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Extrait de l'ouvrage réalisé par Monsieur MAZOUNI Ahmed publié aux éditions "Dar el Oumma" en 2004
L'État civil (par Mohammed SOUALAH)
En 1830, les indigènes de l'Algérie se trouvaient dans une situation analogue à celle des juifs de France avant la révolution : leurs naissances et leurs décès n'étaient inscrits nulle part,
Quand les mariages se contractaient devant le cadi, on en trouvait les traces; mais lorsqu'ils se faisaient en présence de témoins et sans écrit, ce qui se produisait le plus souvent à la campagne, ils restaient ignorés. Cette situation se prolongea après la capitulation d'Alger.
Ajoutez que les indigènes ne possédaient pas de nom patronymique ou de famille. Ils se désignaient par le prénom suivi de celui du père. Ainsi l'un était nommé Ali ben (fils de) Mohammed, l'autre Mohammed ben Ali. Quant aux filles, elles s'appelaient Fatma bent (fille de) Mohammed ou bien Aicha bent Ali, Dans chaque localité, un nom de marabout prédominait, ce qui augmentait la confusion à propos des actes de la vie, des impôts, des procès, de la constitution de la propriété individuelle, etc...
Les décrets du 8 août 1854, du 22 avril 1863 du 18 août 1868 ne furent que des mesures préparatoires et sans effet. Le Gouvernement fit voter la loi du 23 mars 1882 qui avait deux buts:
1° constituer, chez les indigènes, l'état civil de la génération existante,
2° assurer l'avenir par la tenue des registres d'état civil.
Constitution de l'état civil :
L’attribution d'un nom patronymique s'imposait tout d'abord. Des commissaires spéciaux établirent, pour chaque famille, un arbre généalogique avec le nom, le prénom, le domicile et l'âge approximatif de chaque membre.
Le nom patronymique laissé au choix du chef de famille fut, soit un nom déjà donné, soit un sobriquet, soit le nom d'une propriété, etc... Des cartes d'identité, établies d'après l'arbre généalogique déposé au chef-lieu de la commune, furent distribuées aux intéressés après l'homologation.
Pour assurer l'avenir : Il fallait astreindre les indigènes à déclarer les actes de l'état civil, comme les Français, à la mairie ou chez le caïd, avec obligation d'indiquer le nom patronymique. La loi du 23 mars 1882, en exigeant l'âge de 15 ou 16 ans pour les époux, vise à la suppression du mariage des filles impubères. La loi sur l'indigénat édicta des sanctions contre les délinquants.
La constitution de l'état civil s'opéra d'abord lentement, à cause des frais considérables qu'elle entraînait et aussi de l'indifférence et de la résistance opposées par les indigènes, qui ne comprenaient pas l'utilité de la mesure. Des esprits malintentionnés avaient répandu le bruit que la constitution de l'état civil devait préparer le recrutement des musulmans pour l'armée et changer les coutumes religieuses. On verra reparaître les mêmes alarmes à propos de chaque réforme et de chaque innovation, par exemple pour la création des écoles françaises ou la con******ion militaire.
En 1890, on comptait 523.000 individus pourvus d'une carte d'identité. Mais on constata une vive impulsion par la suite: 1.065.000 indigènes étaient immatriculés en 1892; 3.069.368 en 1894. Le travail se trouvait à peut près achevé en territoire civil. Depuis, l'application s'est poursuivie méthodiquement dans les régions du Territoire Militaire passées au territoire civil.
Le nom patronymique et la carte d'identité ayant été exigés en toute circonstances, les indigènes algériens se sont accoutumés à l'institution.
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