1. Le style utilisé pour la définition des missions de l’ONU dans ces deux pays indique clairement ce qu’est
un exercice de tutelle ; dans le cas de la MINUK (Mission des Nations unies au Kosovo) comme dans celui
de la MINUTO (Mission des Nations unies au Timor-Oriental), il s’agit « d’exercer les pouvoirs législatifs et
exécutif, ainsi que l’administration du pouvoir judiciaire ».
2. Pour les Américains, le mot « réforme » utilisé à propos de l’ONU signifie « réduction du budget, des programmes,
et des effectifs de l’organisation ».
3. Le Monde, 22 février 2000.
de population, des exactions de tout ordre, et de toute manière laissent
derrière elles des situations pires que celles que l’on a voulu corriger :
Somalie, Angola, Yougoslavie et Bosnie, Rwanda, Kosovo, Timor,
Sierra Leone... Les conflits ou les situations de violation manifeste des
droits de l’homme pour lesquelles on n’intervient pas (30 conflits
internes plus les occupations oppressives, de la Tchétchénie au Tibet,
en passant par les Kurdes en Turquie, le Soudan, l’Afghanistan ou
l’Algérie) ne laissent pas bonne conscience. Cela commence à bien
faire. Sans doute, au prix de catastrophes que l’on tolère ou que l’on
provoque ailleurs que dans les pays industrialisés, la sécurité de
l’Occident peut sembler protégée contre les risques qui pourraient
venir des pays pauvres. Mais des doutes, qui ne sont pas seulement
d’ordre moral, s’élèvent sur le prix ainsi payé.
Il existe un mélange d’idées, souvent contradictoires, concernant à la
fois les Nations unies et les principes dont s’inspirent les politiques de
sécurité. La première idée la plus généralement acceptée au sujet de
l’ONU est qu’elle est la seule organisation universelle en charge des
problèmes de sécurité et de recherche de la paix, et qu’il n’existe
aucune chance de la remplacer par une autre, les grandes révisions des
institutions mondiales ne pouvant se produire que dans le climat
d’émotion universelle qui suit une guerre mondiale ; que, dans ces
conditions, il vaut mieux essayer d’améliorer et d’utiliser ce dont on
dispose, plutôt que de rêver à l’établissement de quelque chose d’entièrement
nouveau, ce qui serait parfaitement utopique. L’organisation
actuelle, bien qu’imparfaite, peut d’ailleurs rendre des services,
notamment en entretenant un forum mondial sur les grands problèmes
de la planète, et en aidant à plaider pour le respect des droits
de l’homme. Enfin, les grands principes énoncés dans sa Charte sont
toujours valables, et il est essentiel de les conserver.
Cette idée se combine avec celle qu’il reste toujours possible de réformer
l’organisation de l’intérieur. Une tentative de réforme du Conseil
de sécurité de l’ONU se poursuit ainsi depuis près de cinq ans à
l’Assemblée générale. Des diplomates chevronnés sont à la recherche
d’un accroissement équilibré du nombre des États membres de cet
organisme, afin de le rendre plus efficace, en renforçant sa représentativité
et sa légitimité. Ceci implique qu’ils croient, au nom des gouvernements
qu’ils représentent, que l’on a identifié le défaut majeur de
378 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
l’institution, qui en compromet le fonctionnement normal, et qu’il est
possible de résoudre correctement le problème d’une représentation
équilibrée des États dans une instance de cet ordre.
Par ailleurs, on croit encore, en Europe, qu’un système de sécurité
collective tel qu’il est défini dans la Charte est une méthode raisonnable
pour tenter d’assurer la paix dans le monde. L’idée que les
grandes puissances démocratiques et amies de la paix, soutenues par la
majorité des autres États-membres, peuvent et doivent mettre leur
force au service du droit par la menace d’une action collective contre
tout agresseur éventuel n’a jamais été remise sérieusement en question.
Les grands pays démocratiques, respectueux des droits de l’homme,
sont vertueux, et leur vertu confère la légitimité aux actions qu’ils
entreprennent contre les dictateurs et agresseurs éventuels. Il est donc
fondamental qu’ils maintiennent des forces militaires importantes et
modernes, et qu’ils les conditionnent en « forces d’intervention » à
distance de façon à pouvoir intervenir partout dans le monde.
L’Europe, en retard sur ce point par rapport aux Américains, se prépare
d’ailleurs à agir activement dans ce sens. Il n’existerait pas d’autre
recette pour tenter de faire régner la paix au niveau mondial.
Le système ne fonctionnerait mal que parce que l’on n’a jamais mis en
application les dispositions des articles 43 à 48 de la Charte qui prévoyaient
la mise à la disposition du Conseil de sécurité d’une force
militaire sous commandement unifié. On n’hésite donc pas à imaginer
que l’ONU pourrait assurer le « maintien de la paix » de façon plus
efficace si elle était dotée d’une « force d’intervention » qui lui soit
propre. De nombreux secrétaires généraux ont ainsi rêvé de devenir
les généraux en chef d’une armée onusienne. Boutros Boutros-Ghali,
dans son Agenda pour la paix, parlait de « l’imposition de la paix »
comme d’une hypothèse sérieuse, et l’actuel secrétaire général a encore
suggéré récemment la même idée. Les articles récents d’André
Fontaine et de Laurent Fabius reprennent cette proposition.
D’une manière plus générale, le sort de l’ONU ne passionne guère
l’opinion publique européenne qui reste sceptique sur les chances de
résoudre les nombreux conflits qui dévastent des pays pauvres, et qui
continue à croire qu’il y aura toujours des guerres et qu’il faut continuer
à se protéger contre les agressions imprévisibles en entretenant
des armées puissantes et sophistiquées. L’existence de l’hégémonie
L’ONU ET LA SÉCURITÉ À L’ÉCHELLE PLANÉTAIRE / 379
américaine ne paraît certes pas une solution idéale, mais peu d’esprits
pensent qu’il serait possible de faire mieux si l’on pouvait s’en débarrasser.
Ce climat d’indifférence et de fatalisme semble donc enlever
toute gravité à la confusion existante au sujet de l’ONU elle-même.
La dénonciation des idées fausses
Dans ces conditions, il est clair que les gouvernements des pays européens
ne sont guère tentés de prendre quelque initiative en ce domaine.
Mais, au moment où l’Europe est en train de définir sa politique de
défense et de sécurité commune, il n’est peut-être pas inutile de noter
qu’une telle définition ne peut se faire que dans le cadre de la conception
d’ensemble d’un système de sécurité mondial. Il semble tout
d’abord difficile d’imaginer que l’on puisse ignorer les transformations
fondamentales qui se sont produites depuis un demi-siècle dans la problématique
de la sécurité à l’échelle planétaire. Tout semble en effet se
passer comme si continuait de régner, sous le nom de réalisme, une
philosophie extraordinairement simpliste fondée sur la « sagesse des
nations » et se traduisant par les adages – « il y aura toujours des
guerres » et « si tu veux la paix prépare la guerre » – ; comme si l’on
ignorait la mutation historique qui s’est produite en Europe par la
création de la Communauté, puis de l’Union européenne qui a transformé
en une zone de paix un continent qui avait été depuis mille ans
un terrain d’affrontements guerriers permanents entre tous les États
qui le composaient et qui avait déclenché les deux guerres mondiales ;
comme si l’on ignorait aussi que des progrès fondamentaux avaient été
faits à travers les efforts de maîtrise des armements, les mesures de
confiance et de sécurité de la Conférence sur la sécurité et la coopération
en Europe (CSCE), les efforts de réduction des armements pour
créer des conditions entièrement nouvelles dans les relations entre pays
industrialisés, y compris la Russie, comme si enfin la notion même de
« conquête territoriale » qui était à l’origine de la plupart des guerres
du passé n’était pas simplement devenue aujourd’hui ridicule. Le Livre
blanc français de 1994 dit bien que « pour la première fois de son histoire,
la France n’a plus de menaces auprès de ses frontières ». Mais ceci
est également vrai pour tous les pays industrialisés.
Il n’est pas vrai que l’on ait besoin aujourd’hui de forces militaires
aussi puissantes, nombreuses et sophistiquées que celles qu’entretien-
380 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
nent les Américains, et qu’ils encouragent leurs alliés de l’OTAN à
entretenir. L’avenir n’appartient pas à une course aux armements qualitative
et quantitative telle que l’exigeait la situation d’équilibre des
puissances qui régnait au XIXe siècle et jusqu’en 1985. Ce n’est pas
parce que les États-Unis ne croient qu’à la force que les Européens
sont contraints de les imiter. L’avenir appartient davantage à la réduction
des armements dont le cours, démarré après la fin de la guerre
froide, est aujourd’hui indûment interrompu.
Il n’est pas vrai non plus que l’on applique des méthodes correctes
pour résoudre le problème de l’existence et du développement des
conflits internes dans les pays pauvres. On fait de l’humanitaire et du
soutien aux pays dévastés par les conflits quand ils sont terminés, alors
que l’on connaît les causes de ces conflits (pauvreté, inégalités
extrêmes, corruption et inexistence de structures étatiques), mais que
l’on ne veut pas apporter de l’aide effective avant leur déclenchement,
et que l’on préfère laisser ces pays être d’abord dévastés. La croyance
que l’ordre mondial peut et doit être maintenu par la force fait partie
d’une approche traditionnelle – et en fait archaïque – des problèmes
de sécurité. Il est temps de remettre en question la philosophie qui a
présidé à la définition de la « sécurité collective » depuis l’institution
de la Société des Nations en 1919, et qui a été reprise sans modification
sérieuse dans la Charte de l’ONU, avant d’être aujourd’hui transférée
à l’OTAN. Ce système, fondé sur l’idée que les grandes
puissances démocratiques et amies de la paix, soutenues par la majorité
des autres États-membres, peuvent assurer la paix dans le monde
par la menace d’une action collective contre tout agresseur éventuel,
n’a jamais fonctionné. Il n’a pas empêché les innombrables guerres qui
sont survenues depuis 1945, et ses principes ont été violés par les gardiens
du temple eux-mêmes, soit les membres permanents du Conseil
de sécurité (États-Unis en Amérique latine et au Vietnam, France en
Indochine et en Algérie, URSS en Hongrie, en Tchécoslovaquie et en
Afghanistan…). Non appliqué pour les conflits entre États, il est évidemment
inapplicable aux conflits internes, pour la très grande majorité
desquels il est impossible d’identifier l’agresseur. Que les esprits
les plus réalistes semblent encore croire à cette idée archaïque dont
l’histoire a démontré la fausseté, et puissent proposer de l’appliquer
dans des cas de figure où elle n’a aucune chance de réussir, montre la
L’ONU ET LA SÉCURITÉ À L’ÉCHELLE PLANÉTAIRE / 381
gravité du degré de confusion régnant en ces matières. L’idée subsidiaire
qu’en donnant à l’ONU une force propre, on accroîtrait l’efficacité
d’interventions dont le principe même est contestable et
l’inutilité démontrée, devrait dans ces conditions être considérée sans
fondement.
Les autres illusions concernant l’ONU elle-même doivent aussi être
dénoncées : il n’est pas vrai qu’il soit impossible de proposer aujourd’hui
l’établissement d’autres institutions mondiales plus efficaces,
soit pour la compléter, soit pour la remplacer. L’ONU n’apporte pas
la seule réponse possible au problème de l’établissement de la paix
mondiale. C’est plutôt le contraire qui est vrai, une institution dont le
système de représentation accorde la même voix aux grandes puissances
et aux micro-États ne pouvant pas servir utilement à des discussions
et à des négociations tendant à établir un consensus entre les
peuples et leurs gouvernements. L’ONU est tout au plus une scène de
théâtre pour des propagandes opposées, non un lieu où il est possible
de faire un travail en profondeur pour construire un consensus entre
les principaux acteurs de la scène mondiale. Il serait beaucoup plus
utile de tenter de reprendre et de transposer au niveau mondial les
méthodes qui ont permis de créer un nouveau consensus en Europe,
puis au niveau intercontinental par la CSCE et la réduction des armements.
Quant à l’idée qu’il devrait être possible de réformer l’ONU
de l’intérieur, l’échec devenu évident de la tentative de réforme du
Conseil de sécurité, dû à l’impossibilité de trouver un système acceptable
de représentation des États (pourquoi l’Allemagne et pas l’Italie
ou l’Espagne ? pourquoi le Brésil et pas l’Argentine et le Mexique ?
etc.) devrait enfin permettre de détruire définitivement l’illusion qu’il
sera possible un jour de réformer la Charte. Chacun devrait savoir
que, toute révision exigeant une majorité des deux tiers, y inclus les
cinq membres permanents du Conseil, il n’existe aucune chance de
pouvoir changer une virgule au texte existant.
Les questions qu’il est nécessaire d’examiner
Il existe donc un très sérieux besoin de réviser l’ensemble de la problématique
existante au sujet du système de sécurité mondial. Il ne
serait pas inutile que les Européens réussissent à se débarrasser du
complexe d’infériorité sur ces sujets, qui les conduit à accepter sans
382 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
discussion les idées répandues par l’establishment militaire américain.
L’opinion publique en Europe éprouve le besoin d’une clarification. Il
n’y a aucune raison de croire qu’une initiative sérieuse de quelques
gouvernements européens en ce domaine ne pourrait pas réussir à
trouver des réponses à quelques questions qui sont d’une très grande
actualité.
Ces questions concernent en premier lieu la nature exacte des menaces
auxquelles les appareils militaires et les alliances doivent faire face.
Puisqu’il n’y a plus de menaces sur les frontières, et que c’est le développement
des guerres civiles et des violations massives des droits de
l’homme qui fait problème, doit-on toujours considérer comme indiscutable
la notion d’« imprévisibilité ». La plupart des crises auxquelles
il a fallu tenter d’apporter des solutions avaient été prévues par les
experts compétents. Les gouvernements des grandes puissances étaient
parfaitement au courant, plusieurs années à l’avance, des risques qui
existaient dans la fédération yougoslave, au Rwanda, ou au Kosovo.
Rien de sérieux n’a été fait pour prévenir en temps utile l’éclatement
de la Yougoslavie, le génocide rwandais ou l’exode des Kosovars. On
sait très bien aujourd’hui où se situent les risques de prochaines crises,
au Moyen-Orient, au Caucase, dans les Balkans ou en Asie centrale,
en Inde et au Pakistan. Nul n’ignore non plus qu’il est nécessaire de
stabiliser et d’améliorer les relations de l’Occident et de la Russie,
même si l’on fait à cet égard (notamment à travers la politique d’extension
de l’OTAN) une politique exactement contraire à la collaboration
qu’il faudrait rechercher. Or, s’il n’y a plus d’imprévisibilité, ne
faudrait-il pas alors instituer des politiques systématiques de prévention
des crises au lieu d’attendre qu’elles éclatent pour songer à intervenir
par des moyens militaires inadéquats ?
Le problème de la conception et de la possibilité de la prévention se
pose donc de façon impérative. N’est-il pas temps de réviser intégralement
l’idée que l’on se fait de ce problème ? Les tentatives de médiation
ou de bons offices confiées tardivement à des diplomates
supposés charismatiques, suivies, après échec, par des menaces de
bombardements, ne doivent-elles pas être remplacées par l’établissement
de diagnostics en temps utile de situations pré-conflictuelles, la
définition des mesures économiques, politiques et sociales qui pourraient
transformer ces situations ? Et notamment l’organisation et le
L’ONU ET LA SÉCURITÉ À L’ÉCHELLE PLANÉTAIRE / 383
financement de plans de prévention du type « plan Marshall » ou
« fonds structurels » sur le modèle européen. Des exemples d’opérations
de véritable prévention, soit de transformation de situations préconflictuelles
en situations de coopération, n’ont-ils pas été donnés
par Jean Monnet en Europe au lendemain de la Seconde Guerre mondiale,
par Frederik De Klerk en Afrique du Sud, par Mikhaïl
Gorbatchev dans le cadre de la CSCE à partir de 1986 ?
Ne faut-il pas parallèlement – et afin justement de pouvoir dégager les
ressources nécessaires à la prévention – réduire les dépenses militaires
dans la plupart des grands pays ? Et concevoir de façon entièrement
nouvelle les appareils militaires qu’il convient de conserver ? La guerre
actuelle ne montre-t-elle pas que des pans entiers des armements existants
sont parfaitement inutilisables pour résoudre les crises ? A-t-on
menacé Slobodan Milosevic avec les armes nucléaires ? À quoi sert le
bombardier furtif B2 – qui coûte 2,3 milliards de dollars l’unité – dont
on a fait partir un exemplaire de sa base du Missouri à plus de 7 000 km
pour venir lâcher quelques bombes sur Belgrade, puis retourner nonstop
sur sa base ? À quoi ont servi les satellites d’observation contre les
chars enterrés de l’armée serbe ? Avec le prix d’un seul B2, n’aurait-on
pu financer un « plan Marshall » pour l’ensemble des Balkans afin de
stabiliser la région ? Ne faut-il donc pas remettre résolument en chantier
les négociations sur les réductions d’armements partout dans le
monde ? Et mettre un terme au commerce des armes qui permet d’entretenir
et de rendre plus meurtriers les conflits en cours ?
En d’autres termes, n’est-il pas temps de remettre complètement en
chantier la conception fondamentale de la sécurité qui repose aujourd’hui
sur les notions d’imprévisibilité et d’usage de la force pour
réprimer les agressions ? N’est-il pas temps d’entreprendre une grande
réflexion sur l’ensemble de ces problèmes, au nombre desquels le plus
important est sans doute celui de la construction progressive d’un
consensus des peuples et des gouvernements sur le respect des droits
de l’homme, le développement économique et social, la construction
de la paix ? Ce n’est certainement pas dans le cadre de l’ONU qu’une
telle réflexion pourrait être utilement engagée, mais l’Europe n’est-elle
pas capable de provoquer une conférence entre les grandes puissances
et les grands pays du Tiers-Monde où il serait possible de commencer
à travailler sérieusement ?
384 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
La définition d’un système de sécurité
Il serait naïf de penser que de tels problèmes puissent être résolus
rapidement. Ce serait déjà un progrès considérable si l’on acceptait de
les poser au niveau des principaux responsables des politiques étrangères
des grandes puissances. C’est qu’il s’agit en effet de questions
dont l’ampleur effraie les meilleurs esprits : il ne s’agit de rien moins
que d’une mutation culturelle qui ferait passer l’humanité de l’ère
« clausewitzienne » à une ère dans laquelle le recours à la guerre ne
serait plus considéré comme l’un des moyens possibles de la politique.
Il s’agit bien en effet de définir un nouveau « système de sécurité ». Si
l’on entend par là « les ensembles d’institutions, de techniques et de
méthodes par lesquelles les peuples et les individus assurent leur sécurité
contre les risques d’agression – ou autres dangers – qui les menacent
», l’histoire de l’Europe et du monde depuis la fin de l’Empire
romain montre que se sont succédé quatre systèmes différents : le système
féodal où la sécurité était assurée dans des unités territoriales très
petites par des seigneurs indépendants, reliés dans des hiérarchies peu
efficaces ; le système des armées royales et nationales, complété par
des alliances variables suivant les besoins, qui naît au cours des XIVe
et XVe siècles, et dure cinq à six siècles jusqu’à l’apparition de l’arme
nucléaire et la division du monde en deux camps ; le système qui a
régné de 1945 à 1985, système dual avec alliances fixes et intégrées ;
enfin, le système existant, qui est à la recherche de lui-même et fait
l’objet d’une compétition entre la conception hégémonique américaine,
qui propose comme instrument fondamental l’intégration des
armées nationales de tous ses membres en une seule armée devenant
une « gendarmerie mondiale », et une conception plus démocratique
et plus coopérative, mais qui, ne pouvant être assimilable à un système
onusien clairement périmé, est encore loin d’être définie.
Conception hégémonique et conception démocratique
Cette mise en perspective historique permet de comprendre qu’il existe
une relation directe entre un système de sécurité et la nature de la
configuration des unités politiques territoriales concernées. C’est
l’agrandissement progressif de ces unités, ou de ces groupements d’unités,
qui accompagne l’évolution de ces systèmes. Il s’agit aujourd’hui
de remplacer un système fait pour un monde dual par un système
L’ONU ET LA SÉCURITÉ À L’ÉCHELLE PLANÉTAIRE / 385
planétaire. La tendance à l’hégémonie est en quelque sorte normale.
Mais elle se produit dans un monde qui n’est pas prêt à l’accepter, aussi
bien parce que les États-Unis ont des concurrents de même niveau de
développement, soit l’Europe, le Japon et, à un degré moindre, la
Russie, qu’en raison de l’existence d’inégalités très profondes entre les
pays sous-développés et les pays riches. Le phénomène de mondialisation
économique joue dans la direction d’une fédération politique planétaire,
alors que la planète est encore divisée entre deux centaines
d’États indépendants, et des situations culturelles, économiques et
sociales très diversifiées. Il est donc inévitable qu’il existe des visions
très différentes des conditions qui permettront de réaliser progressivement
une meilleure intégration de la société mondiale.
Les deux principales conceptions qui s’opposent aujourd’hui manquent
également de réalisme. Il existe bien une opposition idéologique entre la
conception hégémonique d’un monde riche imposant sa culture et ses
valeurs au reste de la planète, afin de conserver ses privilèges, et une
conception démocratique et égalitaire respectueuse de la souveraineté de
chaque État et tendant à une redistribution plus équitable des richesses
entre tous les peuples. Mais les méthodes qui sont proposées pour
assurer la sécurité par les partisans de ces deux approches sont aussi
inadéquates les unes que les autres. On ne résoudra les crises et on ne
fera respecter universellement les droits de l’homme ni par le seul usage
de la force et de la répression, ni par la magie de décisions démocratiques
prises par un Conseil de sécurité supposé capable de trouver facilement
un consensus. En l’état actuel du débat, ce n’est ni en transférant à
l’OTAN une responsabilité mondiale, ni en décidant de respecter désormais
les principes et les méthodes définis par la Charte des Nations unies
que pourront être adressés correctement les vrais problèmes. Dans une
société en cours de mondialisation sur le plan économique et social, mais
restée divisée entre de nombreuses souverainetés nationales, il n’est possible
d’imposer des valeurs et de faire respecter un ordre ni par la force
seule, ni par des processus démocratiques acceptés par tous.
Les « petits pas »
Ce qui est en revanche certain c’est qu’il devient de plus en plus
insupportable de continuer de tenter de résoudre les problèmes de
sécurité du monde moderne sur la base d’idées qui avaient quelque
386 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
raison d’exister au XIXe siècle, mais qui sont aujourd’hui totalement
périmées. L’opinion publique a réellement besoin qu’une clarification
soit enfin entreprise, qu’une procédure crédible soit définie pour commencer
à examiner sérieusement les questions posées. La décision
d’établir une Cour pénale internationale, fort bien accueillie par l’opinion,
montre le chemin dans lequel il serait temps de s’engager.
D’autres « petits pas » dans la bonne direction sont parfaitement
concevables, au nombre desquels on pourrait envisager notamment :
la reprise des négociations sur la réduction des armements, le développement
à des échelles régionales de mesures de confiance et de
sécurité sur le modèle de celles de la CSCE, l’admission dans un
groupe de discussion et de négociations, tel que le G7/8, de la Chine,
de l’Inde et de quelques autres grands pays du Tiers-Monde, et la discussion
en son sein de ce que pourraient être des politiques sérieuses
de prévention des conflits. Des propositions de ce genre ne viendront
certainement pas de Washington, quel que soit le résultat des prochaines
élections présidentielles. Mais il est temps que l’Europe
prenne enfin conscience qu’elle est aussi une puissance qui a des responsabilités
au niveau mondial.
L’ONU ET LA SÉCURITÉ À L’ÉCHELLE PLANÉTAIRE / 387









 


 

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