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مقال رائع في مجلة السياسة الخارجية

 
 
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قديم 2012-04-12, 10:38   رقم المشاركة : 1
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Smile مقال رائع في مجلة السياسة الخارجية

Maurice BERTRAND
LÕONU et la sŽcuritŽ ˆ
lÕŽchelle planŽtaire
À l’heure où les Européens tentent de définir leur politique de sécurité et de
défense commune, comment peut-on évaluer les limites du système de sécurité
onusien ? Est-il nécessaire d’en définir un nouveau ? Face aux prétentions hégémoniques
américaines qui tendent à instrumentaliser l’ONU et à la déposséder
de ses responsabilités, l’Europe a effectivement un rôle à jouer. Mais cela suppose
de se débarrasser d’un certain nombre d’idées fausses sur l’institution onusienne.
Il s’agit en fait de dépasser une conception archaïque faisant de l’imprévisibilité
des crises, et du recours concerté à la force par les grandes puissances les fondements
du système de sécurité collective. Maurice Bertrand plaide ainsi pour la
mise en place d’une politique systématique de prévention des crises qui utiliserait
un canal plus économique que militaire.
Politique étrangère
Il existe aujourd’hui une nette divergence au sujet du rôle de
l’Organisation des Nations unies (ONU) entre les États-unis et
l’Europe. Mais, si la politique américaine est claire à ce sujet, les
Européens semblent rester dans une totale confusion. Or, la définition
du rôle de l’ONU est indissociable de la conception de la sécurité à
l’échelle mondiale. Il serait peut-être temps que les Européens commencent
à tirer les leçons des échecs et des catastrophes qui ont été le résultat
de l’acceptation de la vision américaine. À l’occasion de la définition
de leur politique étrangère et de sécurité commune (PESC), il est en effet
devenu nécessaire de définir un nouveau système de sécurité mondial.
La conception américaine
Les États-Unis sont relativement satisfaits de la manière dont ils ont
réussi à mettre l’organisation universelle au service de leur politique.
POLITIQUE ÉTRANGÈRE 2/2000
Maurice Bertrand est conseiller-maître honoraire à la Cour des comptes.
Les relations passionnelles qu’ils ont entretenues dans le passé avec
l’ONU ont abouti à un nouvel équilibre. Après une période d’enthousiasme
au moment de sa création – l’Administration Roosevelt
ayant pratiquement conçu la Charte –, les Américains sont devenus
très réticents, puis franchement opposés à une institution où la majorité
appartenait aux nouveaux pays décolonisés, et qui se permettait de
ranger le sionisme au rang d’une forme de racisme. Ils ont réussi à
faire croire à leur opinion publique que l’organisation diffusait une
idéologie dangereuse, était de toute manière mal gérée, coûtait cher,
desservait les intérêts américains, et que les mesures prises contre elle,
notamment en ne payant pas la contribution américaine à son budget,
étaient parfaitement justifiées. La situation s’est modifiée, dans la
mesure où, depuis la fin de la guerre froide, les États-Unis ont réussi,
tout en maintenant la pression financière, en ne payant pas leurs
contributions, en refusant de participer aux conventions internationales
qui tentent de faire progresser le droit international (notamment
la convention interdisant les mines antipersonnel et celle créant la
Cour pénale internationale), à obtenir que le Conseil de sécurité
obéisse à leur conception de la politique internationale. La guerre du
Golfe, pour laquelle le soutien du Conseil a été accordé, avait déjà
démontré l’acceptation du « leadership américain » par les Européens
et par le reste du monde. Les événements de 1999 – la guerre pour le
Kosovo déclenchée le 24 mars, la déclaration de l’Organisation du
traité de l’Atlantique Nord (OTAN) le 24 avril – ont enfin confirmé
de façon décisive la soumission de l’organisation à la politique américaine
par l’acceptation du transfert officiel de la responsabilité de la
sécurité collective de l’ONU à l’OTAN, et pratiquement au seul gouvernement
américain. La déclaration du 24 avril 1999 dit que
« l’OTAN du XXIe siècle doit […] se tenir prête, au cas par cas et par
consensus, à contribuer à la prévention efficace des conflits et s’engager
activement dans la gestion des crises, y compris les opérations de
réponse aux crises […] ». L’Alliance doit se préoccuper « des crises et
conflits affectant la sécurité de la région euro-atlantique ». « La sécurité
dans la région des Balkans est essentielle pour assurer une stabilité
durable dans l’ensemble de la zone […] ». Même si le texte du « nouveau
concept stratégique » peut être considéré comme définissant le
rôle d’une organisation régionale au sein de son espace géographique,
la notion de crise « affectant la sécurité de la zone » inclut évidemment
376 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
n’importe quelle région du monde, et confère donc à l’OTAN une
vocation mondiale. Les choses sont donc claires : l’ONU est désormais
dépossédée de la responsabilité de la sécurité collective que la
Charte, dans son chapitre VII, lui avait conférée, et sera dorénavant
cantonnée dans des tâches de tutelle de pays dévastés par les conflits
que l’on n’aura pu éviter. Tel est le cas aujourd’hui des deux plus
grosses opérations qui lui ont été récemment confiées : celles du
Kosovo et celle du Timor-Oriental1.
La confusion européenne
Les Européens rechignent sans doute quelque peu à obéir aux injonctions
américaines. Depuis peu de temps, plusieurs hommes politiques
et experts européens des relations internationales ont même évoqué la
possibilité d’une réforme de l’ONU, afin de lui conférer plus de pouvoirs,
ce qui est très éloigné des positions américaines à ce sujet2. Dans
des articles récents, l’historien et journaliste André Fontaine suggérait
de doter le Conseil de sécurité d’une force militaire, et le président de
l’Assemblée nationale, Laurent Fabius, écrivait que le Conseil de sécurité
« devrait acquérir le pouvoir d’un véritable exécutif »3, suivant
ainsi Jacques Delors qui avait adhéré, il y a quelques années, à l’idée
d’instaurer un « Conseil de sécurité économique ». Aucune initiative
n’a toutefois jusqu’ici été prise par aucun gouvernement européen
pour proposer de commencer à réfléchir sérieusement à une réforme
de l’ONU, ce qui reviendrait à remettre en question la conception
actuelle du système de sécurité mondial.
En fait, en Europe, c’est la confusion qui continue de régner au sujet
de l’ONU. L’opinion publique ressent un profond malaise. Les échecs
dramatiques de la plupart des opérations effectuées sous l’égide des
Nations unies se sont accumulés ces dernières années avec une régularité
qui commence à lasser les plus « réalistes ». Les interventions
débouchent sur des massacres, des génocides, des déplacements massifs
L’ONU ET LA SÉCURITÉ À L’ÉCHELLE PLANÉTAIRE / 377
1. Le style utilisé pour la définition des missions de l’ONU dans ces deux pays indique clairement ce qu’est
un exercice de tutelle ; dans le cas de la MINUK (Mission des Nations unies au Kosovo) comme dans celui
de la MINUTO (Mission des Nations unies au Timor-Oriental), il s’agit « d’exercer les pouvoirs législatifs et
exécutif, ainsi que l’administration du pouvoir judiciaire ».
2. Pour les Américains, le mot « réforme » utilisé à propos de l’ONU signifie « réduction du budget, des programmes,
et des effectifs de l’organisation ».
3. Le Monde, 22 février 2000.
de population, des exactions de tout ordre, et de toute manière laissent
derrière elles des situations pires que celles que l’on a voulu corriger :
Somalie, Angola, Yougoslavie et Bosnie, Rwanda, Kosovo, Timor,
Sierra Leone... Les conflits ou les situations de violation manifeste des
droits de l’homme pour lesquelles on n’intervient pas (30 conflits
internes plus les occupations oppressives, de la Tchétchénie au Tibet,
en passant par les Kurdes en Turquie, le Soudan, l’Afghanistan ou
l’Algérie) ne laissent pas bonne conscience. Cela commence à bien
faire. Sans doute, au prix de catastrophes que l’on tolère ou que l’on
provoque ailleurs que dans les pays industrialisés, la sécurité de
l’Occident peut sembler protégée contre les risques qui pourraient
venir des pays pauvres. Mais des doutes, qui ne sont pas seulement
d’ordre moral, s’élèvent sur le prix ainsi payé.
Il existe un mélange d’idées, souvent contradictoires, concernant à la
fois les Nations unies et les principes dont s’inspirent les politiques de
sécurité. La première idée la plus généralement acceptée au sujet de
l’ONU est qu’elle est la seule organisation universelle en charge des
problèmes de sécurité et de recherche de la paix, et qu’il n’existe
aucune chance de la remplacer par une autre, les grandes révisions des
institutions mondiales ne pouvant se produire que dans le climat
d’émotion universelle qui suit une guerre mondiale ; que, dans ces
conditions, il vaut mieux essayer d’améliorer et d’utiliser ce dont on
dispose, plutôt que de rêver à l’établissement de quelque chose d’entièrement
nouveau, ce qui serait parfaitement utopique. L’organisation
actuelle, bien qu’imparfaite, peut d’ailleurs rendre des services,
notamment en entretenant un forum mondial sur les grands problèmes
de la planète, et en aidant à plaider pour le respect des droits
de l’homme. Enfin, les grands principes énoncés dans sa Charte sont
toujours valables, et il est essentiel de les conserver.
Cette idée se combine avec celle qu’il reste toujours possible de réformer
l’organisation de l’intérieur. Une tentative de réforme du Conseil
de sécurité de l’ONU se poursuit ainsi depuis près de cinq ans à
l’Assemblée générale. Des diplomates chevronnés sont à la recherche
d’un accroissement équilibré du nombre des États membres de cet
organisme, afin de le rendre plus efficace, en renforçant sa représentativité
et sa légitimité. Ceci implique qu’ils croient, au nom des gouvernements
qu’ils représentent, que l’on a identifié le défaut majeur de
378 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
l’institution, qui en compromet le fonctionnement normal, et qu’il est
possible de résoudre correctement le problème d’une représentation
équilibrée des États dans une instance de cet ordre.
Par ailleurs, on croit encore, en Europe, qu’un système de sécurité
collective tel qu’il est défini dans la Charte est une méthode raisonnable
pour tenter d’assurer la paix dans le monde. L’idée que les
grandes puissances démocratiques et amies de la paix, soutenues par la
majorité des autres États-membres, peuvent et doivent mettre leur
force au service du droit par la menace d’une action collective contre
tout agresseur éventuel n’a jamais été remise sérieusement en question.
Les grands pays démocratiques, respectueux des droits de l’homme,
sont vertueux, et leur vertu confère la légitimité aux actions qu’ils
entreprennent contre les dictateurs et agresseurs éventuels. Il est donc
fondamental qu’ils maintiennent des forces militaires importantes et
modernes, et qu’ils les conditionnent en « forces d’intervention » à
distance de façon à pouvoir intervenir partout dans le monde.
L’Europe, en retard sur ce point par rapport aux Américains, se prépare
d’ailleurs à agir activement dans ce sens. Il n’existerait pas d’autre
recette pour tenter de faire régner la paix au niveau mondial.
Le système ne fonctionnerait mal que parce que l’on n’a jamais mis en
application les dispositions des articles 43 à 48 de la Charte qui prévoyaient
la mise à la disposition du Conseil de sécurité d’une force
militaire sous commandement unifié. On n’hésite donc pas à imaginer
que l’ONU pourrait assurer le « maintien de la paix » de façon plus
efficace si elle était dotée d’une « force d’intervention » qui lui soit
propre. De nombreux secrétaires généraux ont ainsi rêvé de devenir
les généraux en chef d’une armée onusienne. Boutros Boutros-Ghali,
dans son Agenda pour la paix, parlait de « l’imposition de la paix »
comme d’une hypothèse sérieuse, et l’actuel secrétaire général a encore
suggéré récemment la même idée. Les articles récents d’André
Fontaine et de Laurent Fabius reprennent cette proposition.
D’une manière plus générale, le sort de l’ONU ne passionne guère
l’opinion publique européenne qui reste sceptique sur les chances de
résoudre les nombreux conflits qui dévastent des pays pauvres, et qui
continue à croire qu’il y aura toujours des guerres et qu’il faut continuer
à se protéger contre les agressions imprévisibles en entretenant
des armées puissantes et sophistiquées. L’existence de l’hégémonie
L’ONU ET LA SÉCURITÉ À L’ÉCHELLE PLANÉTAIRE / 379
américaine ne paraît certes pas une solution idéale, mais peu d’esprits
pensent qu’il serait possible de faire mieux si l’on pouvait s’en débarrasser.
Ce climat d’indifférence et de fatalisme semble donc enlever
toute gravité à la confusion existante au sujet de l’ONU elle-même.
La dénonciation des idées fausses
Dans ces conditions, il est clair que les gouvernements des pays européens
ne sont guère tentés de prendre quelque initiative en ce domaine.
Mais, au moment où l’Europe est en train de définir sa politique de
défense et de sécurité commune, il n’est peut-être pas inutile de noter
qu’une telle définition ne peut se faire que dans le cadre de la conception
d’ensemble d’un système de sécurité mondial. Il semble tout
d’abord difficile d’imaginer que l’on puisse ignorer les transformations
fondamentales qui se sont produites depuis un demi-siècle dans la problématique
de la sécurité à l’échelle planétaire. Tout semble en effet se
passer comme si continuait de régner, sous le nom de réalisme, une
philosophie extraordinairement simpliste fondée sur la « sagesse des
nations » et se traduisant par les adages – « il y aura toujours des
guerres » et « si tu veux la paix prépare la guerre » – ; comme si l’on
ignorait la mutation historique qui s’est produite en Europe par la
création de la Communauté, puis de l’Union européenne qui a transformé
en une zone de paix un continent qui avait été depuis mille ans
un terrain d’affrontements guerriers permanents entre tous les États
qui le composaient et qui avait déclenché les deux guerres mondiales ;
comme si l’on ignorait aussi que des progrès fondamentaux avaient été
faits à travers les efforts de maîtrise des armements, les mesures de
confiance et de sécurité de la Conférence sur la sécurité et la coopération
en Europe (CSCE), les efforts de réduction des armements pour
créer des conditions entièrement nouvelles dans les relations entre pays
industrialisés, y compris la Russie, comme si enfin la notion même de
« conquête territoriale » qui était à l’origine de la plupart des guerres
du passé n’était pas simplement devenue aujourd’hui ridicule. Le Livre
blanc français de 1994 dit bien que « pour la première fois de son histoire,
la France n’a plus de menaces auprès de ses frontières ». Mais ceci
est également vrai pour tous les pays industrialisés.
Il n’est pas vrai que l’on ait besoin aujourd’hui de forces militaires
aussi puissantes, nombreuses et sophistiquées que celles qu’entretien-
380 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
nent les Américains, et qu’ils encouragent leurs alliés de l’OTAN à
entretenir. L’avenir n’appartient pas à une course aux armements qualitative
et quantitative telle que l’exigeait la situation d’équilibre des
puissances qui régnait au XIXe siècle et jusqu’en 1985. Ce n’est pas
parce que les États-Unis ne croient qu’à la force que les Européens
sont contraints de les imiter. L’avenir appartient davantage à la réduction
des armements dont le cours, démarré après la fin de la guerre
froide, est aujourd’hui indûment interrompu.
Il n’est pas vrai non plus que l’on applique des méthodes correctes
pour résoudre le problème de l’existence et du développement des
conflits internes dans les pays pauvres. On fait de l’humanitaire et du
soutien aux pays dévastés par les conflits quand ils sont terminés, alors
que l’on connaît les causes de ces conflits (pauvreté, inégalités
extrêmes, corruption et inexistence de structures étatiques), mais que
l’on ne veut pas apporter de l’aide effective avant leur déclenchement,
et que l’on préfère laisser ces pays être d’abord dévastés. La croyance
que l’ordre mondial peut et doit être maintenu par la force fait partie
d’une approche traditionnelle – et en fait archaïque – des problèmes
de sécurité. Il est temps de remettre en question la philosophie qui a
présidé à la définition de la « sécurité collective » depuis l’institution
de la Société des Nations en 1919, et qui a été reprise sans modification
sérieuse dans la Charte de l’ONU, avant d’être aujourd’hui transférée
à l’OTAN. Ce système, fondé sur l’idée que les grandes
puissances démocratiques et amies de la paix, soutenues par la majorité
des autres États-membres, peuvent assurer la paix dans le monde
par la menace d’une action collective contre tout agresseur éventuel,
n’a jamais fonctionné. Il n’a pas empêché les innombrables guerres qui
sont survenues depuis 1945, et ses principes ont été violés par les gardiens
du temple eux-mêmes, soit les membres permanents du Conseil
de sécurité (États-Unis en Amérique latine et au Vietnam, France en
Indochine et en Algérie, URSS en Hongrie, en Tchécoslovaquie et en
Afghanistan…). Non appliqué pour les conflits entre États, il est évidemment
inapplicable aux conflits internes, pour la très grande majorité
desquels il est impossible d’identifier l’agresseur. Que les esprits
les plus réalistes semblent encore croire à cette idée archaïque dont
l’histoire a démontré la fausseté, et puissent proposer de l’appliquer
dans des cas de figure où elle n’a aucune chance de réussir, montre la
L’ONU ET LA SÉCURITÉ À L’ÉCHELLE PLANÉTAIRE / 381
gravité du degré de confusion régnant en ces matières. L’idée subsidiaire
qu’en donnant à l’ONU une force propre, on accroîtrait l’efficacité
d’interventions dont le principe même est contestable et
l’inutilité démontrée, devrait dans ces conditions être considérée sans
fondement.
Les autres illusions concernant l’ONU elle-même doivent aussi être
dénoncées : il n’est pas vrai qu’il soit impossible de proposer aujourd’hui
l’établissement d’autres institutions mondiales plus efficaces,
soit pour la compléter, soit pour la remplacer. L’ONU n’apporte pas
la seule réponse possible au problème de l’établissement de la paix
mondiale. C’est plutôt le contraire qui est vrai, une institution dont le
système de représentation accorde la même voix aux grandes puissances
et aux micro-États ne pouvant pas servir utilement à des discussions
et à des négociations tendant à établir un consensus entre les
peuples et leurs gouvernements. L’ONU est tout au plus une scène de
théâtre pour des propagandes opposées, non un lieu où il est possible
de faire un travail en profondeur pour construire un consensus entre
les principaux acteurs de la scène mondiale. Il serait beaucoup plus
utile de tenter de reprendre et de transposer au niveau mondial les
méthodes qui ont permis de créer un nouveau consensus en Europe,
puis au niveau intercontinental par la CSCE et la réduction des armements.
Quant à l’idée qu’il devrait être possible de réformer l’ONU
de l’intérieur, l’échec devenu évident de la tentative de réforme du
Conseil de sécurité, dû à l’impossibilité de trouver un système acceptable
de représentation des États (pourquoi l’Allemagne et pas l’Italie
ou l’Espagne ? pourquoi le Brésil et pas l’Argentine et le Mexique ?
etc.) devrait enfin permettre de détruire définitivement l’illusion qu’il
sera possible un jour de réformer la Charte. Chacun devrait savoir
que, toute révision exigeant une majorité des deux tiers, y inclus les
cinq membres permanents du Conseil, il n’existe aucune chance de
pouvoir changer une virgule au texte existant.
Les questions qu’il est nécessaire d’examiner
Il existe donc un très sérieux besoin de réviser l’ensemble de la problématique
existante au sujet du système de sécurité mondial. Il ne
serait pas inutile que les Européens réussissent à se débarrasser du
complexe d’infériorité sur ces sujets, qui les conduit à accepter sans
382 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
discussion les idées répandues par l’establishment militaire américain.
L’opinion publique en Europe éprouve le besoin d’une clarification. Il
n’y a aucune raison de croire qu’une initiative sérieuse de quelques
gouvernements européens en ce domaine ne pourrait pas réussir à
trouver des réponses à quelques questions qui sont d’une très grande
actualité.
Ces questions concernent en premier lieu la nature exacte des menaces
auxquelles les appareils militaires et les alliances doivent faire face.
Puisqu’il n’y a plus de menaces sur les frontières, et que c’est le développement
des guerres civiles et des violations massives des droits de
l’homme qui fait problème, doit-on toujours considérer comme indiscutable
la notion d’« imprévisibilité ». La plupart des crises auxquelles
il a fallu tenter d’apporter des solutions avaient été prévues par les
experts compétents. Les gouvernements des grandes puissances étaient
parfaitement au courant, plusieurs années à l’avance, des risques qui
existaient dans la fédération yougoslave, au Rwanda, ou au Kosovo.
Rien de sérieux n’a été fait pour prévenir en temps utile l’éclatement
de la Yougoslavie, le génocide rwandais ou l’exode des Kosovars. On
sait très bien aujourd’hui où se situent les risques de prochaines crises,
au Moyen-Orient, au Caucase, dans les Balkans ou en Asie centrale,
en Inde et au Pakistan. Nul n’ignore non plus qu’il est nécessaire de
stabiliser et d’améliorer les relations de l’Occident et de la Russie,
même si l’on fait à cet égard (notamment à travers la politique d’extension
de l’OTAN) une politique exactement contraire à la collaboration
qu’il faudrait rechercher. Or, s’il n’y a plus d’imprévisibilité, ne
faudrait-il pas alors instituer des politiques systématiques de prévention
des crises au lieu d’attendre qu’elles éclatent pour songer à intervenir
par des moyens militaires inadéquats ?
Le problème de la conception et de la possibilité de la prévention se
pose donc de façon impérative. N’est-il pas temps de réviser intégralement
l’idée que l’on se fait de ce problème ? Les tentatives de médiation
ou de bons offices confiées tardivement à des diplomates
supposés charismatiques, suivies, après échec, par des menaces de
bombardements, ne doivent-elles pas être remplacées par l’établissement
de diagnostics en temps utile de situations pré-conflictuelles, la
définition des mesures économiques, politiques et sociales qui pourraient
transformer ces situations ? Et notamment l’organisation et le
L’ONU ET LA SÉCURITÉ À L’ÉCHELLE PLANÉTAIRE / 383
financement de plans de prévention du type « plan Marshall » ou
« fonds structurels » sur le modèle européen. Des exemples d’opérations
de véritable prévention, soit de transformation de situations préconflictuelles
en situations de coopération, n’ont-ils pas été donnés
par Jean Monnet en Europe au lendemain de la Seconde Guerre mondiale,
par Frederik De Klerk en Afrique du Sud, par Mikhaïl
Gorbatchev dans le cadre de la CSCE à partir de 1986 ?
Ne faut-il pas parallèlement – et afin justement de pouvoir dégager les
ressources nécessaires à la prévention – réduire les dépenses militaires
dans la plupart des grands pays ? Et concevoir de façon entièrement
nouvelle les appareils militaires qu’il convient de conserver ? La guerre
actuelle ne montre-t-elle pas que des pans entiers des armements existants
sont parfaitement inutilisables pour résoudre les crises ? A-t-on
menacé Slobodan Milosevic avec les armes nucléaires ? À quoi sert le
bombardier furtif B2 – qui coûte 2,3 milliards de dollars l’unité – dont
on a fait partir un exemplaire de sa base du Missouri à plus de 7 000 km
pour venir lâcher quelques bombes sur Belgrade, puis retourner nonstop
sur sa base ? À quoi ont servi les satellites d’observation contre les
chars enterrés de l’armée serbe ? Avec le prix d’un seul B2, n’aurait-on
pu financer un « plan Marshall » pour l’ensemble des Balkans afin de
stabiliser la région ? Ne faut-il donc pas remettre résolument en chantier
les négociations sur les réductions d’armements partout dans le
monde ? Et mettre un terme au commerce des armes qui permet d’entretenir
et de rendre plus meurtriers les conflits en cours ?
En d’autres termes, n’est-il pas temps de remettre complètement en
chantier la conception fondamentale de la sécurité qui repose aujourd’hui
sur les notions d’imprévisibilité et d’usage de la force pour
réprimer les agressions ? N’est-il pas temps d’entreprendre une grande
réflexion sur l’ensemble de ces problèmes, au nombre desquels le plus
important est sans doute celui de la construction progressive d’un
consensus des peuples et des gouvernements sur le respect des droits
de l’homme, le développement économique et social, la construction
de la paix ? Ce n’est certainement pas dans le cadre de l’ONU qu’une
telle réflexion pourrait être utilement engagée, mais l’Europe n’est-elle
pas capable de provoquer une conférence entre les grandes puissances
et les grands pays du Tiers-Monde où il serait possible de commencer
à travailler sérieusement ?
384 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
La définition d’un système de sécurité
Il serait naïf de penser que de tels problèmes puissent être résolus
rapidement. Ce serait déjà un progrès considérable si l’on acceptait de
les poser au niveau des principaux responsables des politiques étrangères
des grandes puissances. C’est qu’il s’agit en effet de questions
dont l’ampleur effraie les meilleurs esprits : il ne s’agit de rien moins
que d’une mutation culturelle qui ferait passer l’humanité de l’ère
« clausewitzienne » à une ère dans laquelle le recours à la guerre ne
serait plus considéré comme l’un des moyens possibles de la politique.
Il s’agit bien en effet de définir un nouveau « système de sécurité ». Si
l’on entend par là « les ensembles d’institutions, de techniques et de
méthodes par lesquelles les peuples et les individus assurent leur sécurité
contre les risques d’agression – ou autres dangers – qui les menacent
», l’histoire de l’Europe et du monde depuis la fin de l’Empire
romain montre que se sont succédé quatre systèmes différents : le système
féodal où la sécurité était assurée dans des unités territoriales très
petites par des seigneurs indépendants, reliés dans des hiérarchies peu
efficaces ; le système des armées royales et nationales, complété par
des alliances variables suivant les besoins, qui naît au cours des XIVe
et XVe siècles, et dure cinq à six siècles jusqu’à l’apparition de l’arme
nucléaire et la division du monde en deux camps ; le système qui a
régné de 1945 à 1985, système dual avec alliances fixes et intégrées ;
enfin, le système existant, qui est à la recherche de lui-même et fait
l’objet d’une compétition entre la conception hégémonique américaine,
qui propose comme instrument fondamental l’intégration des
armées nationales de tous ses membres en une seule armée devenant
une « gendarmerie mondiale », et une conception plus démocratique
et plus coopérative, mais qui, ne pouvant être assimilable à un système
onusien clairement périmé, est encore loin d’être définie.
Conception hégémonique et conception démocratique
Cette mise en perspective historique permet de comprendre qu’il existe
une relation directe entre un système de sécurité et la nature de la
configuration des unités politiques territoriales concernées. C’est
l’agrandissement progressif de ces unités, ou de ces groupements d’unités,
qui accompagne l’évolution de ces systèmes. Il s’agit aujourd’hui
de remplacer un système fait pour un monde dual par un système
L’ONU ET LA SÉCURITÉ À L’ÉCHELLE PLANÉTAIRE / 385
planétaire. La tendance à l’hégémonie est en quelque sorte normale.
Mais elle se produit dans un monde qui n’est pas prêt à l’accepter, aussi
bien parce que les États-Unis ont des concurrents de même niveau de
développement, soit l’Europe, le Japon et, à un degré moindre, la
Russie, qu’en raison de l’existence d’inégalités très profondes entre les
pays sous-développés et les pays riches. Le phénomène de mondialisation
économique joue dans la direction d’une fédération politique planétaire,
alors que la planète est encore divisée entre deux centaines
d’États indépendants, et des situations culturelles, économiques et
sociales très diversifiées. Il est donc inévitable qu’il existe des visions
très différentes des conditions qui permettront de réaliser progressivement
une meilleure intégration de la société mondiale.
Les deux principales conceptions qui s’opposent aujourd’hui manquent
également de réalisme. Il existe bien une opposition idéologique entre la
conception hégémonique d’un monde riche imposant sa culture et ses
valeurs au reste de la planète, afin de conserver ses privilèges, et une
conception démocratique et égalitaire respectueuse de la souveraineté de
chaque État et tendant à une redistribution plus équitable des richesses
entre tous les peuples. Mais les méthodes qui sont proposées pour
assurer la sécurité par les partisans de ces deux approches sont aussi
inadéquates les unes que les autres. On ne résoudra les crises et on ne
fera respecter universellement les droits de l’homme ni par le seul usage
de la force et de la répression, ni par la magie de décisions démocratiques
prises par un Conseil de sécurité supposé capable de trouver facilement
un consensus. En l’état actuel du débat, ce n’est ni en transférant à
l’OTAN une responsabilité mondiale, ni en décidant de respecter désormais
les principes et les méthodes définis par la Charte des Nations unies
que pourront être adressés correctement les vrais problèmes. Dans une
société en cours de mondialisation sur le plan économique et social, mais
restée divisée entre de nombreuses souverainetés nationales, il n’est possible
d’imposer des valeurs et de faire respecter un ordre ni par la force
seule, ni par des processus démocratiques acceptés par tous.
Les « petits pas »
Ce qui est en revanche certain c’est qu’il devient de plus en plus
insupportable de continuer de tenter de résoudre les problèmes de
sécurité du monde moderne sur la base d’idées qui avaient quelque
386 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
raison d’exister au XIXe siècle, mais qui sont aujourd’hui totalement
périmées. L’opinion publique a réellement besoin qu’une clarification
soit enfin entreprise, qu’une procédure crédible soit définie pour commencer
à examiner sérieusement les questions posées. La décision
d’établir une Cour pénale internationale, fort bien accueillie par l’opinion,
montre le chemin dans lequel il serait temps de s’engager.
D’autres « petits pas » dans la bonne direction sont parfaitement
concevables, au nombre desquels on pourrait envisager notamment :
la reprise des négociations sur la réduction des armements, le développement
à des échelles régionales de mesures de confiance et de
sécurité sur le modèle de celles de la CSCE, l’admission dans un
groupe de discussion et de négociations, tel que le G7/8, de la Chine,
de l’Inde et de quelques autres grands pays du Tiers-Monde, et la discussion
en son sein de ce que pourraient être des politiques sérieuses
de prévention des conflits. Des propositions de ce genre ne viendront
certainement pas de Washington, quel que soit le résultat des prochaines
élections présidentielles. Mais il est temps que l’Europe
prenne enfin conscience qu’elle est aussi une puissance qui a des responsabilités
au niveau mondial.
L’ONU ET LA SÉCURITÉ À L’ÉCHELLE PLANÉTAIRE / 387









 


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TAL BECKER, TERRORISM AND THE STATE;
RETHINKING THE RULES OF STATE RESPONSIBILITY
(PORTLAND: HART PUBLISHING, 2006)
Par Kimberley N. Trapp∗
Terrorism and the State; Rethinking the Rules of State Responsibility by Dr.
Tal Becker1 is an ambitious project. Dr. Becker goes ‘head to head’ with the agency
paradigm of direct State responsibility for private conduct, as consecrated by the
International Law Commission (‘ILC’),2 and proposes a causality based approach of
State responsibility for private acts of international terrorism. Dr. Becker holds a
masters degree from the Hebrew University and received his doctorate from
Columbia University. Terrorism and the State began as Dr. Becker’s doctoral
dissertation, but was completed while he served as legal counsel to the Permanent
Mission of Israel to the United Nations from 2001-2005. Dr. Becker also served as
Vice-Chairman of the Legal Committee of the UN General Assembly. While the book
is written in his personal capacity, Dr. Becker’s experience at the United Nations
undoubtedly shaped his thinking and research on terrorism related issues. Indeed, his
analysis is occasioned by the increasing threat posed by non-State terrorist actors, for
whose conduct the State will rarely be directly responsible, and what he perceives to
be the inadequacies of the international legal system in responding thereto. Dr.
Becker’s project is driven primarily by his conviction that indirect State responsibility
for private acts of terrorism3 is too blunt a tool in the ‘war on terror’ and that direct
responsibility would better serve the interests of peace and security. While there may
certainly be cause to question his underlying assumptions, Dr. Becker’s conclusion
that principles of causation offer a more effective and attractive framework for
regulating State responsibility for private acts of terrorism is carefully argued and
certainly thought provoking. The paradigm shift Dr. Becker offers is intended to
stimulate debate on the nature and framework of State responsibility in international
law – and is not entirely limited by his focus on international terrorism. As such, his
study is of interest to international lawyers generally, in addition to being of particular
use to scholars who focus on terrorism.
In his second and third chapters, Dr. Becker traces the emergence of the
‘separate delict theory’ in State responsibility, pursuant to which the State is only held
directly responsible for its own wrongful conduct in reference to private acts, and not
for the private acts themselves. He distinguishes the separate delict theory from its
∗ LL.B and B.C.L (McGill), LL.M (Cantab), presently completing a PhD in Law, Girton College,
University of Cambridge. The author can be reached at : < - البريد الإلكتروني حذف من قبل الإدارة (غير مسموح بكتابة البريد) ->.
1 Tal Becker, Terrorism and the State; Rethinking the Rules of State Responsibility (Portland: Hart
Publishing, 2006).
2 “Responsibility of States for Internationally Wrongful Acts”, GA Res. 56/83, UN GAOR, 56th Sess.,
Supp. No 49, UN Doc. A/RES/56/83 (2001), Annex [Articles on State Responsibility].
3 Indirect State responsibility is occasioned by the State’s own wrongdoing in reference to the private
terrorist conduct. The State is not held responsible for the act of terrorism itself, but rather for its
failure to prevent and/or punish such acts, or for its active support for or acquiescence in terrorism.
(2006) 19.2 Revue q 408 uébécoise de droit international
19th and early 20th century predecessors of complicity and condonation, under which a
State could be held directly responsible for the conduct of private actors on the basis
of its support for or approval of their wrongful acts. He accounts for this evolution in
legal theory through the entrenchment of a fundamental separation between the
sovereign State and the individual private citizen which emerged in the 20th century.
In chapter 3, Dr. Becker examines the principle exception to the strict division
between State and private domains occasioned by the separate delict theory – by way
of which a State can be held directly responsible for the conduct of private actors if
that conduct is attributable to the State. He reviews the bases for attributing the
conduct of private actors to a State; as in cases where the State has used those private
actors as its de facto agents, adopted their conduct as its own, or the private actors act
as agents of necessity on behalf of the State in circumstances calling for the exercise
of governmental authority. Dr. Becker argues that the rules of attribution, codified in
the ILC’s Articles on State Responsibility, are based on an agency paradigm which
defines the limits of a State’s direct responsibility under international law. His review
of the doctrine, international jurisprudence (including in the human rights and
environmental protection contexts), codification efforts and State practice – which for
the most part support the separate delict theory of State responsibility - is dense but
comprehensive and serves as an excellent reference tool for novices and State
responsibility scholars alike.
In the fourth chapter of the book, Dr. Becker provides a clear and concise
account of States’ counter-terrorism obligations. By way of introduction, he maps the
contours of the emerging international consensus on a definition of terrorism,
however imperfect, and offers his own definition of terrorism for the purposes of
examining State responsibility for private acts. Of particular interest and originality is
Dr. Becker’s analysis of the long-time debate regarding the need to distinguish
terrorism from struggles for self-determination. Through an examination of the
regional terrorism suppression conventions adopted by countries which support the
need for such a distinction, Dr. Becker concludes that even the proponents thereof
accept that violence which does not conform to the requirements of international (in
particular humanitarian) law can be characterised as terrorist. The second part of
Chapter 4 summarises the basic components of the obligations to prevent and punish
international terrorism, as set forth in general international law, the series of terrorism
suppression conventions adopted in relation to particular terrorist crimes, and most
recently Security Council resolutions adopted under Chapter VII.4 In his examination
of the Security Council’s resolutions, and the Counter Terrorism Committee’s
approach to capacity building pursuant thereto, Dr. Becker notes the inadequacies of
focusing on prevention and States’ legislative and administrative capabilities given
the role that States play in fostering and facilitating terrorism. In that critique, which
highlights the distinction between capacity to fight terrorism on paper and the
political will necessary to do so on the ground, Dr. Becker’s preference for direct
4 Dr. Becker focuses on the first of the Security Council’s counter-terrorism resolutions, SC Res. 1373
(2001), mentioning briefly the subsequently adopted resolutions 1540 (2003), 1566 (2004) and 1624
(2005).
Terrorism and the State 409
responsibility (over the indirect responsibility occasioned by a failure to prevent
private acts of terrorism) begins to emerge.
The final part of chapter 4 provides an insightful analysis of the standard of
care and burden of proof used to measure a State’s compliance with its obligations to
prevent private acts of terrorism and to abstain from supporting or acquiescing
therein. In particular, Dr. Becker examines the role of knowledge and fault in
engaging a States’ indirect responsibility for private acts of terrorism, and considers
the difficult issues raised by failed or weak States in the context of determining
whether such States have exercised due diligence in carrying out their counterterrorism
obligations. He draws attention to the complicated balance that needs to be
struck between appreciating a State’s capacity (or rather incapacity) to prevent
terrorism in assessing its compliance, and the security interests of the international
community. Dr. Becker’s contribution to the literature in this regard is his thoughtful
analysis of the two separate components of the due diligence obligation in the
counter-terrorism context; the State’s duty to pursue and acquire the requisite
territorial control, as well as the legal, security and administrative apparatus, to meet
its due diligence obligation; and to employ those capabilities with due diligence in
order to prevent and suppress private terrorist activity. Finally, Dr. Becker examines
the burden of proof applicable to establishing that a State has failed to comply with its
counter-terrorism obligations. Burden of proof questions as they relate to terrorism
are rarely discussed in the literature, and Dr. Becker’s approach to evidentiary issues
reflects a sophisticated understanding of the difficulties involved in substantiating a
State’s clandestine involvement in terrorism.
Chapters 5 and 6 lay the foundation for the central thesis of the book,
measuring the rules of State responsibility as applied in the counter-terrorism context
against State practice. In Chapter 5, Dr. Becker argues that the means of assessing a
State’s responsibility, which conditions whether the State is held directly or indirectly
responsible for private acts of terrorism, have important consequences for the
permissibility of a use of force in self-defence against non-State terrorist attacks and
informs the legitimate scope and targets of defensive measures.5 He reviews the
theories pursuant to which a State’s direct responsibility for an armed attack is
assessed and gives a comprehensive overview of the pre-September 11th State practice
in responding to private acts of terrorism with defensive force. His frank assessment
of the legal value of State practice, and attempt to identify threads of legal reasoning
in political statements justifying a defensive use of force, inform his conclusion that
such justifications are never accepted or rejected on the basis of the host State’s direct
responsibility for the terrorist attack under the agency paradigm. Nevertheless, he
identifies reluctance on the part of the international community to treat the host State
as the author of a private terrorist attack, and acknowledges that
the international community has preferred to treat States as responsible
only for violating the duty to prevent and to abstain, while limiting the
5 Dr. Becker emphasizes throughout the book that the legitimacy of defensive measures against non-
State terrorist actors or the States which harbour them will still always be subject to the jus ad bellum
requirements of necessity and proportionality.
(2006) 19.2 Revue q 410 uébécoise de droit international
appellation of perpetrator to the immediate private offenders... The
parallels to the agency paradigm of responsibility are therefore evident.6
This is far from a ringing endorsement of the need to reconceptualise the
rules of State responsibility, in particular the agency paradigm, in order to respond to
the particularities of the terrorism context. Dr. Becker’s project is therefore
conditioned on his assessment of September 11th and the international response
thereto as a turning point for the law of State responsibility – in that the particular
circumstances of Taliban support for and acquiescence in Al Qaeda’s activities
provide an opportunity to isolate the question of direct State responsibility for private
terrorist activity and to test it against prevailing perspectives. In Chapter 6, Dr. Becker
provides an excellent summary of the ink spilled on questions related to State
responsibility prompted by September 11th and the response thereto, but finds little
satisfaction in the theories advanced to explain the legality (or illegality) of the U.S.
operations in Afghanistan (‘Operation Enduring Freedom’). In this regard, one of Dr.
Becker’s principal claims is that “Operation Enduring Freedom was explicitly
justified on the *******ious claim that the act of harbouring terrorists is legally
indistinguishable from the actual perpetration of the terrorist acts”7 and that the
“United States and its supporters were [...] alleging that [...] Taliban wrongdoing – in
the form of harbouring and failure to prevent – was a sufficient basis for triggering
direct responsibility.”8 Dr. Becker appears to glean these legal claims from statements
like those made by President Bush to the effect that that the United States would
make “no distinction between the terrorists who committed the attacks and those who
harbour them” and “[b]y aiding and abetting murder, the Taliban regime is
committing murder.” But there is certainly something to be said for the argument that
this ******** did not amount to a legal characterisation of the Taliban’s role in the
September 11th attacks. Indeed, in describing the Taliban’s role in the attacks to the
Security Council, the U.S. limited itself to highlighting Taliban support for Al
Qaeda.9 Nevertheless, Dr. Becker’s critique of the agency paradigm is based primarily
on his characterisation of the justification offered for the U.S. use of defensive force
against Taliban targets as a legal justification. As the Taliban’s direct responsibility
for the September 11th attacks is not triggered pursuant to an agency analysis, Dr.
Becker sees in the targeting decisions of Operation Enduring Freedom an opportunity
to explore a causality based approach to State responsibility.10
Dr. Becker’s critique of the agency paradigm in the terrorism context is also
driven by his assessment of the role that the ******** of State responsibility should
6 Becker, supra note 1 at 208.
7 Becker, supra note 1 at 218, emphasis added.
8 Ibid. at 229.
9 Permanent Representative of the United States of America to the United Nations addressed to the
President of the Security Council, Doc. S/2001/946 (2001). See also Christine Gray, International Law
and the Use of Force, 2nd ed. (Oxford: Oxford University Press, 2004) at 166.
10 Dr. Becker concludes chapter six by asserting that “if legal considerations about State responsibility
dictated the scope of the response [...], it is necessary to try and identify what those considerations
might have been.” Becker, supra note 1 at 237.
Terrorism and the State 411
play in describing State participation in private acts of terrorism. He argues that the
agency paradigm is inadequate for the purposes of describing the actual relationship
between private terrorist actors and the States which facilitate their activities – in that
these relationships are much more complex than “marionette and puppeteer.”11
Underlying this argument is an assumption that it is the ******** of responsibility
which needs to describe the State’s role in terrorism, rather than a violation of the
primary rules to which such responsibility attaches. One might argue that there is
ample scope in the concepts of prevention or acquiescence to account properly for the
realities of State participation in private acts of terrorism.
Based on his critique of the agency paradigm of State responsibility in the
terrorism context, Dr. Becker explores an alternative approach – one which relies on a
causal analysis of responsibility. In Chapter 8, he sets forth a common sense
approach to causation, drawing heavily on HLA Hart and Tony Honoré’s seminal
work entitled Causation in the Law. He considers principles of causation to represent
“the archetypal ‘general principles of law’ recognized by the Statute of the
International Court of Justice as a potential source of international law,”12 and argues
that the usual caution against drawing analogies from private law is unwarranted in
this context. Having briefly sketched the causality framework (which designates
something as a ‘cause’ if it is both necessary to produce the event and constitutes an
abnormal intervention in the existing or expected State of affairs), Dr. Becker then
examines whether principles of causation can account for both State action and
omission in determining responsibility for terrorism. He offers a careful analysis of
the international jurisprudence, codification efforts (including the ILC’s Articles on
State Responsibility) and opinions of jurists which draw on causality in determining
the scope of a State’s responsibility for private conduct, in an effort to establish that
causality is not entirely alien to the international law of State responsibility. While Dr.
Becker acknowledges that the typical cases in which State responsibility is traced
through causality involve the payment of damages, he rejects limiting the relevance of
causality to questions of compensation because of the role direct responsibility might
play in determining the legitimacy of counter-measures or the use of force in selfdefence.
In his final Chapter, Dr. Becker operationalises his causality based approach
to State responsibility for private terrorist conduct. He sets out a four step test for
determining responsibility: a factual test as to whether an act or omission can be
regarded as State conduct by operation of the principles of attribution; a legal test as
to whether the attributed act or omission is an internationally wrongful act; a causal
test to determine the scope of responsibility that arises from the State’s wrongful act;
and a policy test to determine whether non-causal considerations justify enhancing or
diminishing the responsibility of the State.13 Dr. Becker’s framework for determining
responsibility does not do away with the rules of attribution, and indeed strongly
11 Ibid. at 258.
12 Ibid. at 288.
13 Ibid. at 332.
(2006) 19.2 Revue q 412 uébécoise de droit international
affirms their relevance in defining State conduct. Instead, he emphasizes that the
principal benefit of the causality based approach is that it
avoids the automatic rejection of direct State responsibility merely because
of the absence of an agency relationship. As a result, it potentially exposes
the Wrongdoing State to a greater range and intensity of remedies, as well
as a higher degree of international attention and opprobrium for its
contribution to the private terrorist activity.14
Dr. Becker then tests his causality approach against the international
community’s response to September 11th and concludes, unsurprisingly, that it
explains the targeting decisions of Operation Enduring Freedom in a way that the
agency paradigm – without being stretched beyond its limits – cannot.
Dr. Becker’s thesis is best summarised as follows:
[T]he separate delict theory goes too far if it is taken to mean that
responsibility is, as a matter of principle, restricted by an agency paradigm
to those acts attributable to the State. By suppressing, or at least
concealing, the role of causation in the calculus of responsibility, the
separate delict theory has lowered a protective veil over the State,
shielding it from the full measure of accountability for the consequences of
its own wrongdoing.15
In order to be drawn into Dr. Becker’s causality based world of State
responsibility, one has to accept his argument that
[i]t is far less likely that a counter-terrorism failure, distinguished from
engaging in the harmful conduct itself, will be treated with the same
severity. As a result, the capacity to deter States from tolerating or
sponsoring acts of terrorism is affected by the willingness to view the State
as directly responsible for the private terrorist offence.16
In so arguing, Dr. Becker assumes that it is the legal characterisation of the
fact, rather than the fact itself, which galvanises the international community into
action. When a State fails to prevent terrorism, whether or not the law of State
responsibility recognises the role that failure plays in facilitating private acts of
terrorism by holding the State directly responsible for the private act itself (rather than
indirectly responsible for its failure to prevent that act), the fact remains that the State
is not the author of the terrorist act. Dr. Becker’s critique of the agency paradigm (and
the limited circumstances under which a State will be held directly responsible for
14 Becker, supra note 1 at 335.
15 Ibid. at 329.
16 Ibid. at 157. Dr. Becker concludes his study by claiming that “a causal model of State responsibility is
superior in terms of its ability to enhance State compliance with counter-terrorism obligations and
impose State accountability in event of their violation” (Ibid. at 357).
Terrorism and the State 413
private acts of terrorism) therefore rests on the assumption that it is the ******** of
State responsibility which colours the international community’s appreciation of a
State’s involvement in private acts of terrorism. Given the increased profile of
counter-terrorism obligations in the past five years, evidenced in particular by the
Security Council’s role in legislating with respect thereto, there seems little doubt that
the international community is taking counter-terrorism failures very seriously –
without there being any need to qualify those failures as anything more than what
they are.
The causality based approach to State responsibility for private acts of
terrorism also requires one to accept that the rules of State responsibility and the
ILC’s codification thereof, which Dr. Becker acknowledges are primarily concerned
with compensation,17 need to be reconceptualised in order to respond properly to the
realities of State practice under Article 51 of the UN Charter. While jurists’
preoccupation with the ever increasing fragmentation of international law, and
concomitant concerns about consistency (or rather inconsistency) in the law, certainly
suggest the need for a responsibility regime which applies across the board, Dr.
Becker does not fully address why a State should be held directly responsible for a
private act of terrorism outside the use of defensive force context. Given the role that
causality can play in the calculation of compensation18 – the need to replace the
attribution analysis with one that more easily qualifies a State’s responsibility for its
participation in private terrorism as ‘direct responsibility’ is only called for to justify a
use of force against a harbouring State (in addition to targeting the non-State actors
operating from its territory). The real difficulty with such uses of force (and attempts
to justify them) is that targeting a harbouring State directly is likely to decrease its
counter-terrorism capacity, including its military capacity to effectively assert control
over relevant parts of its territory. As a result, where a State’s counter-terrorism
failures are limited to a failure to prevent (or acquiescence in) terrorism, targeting the
territorial State itself will very rarely, if ever, pass the necessity and proportionality
thresholds of the jus ad bellum. One might therefore legitimately wonder if all the
causality approach has given us is a more coherent legal explanation of the
international community’s response to September 11th. And based on the international
community’s negative reaction to Israel’s use of force against both Hezbollah and
Lebanese infrastructure in the summer of 2006, in response to terrorist attacks by
Hezbollah,19 it may well have been premature to reconceptualise the rules of State
17 Becker, supra note 1 at 323.
18 Dr. Becker acknowledges that the fact that a State is held responsible for its own wrongdoing need not
prevent a calculation of damages based on the actual harm caused by private terrorist activities – and
indeed Dr. Becker argues that some of the jurisprudence uses the damage caused by the private
terrorist act as a yardstick for compensation owed by the State (Ibid. at 169). Dr. Becker also argued,
however, that “[w]here the State is held responsible only for its own counter-terrorism failures, awards
corresponding to the private harm may be given but there is no international requirement to do so.... By
contrast, where the State is held directly accountable for the private terrorist attack [...] [t]he State will
be liable, as a matter of law, to compensate for the harm caused” (Ibid. at 169).
19 See K. N. Trapp, “Back to Basics: Necessity, Proportionality, and the Right of Self-Defence against
Non-State Terrorist Actors”, (2007) 56 ICLQ 141 at 153-156.
(2006) 19.2 Revue q 414 uébécoise de droit international
responsibility and the agency paradigm on which they are based in order to legally
justify uses of force against terrorist harbouring States.
Whether or not one agrees with Dr. Becker’s project – and the resulting
causality based approach to State responsibility - his comprehensive coverage of the
difficult legal issues surrounding the question of State responsibility for private acts
of terrorism is worth the read. His book represents an impressive research effort,
drawing extensively on a wealth of legal sources, including doctrine, international
jurisprudence, the negotiating history of relevant terrorism suppression conventions,
and countless United Nations documents. For the most part, his research and analysis
are uncoloured by the assumptions he makes about the legal justification for the
targeting decisions of Operation Enduring Freedom and the role of direct
responsibility in the maintenance of international peace and security – and represents
the first attempt to systematically apply the rules of State responsibility to the
terrorism context. It is therefore a significant contribution to the literature on both
State responsibility and terrorism, even if its stated purpose is an effort to
reconceptualise the former in order to respond to the particularities of the latter.










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CONVENTION SUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DES INFRACTIONS CONTRE LES PERSONNES JOUISSANT D’UNE PROTECTION INTERNATIONALE, Y COMPRIS LES AGENTS DIPLOMATIQUES
Par Sir Michael Wood Membre (Senior Fellow) du Lauterpacht Centre for International Law Université de Cambridge
La Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y compris les agents diplomatiques (également connue sous le nom de « Convention sur la protection des diplomates ») a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 14 décembre 1973. Elle s’inscrit dans le cadre d’une série de conventions « sectorielles » sur la lutte contre le terrorisme, qui ont été négociées dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies et de ses institutions spécialisées. Ce texte a été élaboré sur la base des principaux instruments de codification des règles relatives aux privilèges et aux immunités tels que les Conventions de Vienne sur les relations diplomatiques et les relations consulaires. Déjà en février 1971, l’Organisation des États américains avait adopté une convention sur le sujet, qui avait été négociée à la suite d’une vague d’enlèvements et d’assassinats d’agents diplomatiques ayant débuté à la fin des années 60, notamment l’assassinat de l’Ambassadeur de la République fédérale d’Allemagne, M. von Spreti, au Guatemala. Des conventions sectorielles ont généralement été adoptées en réponse à des incidents tels que le détournement ou le sabotage d’aéronefs, des attaques contre la navigation, etc.
La Convention a été élaborée en deux ans seulement, résultat de l’étroite coopération entre la Commission du droit international (CDI) et la Sixième Commission (juridique) de l’Assemblée générale des Nations Unies. La Convention est une initiative de la CDI qui, à sa session de 1971 a décidé, sur la proposition d’un de ses membres, Richard D. Kearney (États-Unis), que, si l’Assemblée en faisait la demande, elle rédigerait des projets d’articles portant sur l’assassinat, l’enlèvement et les attaques de diplomates et autres personnes ayant droit à une protection spéciale en vertu du droit international. Par la suite, l’Assemblée a prié la Commission d’élaborer ces articles, ce qu’elle a fait avec diligence à sa session suivante en 1972, sans recourir à la procédure habituelle consistant à nommer un rapporteur spécial. Au lieu de cela, le membre japonais de la CDI, Senjin Tsuruoka, a présidé un groupe de travail. Après avoir entamé l’examen de la question dans le courant de l’année, la Sixième Commission a mené à bien la phase des négociations intergouvernementales au cours de sa session ordinaire de 1973, le majeure partie des travaux étant réalisée par un groupe de rédaction de la Sixième Commission. Cela suivait le précédent établi lors des négociations de la Convention de 1969 sur les missions spéciales et annonçait la procédure qui serait appliquée pour plusieurs conventions suivantes, dont la plus récente a été la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens de 2004.
Une difficulté particulière s’est posée (comme cela a été le cas avec les autres conventions de lutte contre le terrorisme, en particulier la convention générale qui doit encore être conclue) quant à la question des mouvements de libération nationale. La solution qui a finalement été trouvée consistait à inclure un paragraphe
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1
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dans la résolution portant adoption de la convention (par exemple, la résolution 3166 (XXVIII), dans laquelle l’Assemblée a estimé que les dispositions de la Convention « ne pouvaient en aucun cas porter préjudice à l’exercice du droit légitime à l’autodétermination et à l’indépendance, conformément aux buts et principes de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, par les peuples luttant contre le colonialisme, la domination étrangère, l’occupation étrangère, la discrimination raciale et l’apartheid »). Cette formule était acceptable car on pouvait l’interpréter comme ne visant à autoriser aucune exception à la responsabilité pénale pour les infractions visées dans la Convention, ni à limiter en aucune façon les obligations assumées par les États parties à ladite Convention. Exceptionnellement, l’Assemblée a décidé que la résolution devrait être publiée conjointement avec la Convention.
Le texte de la Convention suit de près le modèle établi par la Convention de La Haye de 1970 et la Convention de Montréal de 1971, qui ont toutes deux été établies dans le cadre de l’Organisation de l’aviation civile internationale. À l’exemple de ces instruments, il est fondé sur le principe « extrader ou poursuivre » (aut dedere aut judicare) – qui est actuellement (en 2008) examiné par la Commission du droit international. Les projets d’articles rédigés en 1972 s’écartaient en fait largement des précédents, et la tendance qui s’est dégagée tout au long des travaux de la Sixième Commission visait à rapprocher le régime de la nouvelle Convention de celui des conventions de La Haye et de Montréal. Les conventions de lutte contre le terrorisme qui ont été adoptées par la suite ont généralement suivi ce modèle.
La Convention, dans sa principale disposition, exige qu’une personne soupçonnée d’avoir commis certaines agressions graves contre des diplomates ou d’autres « personnes jouissant d’une protection internationale » soit extradée ou que l’affaire soit soumise aux autorités compétentes pour l’exercice de poursuites pénales (art. 7). Les États doivent établir leur compétence aux fins de connaître des infractions prévues à l’article 2 de la Convention (qui seront nécessairement des infractions de droit commun) dans certains cas (art. 3). Ils doivent en outre collaborer à la prévention de ces infractions et communiquer les informations dont ils disposent aux autres États (art. 4 et 5) et doivent veiller à ce que les auteurs présumés de l’infraction soient présents sur leur territoire aux fins de la poursuite ou de l’extradition (art. 6). La Convention prévoit de faciliter l’extradition mais ne supprime pas l’exception à l’extradition en cas d’infraction politique lorsque celle-ci existe dans le droit interne (art. 8). (C’est le thème de la Convention européenne pour la répression du terrorisme, qui a été adoptée plus tard, en 1977). Elle prévoit en outre que les États s’accordent l’entraide judiciaire (art. 10) et contient une disposition rigoureusement circonscrite sur l’asile (art. 12).
L’expression « personne jouissant d’une protection internationale » est nouvelle et n’a pas de signification particulière lorsqu’elle est employée en dehors du contexte de la Convention. Il s’agissait d’englober toute personne ayant droit en vertu du droit international à une protection spéciale contre toute atteinte à sa personne, sa liberté ou sa dignité, ce qui suit le libellé de l’article 29 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et des articles correspondants d’autres conventions portant sur les privilèges et les immunités. La définition énoncée à l’article premier englobe expressément les chefs d’État, les chefs de gouvernement et les ministres des affaires étrangères, réaffirmant ainsi la position Copyright © United Nations, 2008. All rights reserved
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particulière de ces trois représentants de l’État (cf. art. 7 de la Convention de Vienne sur le droit des traités et art. 21 de la Convention sur les missions spéciales).
Dans l’affaire relative à Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France) portée devant la Cour internationale de Justice, le requérant a invoqué la Convention à l’appui de sa requête, en soutenant qu’en adressant des convocations à témoigner au Chef d’État de Djibouti et à de hauts fonctionnaires de ce pays, le défendeur avait violé l’obligation de prévenir les atteintes à la personne, la liberté et la dignité d’une personne jouissant d’une protection internationale. La Cour a toutefois relevé « que la Convention de 1973 a pour objet la prévention des infractions graves contre les personnes jouissant d’une protection internationale et la poursuite pénale des auteurs présumés de ces infractions. Elle n’est pas applicable, en conséquence, à la question spécifique de l’immunité de juridiction à l’égard d’une convocation à témoigner adressée à certaines personnes dans le cadre d’une instruction pénale, et la Cour ne peut la prendre en considération dans cette affaire ». (Arrêt du 4 juin 2008, par. 159.)
Les clauses finales de la Convention contiennent quelques points intéressants. La disposition relative au règlement des différends, qui figure à l’article 13, autorise les États à ne pas se considérer liés, mais plusieurs réserves à cet effet ont été retirées après la fin de la guerre froide. L’article 14 prévoit que la Convention sera ouverte à la signature de « tous les États ». On s’écartait ainsi pour la première fois de la « formule de Vienne » (spécifiant quels États étaient habilités à devenir parties à la convention en question) et le texte était accompagné d’un accord entre les membres de l’Assemblée (applicable à tous les traités), selon lequel il était entendu que « le Secrétaire général en s’acquittant de ses fonctions de dépositaire d’une convention contenant la clause “tous les États” suivrait la pratique de l’Assemblée générale dans l’application de cette clause et que, chaque fois que cela serait opportun, il solliciterait l’avis de l’Assemblée avant de recevoir une signature ou un instrument de ratification ou d’adhésion ».
Au 25 mai 2008, la Convention sur la protection des diplomates comptait 168 États parties, ce qui représente un succès certain du point de vue de la participation. Un nombre important d’États y ont adhéré ces dernières années, probablement dans le cadre de la tendance, encouragée par l’Assemblée générale, à accepter les conventions de lutte contre le terrorisme, après l’attentat terroriste perpétré contre le World Trade Centre à New York, le 11 septembre 2001. La Convention s’inscrit dans le cadre de la réaction « répressive » de la communauté internationale face au terrorisme. Ce fléau avait sévi dans les années 60 et 70, mais la lutte antiterroriste n’avait pas encore atteint l’ampleur de ces dernières décennies, avec l’adoption de mesures par le Conseil de sécurité au titre du Chapitre VII et, à l’occasion, l’utilisation de la force armée aux fins de lutter contre le terrorisme (« la guerre mondiale contre le terrorisme »). Comme la plupart des conventions de lutte contre le terrorisme, elle présentait un intérêt plus symbolique que pratique. Elle a parfois été invoquée devant la Cour internationale de Justice et appliquée par des tribunaux nationaux. En 1980, l’Assemblée générale a institué des procédures relatives à l’établissement de rapports, en vertu desquelles les États sont tenus de rendre compte des mesures qu’ils ont prises pour améliorer la protection et la sécurité des diplomates et des missions et représentants consulaires, ainsi que des missions et représentants auprès d’organisations internationales et des représentants de ces organisations (résolution 35/168 de l’Assemblée générale en date du 15 décembre 1980). Ces procédures sont toujours en vigueur. Les attaques contre des personnes
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jouissant d’une protection internationale se poursuivent et se sont même étendues aux membres du personnel de l’ONU (comme cela a été le cas de façon particulièrement tragique avec le bombardement de la Mission des Nations Unies à Bagdad, le 19 août 2003). C’est pourquoi la Convention conserve toute son importance.
Documentation
A. Instruments juridiques
Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, Vienne, 14 avril 1961, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 500, p. 95
Convention de Vienne sur les relations consulaires, Vienne, 22 avril 1963, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 596, p. 261
Convention sur les missions spéciales, New York, 8 décembre 1969, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1400, p. 231
Convention de Vienne sur le droit des traités, Vienne, 23 mai 1969, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1155, p. 331
Convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs, La Haye, 16 décembre 1970, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 860, p. 105
Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile, Montréal, 23 septembre 1971, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 974, p. 177
Convention européenne pour la répression du terrorisme, Strasbourg, 27 janvier 1977, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1137, p. 93
B. Jurisprudence
Cour internationale de Justice, Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France), arrêt du 4 juin 2008
C. Documents
Annuaire de la Commission du droit international 1972, vol. II, p. 309 et suiv.
D. Doctrine
J. Craig Barker, The Protection of Diplomatic Personnel, Hampshire, Ashgate Publishing Limited, 2006
E. Denza, Diplomatic law, 3rd ed., Oxford, Oxford University Press, 2008, pp. 258-263.
A. B. Green, “Convention on the Prevention and Punishment of Crimes Against Diplomatic Agents and Other Internationally Protected Persons: An Analysis”, Virginia Journal of International Law, vol. 14, 1973-1974, pp. 703-728.
F. Przetacznik, “Convention on the prevention and punishment of crimes against internationally protected persons”, Revue de droit international, de sciences diplomatiques et politiques, vol. 52, 1974, pp. 208-247. Copyright © United Nations, 2008. All rights reserved
www.un.org/law/avl
4
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M. C. Wood, “The Convention on the Prevention and Punishment of Crimes against Internationally Protected Persons, including Diplomatic Agents”, International and Comparative Law Quarterly, vol. 23, 1974, pp. 791-817 [and articles referred to at n. 2].
A. D. Watts, The International Law Commission, 1949-1998, vol. I, Oxford, Oxford University Press, 1999.
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PENSER LA SÉCURITÉ
DANS UN MONDE FLUIDE

par
Dominique DAVID (*)
Voici dix ans, lors d’une première crise, puis guerre, contre l’Iraq, Washington
annonçait l’entrée dans une logique internationale neuve, négociée,
où le droit et la morale prendraient le pas sur la défense d’intérêts égoïstes,
où l’usage de la force, à défaut de disparaître, pourrait être limité, peut-être
dompté. Le retour de l’Iraq au premier rang de l’actualité se fait en 2002
sous de tout autres auspices. L’affrontement entre Etats (on a si souvent,
depuis 1989, proclamé sa fin...) s’inscrit toujours dans un jeu de forces
brutes, au service d’obsessions ou d’intérêts nationaux mal travestis. Les
organismes multilatéraux, et d’abord l’ONU, s’ils sont interrogés, aident à
organiser l’emploi de la force plus qu’à le légitimer. Le monde a-t-il tant
changé que nos représentations vieilles de quelques années soient déjà
déclassées?
Le monde ne s’est jamais figé dans les oripeaux de l’après-Guerre froide
et les événements de septembre-octobre 2001 ont été plus révélateurs que
créateurs du monde nouveau. Celui-ci se présente pourtant aujourd’hui sous
des dehors que peu d’analystes se hasardaient à prédire voici quinze ans (1).
L’englobant : Le monde des conflits
L’environnement conflictuel, nous avons bien rêvé, depuis une quinzaine
d’années, qu’il changeait, mais sans doute pas ainsi. Les puissances dominantes
occidentales ont été, au long du XXe siècle, la référence pour penser
la guerre. Non qu’elles aient été les seules à la faire : mais avec les guerres
mondiales, puis les guerres coloniales, elles ont figuré au coeur des grandes
manoeuvres de forces. La manière dont elles pensent cet usage de la force
est héritée de l’histoire européenne. Depuis la fin du XVIIIe siècle, un
« paradigme occidental de la guerre » s’est constitué, puis renforcé à la
faveur de l’extension des structures étatiques, diffusé par notre influence
(*) Responsable des études de sécurité à l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI), rédacteur
en chef de Politique étrangère et enseignant à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr-Coëtquidan.
(1) Cf. en particulier Thérèse Delpech, Politique du chaos – l’autre face de la mondialisation, Seuil, Paris,
2002; Charles-Philippe David (dir.), Repenser la sécurité – nouvelles menaces, nouvelles politiques, Fides-La
Presse, Montréal, 2002.
impériale, avant d’être repris par les Etats décolonisés, consolidé enfin grâce
au développement d’un cadre juridique multilatéral.
Ce paradigme rend compte des situations de violence de la société internationale
en les référant à un modèle central, celui de l’affrontement entre
Etats, appuyés sur des appareils organisés, suivant des concepts politiques,
stratégiques, institutionnels et juridiques parallèles. Les deux siècles qui
viennent de s’écouler peuvent ainsi être lus comme un alignement progressif
des modes d’usage de la force et des instruments de cette force sur ces
concepts stratégiques et d’organisation. Les guérillas anticoloniales se sont
pour la plupart inscrites dans cette logique : elles n’y parurent marginales
que tant qu’elles ne disposèrent pas des moyens de la violence réglée. La
logique nucléaire elle-même s’est bien jusqu’alors inscrite dans ce cadre étatique,
même si la spécificité de l’arme a valorisé une interprétation particulière
de la dissuasion.
De cette marche hégélienne vers l’unification des procédures guerrières et
de leur environnement (concepts « clausewitziens », organisation en armées,
homogénéisation des matériels en dépit de performances diverses, organisation
d’un cadre juridique pour le recours à la force et l’usage même de cette
force, jusqu’à l’arms control et aux négociations de désarmement), la bipolarité
a constitué une sorte d’achèvement. Unification de plus en plus large
dans des camps qu’organise le mimétisme politique et militaire, rêve d’emprise
sur le monde, manipulation des conflits extérieurs, développement de
négociations d’un type nouveau : tout semble traduire une approche « globale
» du conflit international, et des modes stratégiques qui y fonctionnent.
La fin du paradigme
C’est ce paradigme occidental de la guerre qu’efface le double processus
actuel de globalisation et de segmentation. Cette liquidation peut être symbolisée
par trois dynamiques.
La première dynamique est celle de la « fragmentation des espaces politiques
» (espaces soviétiques, explosion yougoslave, disparition de facto de
nombre d’Etats d’Afrique, Etats à la stabilité incertaine en Asie du Sud...)
En parallèle à ces crises politiques, le processus de globalisation relativise,
là où elles demeurent fortes, les capacités de gestion des Etats et peut accélérer
leur déréliction, là où elles étaient faibles.
D’où une deuxième dynamique : moins les espaces politiques sont structurés
par l’Etat, et plus « les acteurs qui ont prise sur le système stratégique
sont divers et prolifèrent ». Ce n’est pas tant qu’il s’agisse d’acteurs nouveaux
: les multinationales, les groupes sectaires, les organisations mafioterroristes
ne sont pas vraiment inédits. En revanche, peuvent l’être leurs
modes de constitution (allers et retours entre le politique, l’économique, le
religieux), leurs rapports (implantations, alliances, rapports des groupes
86 dominique david
informels aux Etats...), ou leurs modes d’action (2) (accrus par l’ouverture
des frontières et le développement technique). Inédite ou non, leur action
peut avoir des effets neufs sur un système international qui devient plus
vulnérable. Les acteurs d’hier pouvaient bien être à peu près les mêmes : ils
devaient manoeuvrer dans un système stato-centré. Cela n’est plus le cas,
même si les Etats gardent une importance essentielle, ainsi que nous le rappellent
les développements de l’après-11 septembre 2001.
Troisième logique du changement : « les espaces du système international
touchés par la dynamique de ces acteurs sont de plus en plus larges ». La
mondialisation, c’est d’abord la circulation des informations et des techniques
: une double ouverture qui annule l’enclavement des conflits. La plupart
des irrédentismes locaux ont désormais les moyens politico-médiatiques
(images télévisées de massacres, surf en ligne du sous-commandant Marcos)
et techniques (missiles, terrorisme à distance) d’étendre leur écho, d’agir loin
du lieu premier de leur combat. Elargissement et chevauchement des
champs d’affrontement sont des caractères essentiels de l’actuelle géographie
des conflits (3).
Un champ conflictuel complexe
On comprend ainsi que le champ conflictuel contemporain se caractérise
d’abord par sa complexité, une complexité que nos concepts stratégiques
appréhendent mal : les conflits ne se sont jamais pliés aux simplifications de
nos concepts militaires, mais nous disposions hier de grilles d’analyses, d’instruments
correspondant à une multiplicité de situations, parce que celles-ci
pouvaient être réduites à des modèles peu nombreux. Il en va différemment
aujourd’hui.
Grandes puissances militaires, nous maîtrisons admirablement le conflit
interétatique. Autour de celui-ci, nous aurons demain à gérer plus souvent
des conflits de type pré-moderne (si la modernité est pour nous définie par
l’Etat), mettant en ligne des bandes armées prédatrices laissant mal identifier,
puis dissoudre, leur objectif « clausewitzien »... Et nous aurons aussi à
gérer les conflits post-modernes qui se profilent à l’horizon, fruits d’actions
d’Etats ou de groupes mal identifiables, usant des potentialités fournies par
les technologies modernes : figure résumée aujourd’hui par le terme de
conflit asymétrique (4).
La difficulté – et elle est énorme – consiste donc à se donner les moyens
de réagir à l’ensemble de ces hypothèses, de se mouvoir dans l’ensemble de
penser la sécurité dans un monde fluide 87
(2) Cf. par exemple John Mackinlay, Globalization and Insurgency, IISS, Londres, 2002.
(3) Sur cette diversification du champ conflictuel, cf. Barthélémy Courmont/Darko Ribnikar, Les
Guerres asymétriques – conflits d’hier et d’aujourd’hui, terrorisme et nouvelles menaces, PUF-IRIS, Paris, 2002;
David Shearer, Private Armies and Military Intervention, IISS, Londres, 1998; Gérard Chaliand/Pierre
Conesa, « Réflexions sur un monde mité », Relations internationales et stratégiques, printemps 2001.
(4) Sur le concept de conflit asymétrique, cf. Ivan Moguin-Toft, « How the Weak Wins Wars : a theory
of Asymetric Warfare », International Security, été 2001.
ces situations conflictuelles. Alors que nous ne savons ni comment ni quand
ces hypothèses se transformeront en situations, et quelles en seront, au-delà
des facteurs étudiés aux temps calmes, les caractéristiques concrètes.
Le système de la puissance
L’un des paradoxes les plus spectaculaires du monde présent est le balancement
entre la diffusion des acteurs et des modes d’action et la concentration
de la puissance – au sens classique donné à ce terme. « Un » acteur
représente la seconde tout en subissant la première et symbolise la massivité
et la relativité de l’idée contemporaine de puissance : les Etats-Unis. Oui,
les Etats-Unis sont bien l’empire de notre temps, combinant le pouvoir
d’imposition au pouvoir de référence, le hard au soft power. Ils sont les initiateurs
ou les références de la plupart des dynamiques politiques, techniques,
culturelles ou militaires de la planète. Avec l’actuelle campagne politico-
militaire contre l’Iraq et l’instrumentalisation de l’ONU qu’elle a mise
en scène, on peut même se demander si Washington ne dispose pas, de facto,
du monopole de la « violence légitime » à l’échelle internationale...
Comment appréhender la puissance américaine?
La machine américaine est aujourd’hui la seule à produire de la puissance
dans tous les domaines qui sont traditionnellement contrôlés, à des degrés
divers, par les pouvoirs d’Etat.
Elle produit de la puissance politique, avec une capacité d’entraînement
inégalé : voir la coalition contre le terrorisme, trompe-l’oeil puisqu’il n’existe
nulle « coalition », mais moyen de cohésion efficace, ou la capacité d’attraction
d’une Alliance dont nul ne sait au juste à quoi elle sert, mais dont chacun
veut faire partie... L’Amérique produit, et c’est peu dire, de la puissance
économique et financière. En témoigne spectaculairement l’addition des crédits
de défense en réaction au 11 septembre.
Elle produit de la puissance militaire, donc. Les Etats-Unis sont le seul
pays, depuis longtemps déjà, à pouvoir être présents simultanément dans
toutes les zones décisives de la planète. Cela ne signifie pas qu’ils puissent
tout faire, mais qu’ils ont les moyens de peser partout. L’adaptation permanente
de leur appareil militaire lui donne une souplesse qui surprend plus
d’un observateur européen. Et, à tort ou à raison, les concepts militaires
américains dominent les réflexions sur les mutations de l’ensemble des
armées occidentales. Washington produit aussi les normes intellectuelles et
idéologiques autour desquelles s’ordonnent la plupart des débats présents.
L’écho du 11 septembre répond à la monstruosité de l’acte, mais il reflète
aussi la place centrale qu’occupent les Etats-Unis dans toute pensée sur le
88 dominique david
monde actuel : c’est bien « La Mecque » de la mondialisation économique et
intellectuelle qui fut ce jour-là frappée.
Leader économique et militaire, les Etats-Unis imposent aussi, à la croisée
de ces deux domaines, leur domination dans le domaine technique. Non
qu’ils soient les seuls à inventer le progrès technique, mais ils le mettent en
oeuvre avec une puissance qui relègue loin, et dans leur sillage, les autres
puissances innovatrices, par exemple européennes. Tout au long du siècle
dernier, les Etats-Unis ont organisé leur puissance autour de leur capacité
technologique : ils appliquent aujourd’hui la même recette, mais avec une
force démultipliée. Dans les années 80, les investissements massifs justifiés
par l’IDS de Reagan débouchent, non sur les systèmes d’interception de
missiles promis, mais sur une domination des techniques de l’information.
Aujourd’hui, les Etats-Unis réinvestissent ce domaine (révolution dans le
domaine de l’information, guerre à distance, etc.) avec des crédits considérables,
qui leur donneront sans nul doute une maîtrise dont le GPS (système
d’information et de guidage par satellite d’instruments civils et militaires,
du taxi au missile) est déjà le symbole. Le contrôle américain du système
GPS donne à Washington une maîtrise de fait, et inédite, des instruments
d’autres acteurs, en particulier dans le domaine militaire. La vivacité avec
laquelle les Etats-Unis accueillent le projet d’un concurrent européen (Galileo)
démontre assez qu’il n’y pas là de hasard (5).
Influence, domination, contrôle
Présente dans tous les domaines discriminants, quand les autres acteurs
n’interviennent que dans certains segments, la puissance américaine se traduit
par une triple capacité d’influence, de domination et de contrôle.
Par « domination », on entend le pouvoir de se déterminer en fonction de
ses propres intérêts, quel qu’en soit l’habillage, et d’agir, en particulier dans
les domaines financier et militaire, pour modeler le monde à sa convenance.
Les Etats-Unis bombardent l’Iraq depuis dix ans parce qu’ils le veulent,
parce qu’ils le peuvent et ne sont pas contraints de rendre des comptes. Au
nombre des moteurs de la « coalition contre le terrorisme », mélange de coopérations
concrètes et de demi-silences, figure bien la capacité de Washington
à prendre en main le récalcitrant éventuel : le Yémen et le Soudan en
savent quelque chose.
penser la sécurité dans un monde fluide 89
(5) Sur les perceptions, variations et limites de la puissance américaine, les commentaires sont nombreux
: Pierre Hassner, Etats-Unis : l’empire de la force ou la force de l’empire, IES-UE, Paris, 2002 ; Alain
Joxe, L’Empire du chaos – les républiques face à la domination américaine dans l’après-guerre froide, La
Découverte, Paris, 2002; Xavier de Villepin et alii, La Politique de défense des Etats-Unis : une nation en
quête d’invulnérabilité, Sénat, Paris, rapport no 313, 2001-2002 ; G. John Ikenberry, « American Grand Strategy
in the Age of Terror », Survival, hiver 2001; Michael Mandelbaum, « The Inadequacy of American
Power », Foreign Affairs, vol. 81, no 5; Claude Rochet, « Les Etats-Unis : tigre en papier politique et leader
technologique ? », Géoéconomie, hiver 2002; Serge Sur, « L’hégémonie américaine en question », AFRI, vol. 3,
2002; Dominique David, « Pourquoi sommes-nous ‘anti-américains ’? », Etudes, janvier 2003; Etienne de
Durand, « Les armes de l’Empire », Politique internationale, automne 2002.
Par « influence », on entend la capacité à jouer de modes de contrainte
plus indirects. La durable division des membres de l’Union européenne en
matière de politique étrangère doit surtout aux intérêts propres de ces pays,
à leurs statuts divers sur la scène internationale, à leurs héritages culturels,
mais aussi à la présence vigilante de l’Amérique : à la porte ou parfois dans
la maison même. La position de Moscou dans la crise iraquienne sanctionne,
au-delà des intérêts pétroliers, de très concrets pouvoirs de levier de Washington,
par exemple dans le domaine de la dette extérieure russe ou pour
la garantie des intérêts de Moscou au Proche-Orient. Quant à l’attitude
d’autres pays moins puissants, y compris parmi les pays arabes, elle
témoigne aussi de la capacité des Etats-Unis à traduire financièrement les
soutiens : les achats peuvent concerner les régimes, les économies, ou les
deux...
Enfin, tout ceci donne à l’Amérique un pouvoir de « contrôle » inédit. Inédit,
parce qu’il ne s’appuie pas sur le gain de territoires, classiquement
relayé par une diplomatie d’influence. Leur maîtrise des circuits d’acquisition
et de circulation des informations donne aux Américains un certain
contrôle à distance des champs d’affrontement, ainsi que l’espoir d’y intervenir
plus efficacement de l’extérieur (informations précises couplées à des
instruments de frappe à longue portée), plus fort dans l’action militaire,
sans qu’il soit nécessaire de passer à l’occupation des territoires. L’affaire
afghane, puis l’affaire iraquienne, suggéreront sans doute aux Etats-Unis
que la présence physique dans la durée n’est pas sans intérêt, même à
l’heure de l’information-reine. Cependant, ce savoir a toute chance de rester
aux marges de leur stratégie diplomatique et militaire. Et les alliances sont
faites pour procurer les moyens complémentaires d’occupation. Les alliés
laveront sûrement les vitres s’il en reste après le blitz.
La puissance unique
La première puissance du monde contemporain n’a pas de rivale et il est
peu vraisemblable qu’elle en ait à échéance prévisible. Sur un ou plusieurs
segments de puissance, d’autres concentrations de capacités pourront apparaître
(l’Union européenne, la Chine, une Russie retrouvée), mais le défi ne
sera pas simultané, au même niveau, et dans tous les domaines. Bon an mal
an, l’unicité, la centralité de la référence américaine dureront. Cette puissance
impériale pourrait néanmoins heurter vite certaines limites.
Leur histoire, leur géographie, les stratégies qui en ont résulté, n’ont pas
équipé les Etats-Unis, qui ont pourtant multiplié les interventions au cours
du XXe siècle, d’une culture de gouvernement du monde. Le multilatéralisme
wilsonien est admirable mais lointain, et le plus souvent remplacé par
cette gestion ponctuelle que permet une puissance appuyée sur la mobilité
de ses capitaux ou de ses armées. L’Amérique se projette, mais se laisse
malaisément installer dans les régions qui ont besoin, sur le long terme, de
90 dominique david
gestion collective. L’Alliance atlantique est une exception dictée par la massivité
du défi soviétique.
La conception américaine est bien celle d’une projection massive et déterminante,
enchaînant sur un retrait : d’où l’image de la prédation. Le modèle
est adapté et assoupli en fonction des conjonctures. Dans la période actuelle,
ce modèle a pour premier effet de démonter les structures multilatérales qui
pourraient assurer la gestion de l’après-conflit. Or, si l’intervenant n’assure
pas lui-même cette gestion et si son mode d’intervention décourage l’action
collective, la contradiction est complète et risque bien de produire plus de
désordre que de reconstruction (6).
Ce « modèle prédateur » est mal adapté à l’environnement actuel – nombre
d’Européens le pensent, et c’est là une dimension centrale du débat sur
l’Iraq. Le contrôle américain fonctionne sans problème dans le « premier
monde », celui des puissances, des grands Etats, des acteurs régionaux : une
communauté au moins partielle d’intérêts, une culture partagée de la puissance,
lui donnent ici son efficacité. Il peut fonctionner aussi, pour d’autres
raisons, dans le « deuxième monde », celui des Etats qui ne sont pas des puissances,
mais suivent une logique politique classique et sont donc plus ou
moins accessibles aux pressions de toute nature de la puissance centrale.
Cependant, ce contrôle est sans nul doute mal adapté au « troisième
monde », celui des acteurs sans identification étatique ou territoriale précise,
sans logique politique au sens où on l’entend en Occident depuis deux
siècles.
Pour appréhender ce troisième monde, qui nous pose beaucoup plus de
problèmes que les relations inter-étatiques (ces dernières peuvent être dangereuses,
mais nous avons les concepts et les moyens pour les gérer), les
idées maniées aujourd’hui par la puissance américaine ne proposent guère
plus que l’affirmation unilatérale de la puissance de la police, avec la logistique
minimale qui l’escorte. Les limites de l’Empire se nomment donc
désordre et contournement : désordre, car les moyens incontestables que
détient Washington d’imposer ponctuellement ses vues par l’utilisation de
sa puissance (en particulier dans le domaine militaire), s’ils ne construisent
pas les équilibres de long terme, s’inverseront en générateurs de désordre ;
contournement, parce que le différentiel de puissance est si massif, la puissance
affirmée avec une telle force, que nulle stratégie directe ne peut rêver
la mettre en cause. On s’efforcera donc de la défier sur d’autres terrains, de
la contourner. Or, l’ouverture du monde et la décomposition de son organisation
politique multiplient sur le « marché stratégique » les acteurs pouvant
être tentés par ce contournement et disposant de moyens crédibles de le
concrétiser : le 11 septembre nous l’a appris, ou rappelé.
penser la sécurité dans un monde fluide 91
(6) Sur la problématique générale de l’après-guerre, cf. G. John Ikenberry, After Victory – Strategic Restraint
and the Rebuilding of Order after Major Wars, Princeton University Press, Princeton et Oxford, 2001.
Pour ces raisons auxquelles s’ajoutent les contradictions internes à l’opinion
américaine (qu’il sera sans doute de plus en plus difficile de mobiliser
pour assurer militairement ou économiquement un certain ordre du monde),
l’Amérique, puissance centrale, dominante, ne structurera pas à elle seule le
système international à venir. Le sachant, acceptera-t-elle d’entrer dans des
modes de gestion plus multilatéraux, d’inscrire sa force dans une entreprise
de construction de plus long terme; ou succombera-t-elle à l’empire de sa
propre puissance?
Gouverner le monde?
L’idée d’un affrontement politico-religieux, véhiculée par le discours d’un
Ben Laden et qui nous a fait si peur en septembre 2001, a rapidement disparu
des débats. Le terrorisme du 11 septembre est certes politique, au
moins par l’identification de son adversaire, mais il n’a pas de débouché qui
lui soit propre, pas de relais lui permettant, à travers des structures identifiables
(mouvements, Etats...), de peser sur l’organisation du monde. L’idée
selon laquelle de tels actes cristallisent une opposition culturelle entre les
opinions musulmanes et les sociétés occidentales demeure théorique : concrètement,
les « masses » musulmanes ne se sont pas soulevées – et surtout pas
dans le monde arabe, à l’exception particulière des manifestations palestiniennes.
Pour l’heure, il n’existe pas de passerelle entre ce que l’on a nommé voici
quinze ans l’« islam politique » et le terrorisme de masse. Les objectifs ne
sont pas les mêmes (prise ou consolidation du pouvoir politique dans le premier
cas, destruction sacrificielle dans l’autre) et les acteurs diffèrent radicalement,
comme en témoignent les biographies des acteurs du 11 septembre.
Les séides de Ben Laden redécouvrent la plupart du temps l’islam en double
rupture : rupture avec nos sociétés, où ils vivent sans se sentir intégrés en
dépit de parcours sociaux souvent normaux; rupture avec les sociétés
musulmanes traditionnelles, où ils ne sont rien. Le modèle du « choc des civilisations
», s’il peut avoir un intérêt analytique, n’est pas prédictif : il n’y a
pour l’heure ni passage entre les contestations internes aux sociétés musulmanes
et le terrorisme style « 11 septembre », ni effet en retour de ce terrorisme
par une mobilisation de ces sociétés (7).
Ce terrorisme apparaît plus comme un syndrome de décomposition que
comme l’outil d’une recomposition globale. Les puissances concernées le
sont sans doute plus par la déconstruction de leurs propres sociétés ou de
zones qui leur sont d’une manière ou d’une autre proches, que par la constitution
de menaces politico-militaires au sens classique du terme : menaces
92 dominique david
(7) Sur ces questions, on se reportera à Gilles Kepel, Jihad – expansion et déclin de l’islamisme, Gallimard,
Paris, 2000; Olivier Roy, L’Islam mondialisé, Seuil, Paris, 2002 et Les Illusions du 11 septembre – le
débat stratégique face au terrorisme, Seuil, Paris, 2002.
que nous avons les moyens de gérer dès qu’elles rentrent dans notre logique
stratégique traditionnelle (affrontement central des forces, rôle de la technique
militaire, etc.).
Les facteurs de l’affrontement
L’affrontement entre blocs politico-religieux n’est sans doute pas pour
demain. Trois facteurs peuvent pourtant nous faire redouter, dans le présent
environnement, une certaine rencontre du religieux, du politique et du terrorisme.
Le premier facteur tient à l’instabilité de certaines sociétés du « Sud », où
la banqueroute des structures étatiques laisse champ à la gestion de besoins
sociaux élémentaires par des organisations religieuses, et où l’absence de
plate-forme d’échanges démocratiques fait du discours religieux le seul discours
politique disponible. Ici, l’affirmation religieuse peut être vue comme
une affirmation politique qui ne trouve qu’une traduction. Une telle évolution
(bien connue des pays du sud de la Méditerranée et de plus en plus des
pays sub-sahariens) pose plusieurs questions, dont deux nous touchent
directement : l’emprise grandissante du politico-religieux pourrait-elle
conduire certains Etats ou des segments de certaines sociétés du Sud à soutenir
des entreprises pouvant menacer à terme les sociétés occidentales ? Et
une jonction (aujourd’hui inexistante) pourrait-elle s’opérer entre des
conflits locaux et des scénarios d’attaques type 11 septembre? La démonstration
de ce que la mise en cause des puissants est possible, la diffusion de
techniques démultipliant les capacités de frappes de petits groupes, pourraient
faire évoluer la donne stratégique.
Dans cette logique, nous avons tout à craindre de la mise hors champ
politique de certains espaces : zones d’abcès persistants, où la raison politique
n’apparaîtrait plus comme une solution crédible (affrontement israélopalestinien
ou problème du Cachemire); ou, plus rapidement sans doute,
zones non contrôlées dans lesquelles prolifèrent tous les éléments de futures
menaces globales (circulation d’argent incontrôlé, trafics d’armes, installations
techniques et d’entraînement, etc.). Nombre d’espaces d’Afrique ou
d’Asie du Sud, pour ne pas parler du Caucase ou des Balkans, pourraient
correspondre à une telle définition. Le 11 septembre 2001 a établi une liaison
convaincante entre la déréliction de telles zones (ici, l’Afghanistan) et
la sécurité des nations développées.
Européens, nous avons une position singulière dans cette géopolitique qui
lie de manière nouvelle ces zones. La délimitation des aires de souveraineté
fait évidemment partie des politiques de sécurité et cette délimitation nous
pose un double problème. D’abord parce que la construction européenne a
créé un espace de circulation (qui ne peut que s’élargir) sans autorité politique
centrale et sans contrôle convaincant aux frontières extérieures : la circulation
trans-méditerranéenne ou trans-européenne, d’Est en Ouest, nous
penser la sécurité dans un monde fluide 93
mettent au contact direct de zones instables, où peuvent advenir des cristallisations
politico-religieuses.
L’incapacité des grandes nations d’Europe à mener une politique clairement
intégrationniste (avec les moyens nécessaires, en n’en restant pas aux
invocations morales) en faveur des populations d’origine étrangère et précisément
méditerranéenne, crée des poches de marginalité qu’une médiocre
dynamique économique et démographique des Européens ne réduira pas
naturellement. Il n’est pas question de traquer une « cinquième colonne »
terroriste dans les banlieues. Cependant, il est raisonnable de penser que
quelques éléments marginaux pourraient jouer les relais dans des situations
extrêmes – relais d’autant plus difficiles à défaire qu’ils seraient très différents
des réseaux habituels et repérés. L’expérience récente nous suggère
que quelques frappes isolées peuvent être dévastatrices, physiquement et
psychologiquement, pour nos sociétés. C’est à celles-ci que nous devrons
répondre, sans doute plus qu’à une agression concertée généralisée.
Comment et où agir?
Face à une situation fluide, mal maîtrisable pas nos recettes habituelles,
les stratégies allieront parades, réponses et prévention de toutes formes. Ces
stratégies intégrées devront concerner avant tout les abcès internationaux
qui risquent de dégénérer (le Moyen-Orient, une fois encore), ainsi que les
espaces dont la déstabilisation aurait de graves conséquences. Au nombre de
ces derniers, on doit évidemment citer la Méditerranée dans son acception
la plus large et l’Asie du Sud.
Cette dernière comprend dans sa partie archipélagique, des Etats éclatés
géographiquement et politiquement, dont la stabilité n’est rien moins qu’assurée
: Indonésie, Malaisie, Philippines. Deux d’entre eux sont à très forte
majorité musulmane et peuvent connaître, comme déjà en Malaisie, une
radicalisation rapide. Cette zone constitue d’autre part un passage prioritaire
pour des matières premières énergétiques dont l’importance croîtra
avec le développement des économies d’Asie. Quant à la Méditerranée (8),
elle semble concentrer les problèmes à résoudre : espace de partage économique,
religieux et culturel, de circulation des populations, lieu de conflits irréductibles,
réservoir pétrolier et gazier majeur, espace bordé de régimes aux
fausses apparences de stabilité, ouvert sur les zones dangereuses que peuvent
être demain l’Afrique sub-saharienne, la mer Noire et le Caucase et audelà
l’Asie centrale et du Sud... c’est là, autour de cette Méditerranée (qui
doit être vue non en soi, mais comme espace médian), que devra se prouver
la viabilité des rapports internationaux de l’après-11 septembre.
94 dominique david
(8) Cf. Rémy Leveau, « La France, l’Europe et la Méditerranée : un espace à construire », Politique étrangère,
hiver 2002-2003.
Cette viabilité se prouvera, ici et ailleurs, par la capacité internationale
à prévenir, à stabiliser, voire à trancher certains conflits. Cette « gouvernance
globale » est à inventer, ainsi que les méthodes, les moyens, les cadres
politiques et juridiques correspondants : les méthodes ne se résument plus
aux démarches diplomatiques classiques et à la gestion des guerres du vieux
temps; les moyens doivent être adaptés (et en particulier les moyens militaires)
à des buts nouveaux; enfin, des cadres politiques doivent venir légitimer
les actions entreprises. L’intervention unilatérale, diplomatique ou militaire,
peut apparaître évidente (Afghanistan en 1991) ou nécessaire (dans de
difficiles situations humanitaires, en Afrique par exemple). A terme, elle ne
peut être acceptée que si elle est légitimée par des procédures multilatérales.
Les grandes puissances ont beau jeu de dénoncer l’impuissance de l’ONU.
Elles la produisent avec constance. La plus illustre des victimes du 11 septembre
2001 est le multilatéralisme, très oublié au profit des initiatives des
puissants. Et il n’est pas sûr que le recours à l’ONU dans la crise iraquienne
pour retrouver ne varietur l’objectif initial américain ait redoré la logique
multilatérale. Il va de soi que le système de l’ONU doit être revu. Faute de
cette révision, les opérations de stabilisation apparaîtraient plus clairement
pour ce qu’elles sont : des privilèges de puissances plus ou moins prédatrices,
créant à terme les conditions psychologiques et matérielles de ce qu’elles
prétendent combattre.
Où est passée l’europe?
Les stratégies doivent bien peu à l’approche objective des choses et beaucoup
aux perceptions subjectives. Comment expliquer autrement que
l’Union européenne, qui apparaissait en octobre 2001 tellement « en situation
», n’ait pu dépasser les vagissements diplomatiques ?
L’Union est déjà une puissance dans nombre de domaines (économique,
monétaire), et potentiellement dans d’autres (domaine militaire par
exemple). Elle pourrait mener une politique extérieure intégrée, usant de
tous ses moyens : action diplomatique, interventions économiques, dialogues
culturels, maniement de l’instrument militaire. Cette intervention multivalente
est justement ce dont nous avons besoin dans une situation internationale
dont la complexité ne se plie pas aux simples mesures de police. Puissance
en devenir et, pour les plus importants de ses membres, héritière d’un
lourd passé de domination coloniale, l’Europe bénéficie à la fois d’une expérience
de gestion extérieure, redéfinie dans ses politiques de coopération, et
d’une image moins brutale de concentration de force que les Etats-Unis.
Elle est donc paradoxalement plus acceptable par nombre d’acteurs étatiques.
L’Union est enfin riveraine de grandes zones problématiques : la Méditerranée,
l’ancien espace soviétique, où toutes les questions se trouvent
concentrées (circulation des populations et des armes, irrédentismes natiopenser
la sécurité dans un monde fluide 95
naux, dynamiques de prolifération, partages culturels et religieux,
contrastes de développement, questions liées aux approvisionnements énergétiques,
etc.).
Quel rôle pour l’Union?
Ces arguments de l’immédiat après-11 septembre n’ont guère évolué
depuis, sinon dans le sens d’un renforcement de la nécessité européenne. Les
mois qui viennent de s’écouler n’annoncent nulle émergence d’autres pôles
de puissance. La Russie, la Chine, ont correctement tiré leur épingle du jeu,
mais les circonstances présentes ne les dopent pas vraiment dans la course
à la puissance, où leur posture est liée à des processus internes et à la stabilité
de leur environnement rapproché; et sur ces deux axes, Pékin et Moscou
dépendent largement, encore que différemment, de Washington. Quant au
Japon, son interminable crise de restructuration semble disqualifier ses initiatives
internationales pour les années à venir, sauf si une sérieuse dégradation
de la situation régionale (par exemple en Corée) le contraignait à réviser
rapidement sa politique.
L’un des enjeux de la période actuelle est bien d’insérer les rapports de
puissance dans un cadre collectivement géré. Il s’agit non de construire une
mythique « multipolarité » organisée, ni de contraindre ou de contrebalancer
mimétiquement la force américaine, mais de faire en sorte que les politiques
de puissance s’inscrivent au maximum dans une logique multilatérale. Si cet
enjeu se transforme en objectif, alors son instrument le plus évident est
l’émergence d’une Union européenne dotée d’une politique extérieure.
Aucun autre pôle de puissance ne peut avoir, dans les vingt années à venir,
le même poids concret, le même pouvoir d’entraînement que le pôle européen.
Si un tel pôle n’émerge pas, le bouleversement du paysage stratégique
accéléré par le 11 septembre a toutes chances de nous échapper. Les Etats-
Unis ont manifestement révisé leur manière d’être dans l’Alliance atlantique.
Les priorités stratégiques de l’Amérique se situent désormais ailleurs
qu’en Europe : les crises du Vieux Continent peuvent donc être sous-traitées
aux Alliés, ainsi que Washington l’a toujours souhaité, de préférence dans
le cadre d’un mécanisme qu’elle contrôlerait au moins indirectement.
L’OTAN a donc toutes ses chances de vite devenir à la fois un forum politique
très élargi, qui démontre que le dialogue de sécurité européen et paneuropéen
ne peut se développer qu’avec et à travers l’Amérique, et un réservoir
de soutiens politiques et de moyens militaires auquel faire appel en tant
que de besoin. Dans toutes les hypothèses, les Européens ont intérêt, face
à cette évolution, à manoeuvrer ensemble : qu’ils se résignent à une certaine
marginalisation de l’Alliance et au développement de capacités particulières
pour leur sécurité, ou qu’ils utilisent l’Alliance comme un cadre dans lequel
96 dominique david
les pays qui comptent sur le continent (y compris la Russie) s’efforceront de
peser sur les volontés américaines.
Quelles que soient, dans la foulée du 11 septembre, les tentations de renationaliser
les politiques de sécurité et de défense, les limites à l’action
purement nationale paraissent d’autant plus nettes que l’adversaire utilise
mieux les moyens (financiers, techniques) procurés par la mondialisation. Si
les réponses doivent être spécifiques, si elles ne peuvent être strictement
nationales ni seulement atlantiques, elles devront bien être européennes...
Redémarrer?
Les progrès ne correspondent pourtant nullement à cette logique. Dans le
domaine de la politique étrangère européenne, l’après-11 septembre est la
chronique d’un surprenant échec : un échec qui s’explique avant tout par le
damier des unilatéralismes. Les pays européens qui, au-delà de dignes déclarations,
n’ont pas de politique étrangère, ne pèsent pas, et tôt ou tard s’en
remettent au parrain américain – tendance qui s’aggravera avec l’entrée en
force de petits pays dans l’Union. Les pays qui ont une politique étrangère,
en raison de leur poids propre ou de leur histoire, pèsent, mais d’abord pour
eux-mêmes : les courses solitaires de la France, de l’Allemagne, de la
Grande-Bretagne à l’automne 2001 en disent long sur l’absence de solidarité
diplomatique, même face à une crise grave. La PESC est en situation
d’échec dans tous les domaines d’importance, à enjeux politiques forts, ou
géographiquement proches, emportant dans sa médiocrité une PESD dont
le brillant titre de gloire reste d’avoir, au terme d’une longue négociation,
déployé début 2003 une poignée d’hommes en Macédoine (9).
Le défaut de volonté politique commune est ici central. Il s’exprime dans
la divergence des positions diplomatiques – quand elles sont importantes,
elles ne sont presque jamais communes –, dans des politiques de défense non
coordonnées – voir la divergence des budgets –, dans une cacophonie
constante quant aux acquisitions de matériels, c’est-à-dire quant à la base
industrielle de l’autonomie européenne.
Malgré quelques progrès dans les coopérations intérieures (le troisième
pilier policier et judiciaire), et dans les coopérations entre systèmes militaires,
la logique globale de la politique de sécurité commune demeure bloquée.
Alors même que la situation appelle une redéfinition ambitieuse des
objectifs de la PESD, aujourd’hui limitée aux « opérations de Petersberg » –
définition large mais qui n’inclut pas les manoeuvres de défense –, l’UE
peine à mettre en oeuvre concrètement les objectifs fixés à Helsinki. Les
penser la sécurité dans un monde fluide 97
(9) Sur les problématiques européennes actuelles, cf. Hans-Georg Ehrart, Quel modèle pour la PESC?,
IES-UE, Paris, 2002; Thérèse Delpech, Le Terrorisme international et l’Europe, IES-UE, Paris, 2002; Gilles
Andréani, « Europe de la défense : y a-t-il encore une ambition française ? », Politique étrangère, hiver 2002-
2003; Jolyon Howorth, « La France, l’OTAN, et la sécurité européenne : statu quo ingérable, renouveau
introuvable », Politique étrangère, hiver 2002-2003.
perspectives ne sont pas plus brillantes : les élargissements à venir vont
mobiliser l’attention sur le devenir intérieur de l’Union au détriment de son
action extérieure ; les nouveaux entrants ont dans l’UE une ambition essentiellement
socio-économique et viendront évidemment renforcer le camp des
sceptiques. La tranquille impudence avec laquelle la Pologne annonce, quelques
semaines seulement après le Sommet de Copenhague, l’achat d’avions
militaires américains annonce les désillusions à venir. Quant aux négociations
en cours de la Conférence européenne, elles ne décideront que pour les
institutions. En fusionnant les postes de M. PESC et du commissaire chargé
des relations extérieures, on clarifie les droits : on ne crée pas de volonté
commune. Cette dernière étant toujours bridée par une logique intergouvernementale
qui sera sans doute encore plus clairement revendiquée dans les
textes à venir.
On opposera au pessimisme de l’analyse l’optimisme de la volonté : la
combinaison des politiques de vieux Etats dans un environnement complexe
et mouvant ne peut être que lente. Il y faudra plusieurs décennies. Les
temps stratégiques sont multiples : nous avons bien cru que quelques années
suffiraient à transformer la Russie quand sa mue prendra peut-être un
demi-siècle. On peut bien sûr miser sur le temps et les évolutions lentes,
presque inévitables. A condition que le temps court des menaces ou de l’évolution
technique ne dévalue pas le majestueux temps diplomatique. Or, c’est
ce qui risque de se passer : des menaces nouvelles peuvent s’actualiser sans
que nous nous soyons dotés des moyens, diplomatiques et militaires,
internes et externes, d’y répondre. Il se pourrait bien que les Européens se
réveillent demain dans un monde bouclé par les technologies américaines,
proposées ou imposées via les collaborations atlantiques, dans un monde où
les velléités d’action indépendante, leur vertu enfin découverte, s’avéreraient
vaines.
Il faut donc souhaiter que l’espérance de longue haleine soit doublée d’une
avancée plus rapide, en particulier au niveau militaire, entre puissances
majeures européennes. La cristallisation d’une solidarité étroite entre Paris,
Londres et Berlin en serait la figure la plus évidente. Si Londres persistait
dans ses ambiguïtés, il faudrait alors que le couple franco-allemand, en dépit
des dernières années et des difficultés économiques présentes, monte au créneau,
revendiquant dans ce domaine comme dans les autres son rôle de
moteur de l’Europe.
Des choix de défense nouveaux
Le débat le plus bruyant de l’après-11 septembre 2001 touche, sous des
formes diverses, les relations entre technique et sécurité. Qu’on constate la
déroute du culte technique américain contre des suicidaires résolus (réactions
européennes en général). Ou qu’on surinvestisse dans le développement
98 dominique david
de ces techniques pour parer aux frappes à venir (hausse des budgets américains).
Ou encore qu’on tente de bloquer l’accès de futurs adversaires aux
moyens de destruction massive (contre-prolifération, non-prolifération) (10).
L’enseignement le plus inquiétant du 11 septembre est bien que le progrès
technique, symbole contemporain de la puissance, produit en même temps
de la sauvegarde et de l’insécurité. Il multiplie les moyens de se défendre,
mais il élargit les plages de vulnérabilité. Les sociétés modernes sont ainsi
vulnérables à des frappes élémentaires, qui recourent à des logiques rustiques
pour tourner les systèmes de protection, ou à des frappes sophistiquées,
que l’on redoute de plus en plus sans les avoir encore jamais vues. La vulnérabilité
que dessinent le 11 septembre et les événements qui l’ont suivi
(attaque à l’anthrax) concerne nos systèmes complexes, qui ont des faiblesses
spécifiques, et la psychologie de nos sociétés. Les sociétés occidentales
sont en effet d’autant plus traumatisables qu’elles baignent dans l’idée
que leur supériorité technique leur garantit la paix et qu’elles sont
contraintes d’en sortir par des attaques auxquelles on ne peut répondre par
les recettes éprouvées de l’art militaire. Le terrorisme massif est bien l’arme
de notre temps en ce qu’il déstabilise nos sociétés sans doute plus psychologiquement
encore que physiquement.
De telles mises en cause seront demain notre ordinaire : la hiérarchie de
la puissance ne va pas changer rapidement, l’attaque asymétrique étant un
des moyens de l’annuler, et la diffusion des techniques multiplie les acteurs
potentiellement dangereux. On ne peut ici répondre que par un concept
stratégique intégré, qui allie méthodes de pacification de long terme (stratégies
diplomatiques, économiques, culturelles, militaires), méthodes de prévention
et de gestion de moyen terme (stratégies collectives de prise en
charge des crises) et méthodes concrètes d’usage de la force, en défense ou
en intervention extérieure si nécessaire.
Identifier les acteurs pouvant manier ces concepts intégrés revient à hiérarchiser
les capacités et les zones, à moins de penser que la primauté américaine
est le principe et la réalité de la sécurité mondiale. On retrouve ici la
nécessité de distinguer le rôle des organismes multilatéraux (en particulier
dans la lutte contre la prolifération des armes dangereuses), des mécanismes
de sécurité régionale, des acteurs militaires de la sécurité. Pour les pays
d’Europe et la France en particulier, il s’agit d’identifier l’espace pertinent
pour leurs interventions de sécurité. Le bon sens nous dit que notre environnement
stratégique est fait de la profondeur des espaces du continent, de ses
marges Nord et Sud et du continent africain. En termes de sécurité, cette
identification concrète des zones à stabiliser pèse plus que la proclamation
d’une ubiquité militaire imaginaire.
penser la sécurité dans un monde fluide 99
(10) Sur ces problématiques de sécurité, cf. Dominique David, Sécurité : l’après-New York, Presses de
Sciences-Po, Paris, 2002.
Des logiques de défense nouvelles
La révolution imposée à nos appareils de défense par l’effondrement de la
bipolarité n’est pas achevée. La mutation de ces appareils militaires s’est
faite, en particulier en France, au nom de la souplesse d’emploi et de l’adaptation
aux déclinaisons du métier militaire qu’imposait la « gestion de
crise ». Cette adaptation doit maintenant prendre en compte des charges
nouvelles. Sans entrer dans le détail des décisions et programmes souhaitables,
on peut rappeler ici quelques évidences. Défense scientifique, protection
et projection, deviennent des catégories majeures de notre concept de
défense.
Par « défense scientifique », on entend, au-delà du développement normal
des systèmes, la veille sur les percées pouvant être diffusées auprès d’acteurs
agressifs et le maintien de notre capacité d’indépendance de décision (vulnérabilité
de nos propres systèmes technico-scientifiques). L’une des caractéristiques
majeures du monde à venir est la diffusion de l’information scientifique.
Cette donnée doit être prise en compte, sans que l’on succombe à l’illusion
de croire que la science seule défend contre les progrès de la science.
Cette « défense scientifique » dépend des investissements budgétaires, mais
aussi d’une redéfinition des relations entre les différents pôles militaires et
civils, publics et privés, de la recherche.
La catégorie de la « protection » devient également cardinale, à mesure
que notre capacité de dissuasion s’affadit face à des acteurs non conventionnels.
Protéger, c’est disposer du maximum de détection et d’alerte contre les
menaces possibles (moyens humains et techniques) et d’instruments concrets
de sauvegarde des populations : protection civile, organisation du système
sanitaire, méthodes de gestion des paniques, etc. Les atteintes à venir pourront
frapper directement et massivement les populations sans passer par le
traditionnel filtre du système militaire. Le caractère le moins contestable
des gigantesques investissements de défense faits par les Etats-Unis dès
avant le 11 septembre touche la protection des populations : sans ces décisions,
le coût des attaques eût été beaucoup plus lourd.
Enfin, la catégorie de la « projection », jusqu’ici pensée pour l’essentiel en
fonction d’exigences de gestion de crise, nous est plus brutalement imposée
par la géopolitique mise à jour le 11 septembre : si nous pouvons être
frappés de loin, il nous faut les moyens de frapper loin. Nos capacités d’intervention
extérieure doivent s’adapter à cette logique et se décliner selon
les hypothèses que nous souhaitons traiter.
En parallèle aux choix touchant aux concepts et appareils de défense, les
enjeux du « front intérieur » doivent être précisément évalués. Si l’attaque
des populations urbaines revient au coeur de la manoeuvre stratégique, il est
capital de se préoccuper de la gestion de ces populations, sous le double
signe de l’information et de la cohésion. La mobilisation de l’opinion, essen-
100 dominique david
tielle, ne peut se faire que si le discours sur le danger et les moyens d’y parer
est clair, sans pour autant tomber dans la paranoïa. Pour l’heure, en
Europe, ce discours fait toute sa place au silence... Quant à la cohésion des
populations, il faut répéter cette naïveté mal entendue depuis vingt ans : la
politique d’intégration et d’homogénéisation des populations de nos pays –
qui n’est rien d’autre qu’une politique qui vise à produire ce « politique »
dont nous avons besoin pour demeurer une Nation et un Etat –, est simplement
un impératif de sécurité.
Enfin la souplesse, l’adaptabilité, la possibilité de retournement de nos
décisions et de nos dispositifs doivent désormais figurer au coeur de nos raisonnements,
pour parer à l’éventualité d’événements qui ne sont plus réductibles
à des modèles connus. Si le pire n’est pas sûr, nous ne savons pas ce
que sera la prochaine agression, ni d’où elle viendra, ni quand – ni d’ailleurs
pourquoi... Les dispositifs qui permettent de répondre aux grandes menaces
militaires, s’ils demeurent, sont désormais aux marges pour plusieurs décennies.
Ils ne sont pas inutiles, mais ne peuvent seuls, au travers de programmes
massifs, structurer notre effort de défense, « plombant » notre initiative
d’adaptation à l’inconnu.
Il est vain de tenter une nomenclature de cet inconnu. Seule la réactivité
de nos concepts, de nos institutions, de nos industries permettra de l’affronter.
Dans cet ordre d’idées, la France ne peut faire l’économie d’un débat
sur la part à réserver dans ses budgets de défense à un nucléaire qui
demeure nécessaire, mais de manière fort différente des dernières décennies,
ou à de grands programmes qui prétendent parer à l’avenir lointain, quand
nous ne connaissons pas les contours du lendemain.
*
* *
Longtemps lisible dans le dessin même de nos peurs, l’évolution du système
des conflits nous propose désormais un foisonnement d’acteurs, de
cadres, de moyens qui appelle à révolutionner des stratégies organisées
autour des conceptions de la guerre à l’occidentale. Rien ne pourra être
ordonné du monde nouveau sans que soient pensés de nouveaux enchaînements
stratégiques et sans que la distribution de puissance, aujourd’hui
écrasée par l’Amérique, retrouve quelque souplesse autour d’un multilatéralisme
plus efficient ou d’acteurs plus structurés. Parmi ces acteurs possibles,
l’Union européenne est un des rares à disposer de moyens stratégiques
adaptés à la fluidité de notre environnement. Elle porte donc une lourde responsabilité,
à la fois vis-à-vis de sa propre sécurité et de l’ordre du monde.

penser la sécurité dans un monde fluide 101









قديم 2012-04-12, 10:44   رقم المشاركة : 5
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Article
« Une relecture des relations internationales de post-guerre froide »
Houchang Hassan-Yari
Études internationales, vol. 34, n° 2, 2003, p. 281-291.
Pour citer cet article, utiliser l'adresse suivante :
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Document téléchargé le 25 December 2008
Revue Études internationales, volume XXXIV, no 2, juin 2003
LIVRES
1. Étude bibliographique
Une relecture des relations
internationales de post-guerre froide*
Houchang HASSAN-YARI**
Une clarification d’ordre méthodologique s’impose avant l’entrée dans le
vif du débat. En dépit de la chute du Mur de Berlin et le démantèlement des
régimes de démocraties populaires, les relations au niveau mondial restent
intergouvernementales et non internationales ; celles-ci demeurent un idéal
lointain à atteindre. Contrairement à l’idée surgie au cours des années 60
selon laquelle l’État allait se dissiper devant l’expansion phénoménale des
firmes et banques multinationales, celui-ci surmonte les défis existentiels et
continue d’occuper le centre décisionnel sur l’échiquier mondial. Il exerce
allègrement son monopole de force « légitime » à l’intérieur et fournit un
cadre légal pour l’échange avec le monde extérieur.
* BETTS, Richard K., Conflict After the Cold War. Arguments on Causes of War and Peace, 2e éd.,
New York, Longman, 2002, 567 p. L’ouvrage de Betts est un recyclage annoté des textes
classiques couvrant un vaste éventail d’écrits, des écoles de pensées en relations internationales
aux tensions transnationales en passant par l’économie, l’idéologie et la technologie militaire.
Le livre de John A. VASQUEZ, Classics of International Relations, 2e éd., Englewood Cliffs, New
Jersey, Prentice Hall, 1990, est un autre recueil de textes classiques dans le domaine des
relations internationales.
DUNCAN, W. Raymond, Barbara JANCAR-WEBSTER et Bob SWITKY, World Politics in the 21st
Century, New York, Longman, 2002, 696 p. Ce manuel imposant des relations internationales
reprend les thèmes fondamentaux de la discipline et se préoccupe des questions de l’heure
tels le terrorisme, l’acceptation de la Chine au sein de l’OMC, la question des aliments modifiés
génétiquement, etc.
LAWSON, Stephanie (dir.), The New Agenda for International Relations. From Polarization to
Globalization in World Politics ?, Oxford UK, Blackwell Publishers, 2002, 234 p. Lawson regroupe
plusieurs textes d’universitaires oeuvrant dans différentes disciplines de science sociale et qui
adoptent de plus en plus une perspective internationale et globale dans leurs études.
PAPP, Daniel S., Contemporary International Relations. Frameworks for Understanding, 6e éd.,
New York, Longman, 2002, 535 p. Manuel presque complet, l’ouvrage de Papp analyse tous
les éléments essentiels, classiques et plus modernes, pour comprendre les relations internationales.
** Professeur et directeur du Département de science politique et d’économique du Collège militaire
royal du Canada de Kingston.
282 Houchang HASSAN-YARI
Après les décennies de certitude de la guerre froide et la dissuasion
nucléaire, les rapports inter-étatiques, libérés de la mainmise des superpuissances,
entament une période de turbulence. Les antagonismes ethnique
et tribal éclatent dans plusieurs régions. Ces conflits révèlent la nature artificielle
et prétendument complexe des relations internationales. La dimension
ethnocentrique et tribale des conflits post-guerre froide expose l’inconsistance
dans l’évolution des relations internationales dans deux mondes avec des
intérêts incompatibles : le club restreint des pays surdéveloppés et le reste.
C’est dans ce contexte d’anarchie localisée et contrôlable que plusieurs
observateurs des relations mondiales cherchent à trouver des points de repère
communs et reposent des questions sur les éléments de l’identité des groupements
que l’on pensait compris. Daniel S. Papp analyse les relations internationales
contemporaines et tente de repérer des cadres d’analyse accessibles
pour en faciliter la compréhension1. D’autres formulent des hypothèses sur les
micro-question, oubliées en faveur des macro-problèmes existentiels durant
la guerre froide ; ils reviennent sur les débats désormais classiques de l’identification
des structures et acteurs des relations internationales. Le contexte
l’exigeant, les questions d’ordre national, ethnique et tribal, de la violence
dans certaines de ses formes tels guerre, armes et terrorisme ou encore de la
question des femmes reprennent une place de choix dans l’analyse des relations
internationales. À ces questions s’ajoutent des interrogations sur la pauvreté,
les droits humains, l’environnement et l’explosion démographique2. L’avenir
de la guerre en préoccupe plusieurs qui évoquent l’utilité d’une relecture des
textes devenus désormais classiques pour comprendre mieux la dynamique
des relations internationales depuis la fin de la guerre froide3. Certains observateurs
poussent les limites rigides du cadre d’étude en proposant un nouvel
ordre du jour pour les relations internationales. Ils s’interrogent sur le passage
de la polarisation du système bipolaire à la mondialisation dans la politique
mondiale4.
I – Longévité des théories classiques
Malgré l’affirmation de Dougherty et Pfalzgraff selon laquelle la théorie
des relations internationales change constamment5, on assiste à une remarquable
continuité dans la référence aux paradigmes classiques comme cadre d’analyse
dans la littérature sur les relations internationales. Toutes les recherches
d’innovation et de théorisation tournent autour de la mise à jour des théories
existantes, leur purification ou encore la création de contre-théories. La
permanence des théories classiques et leurs dérivés est un signe des temps. La
1. D.S. PAPP, op. cit.
2. W. Raymond DUNCAN, Barbara JANCAR-WEBSTER et Bob SWITKY, op. cit.
3. Richard K. BETTS, op. cit.
4. Stephanie LAWSON (dir.), op. cit.
5. J.E. DOUGHERTY et R.L. PFALZGRAFF, Contending Theories of International Relations. A Comprehensive
Survey, 4e éd., New York, Longman, 1997, p. 5.
UNE RELECTURE DES RELATIONS INTERNATIONALES... 283
vision réaliste, qui est liée directement à la problématique de puissance et à la
domination universelle des États-Unis, maintient sa suprématie sur les autres
écoles de pensée. Contrairement à la longue vie du duo réaliste-idéaliste,
l’émergence et la courte vie des théories marxiste et de dépendance, populaires
dans le contexte de l’euphorie de décolonisation et de contre-pouvoir de
l’Union soviétique, ne sont que des souvenirs lointains.
La théorie idéaliste est particulièrement malmenée par les conditions
euphoriques de l’après-guerre froide et la consolidation de la puissance américaine.
Les événements du 11 septembre 2001 et la « guerre contre le terrorisme
» ne font que renforcer cette domination massive et le recul des idéaux
plus conciliants dans les relations mondiales.
A — L’école réaliste
L’école réaliste impose sa réalité à la discipline des relations internationales.
L’essence de la doctrine est la notion de power politics ; notion selon
laquelle les États cherchent le pouvoir pour survivre ; que les principes moraux
et légaux qui gouvernent les relations entre les individus au sein d’un État ne
peuvent commander les relations inter-étatiques. De même, les guerres se
produisent à cause de l’absence d’une autorité suprême centrale au sein du
système mondial capable de résoudre pacifiquement les conflits et d’imposer
des pénalités. Les États ne peuvent donc que s’appuyer sur leurs propres
moyens pour se protéger ou pour obtenir leur droit6. Comme dans toute autre
doctrine, le réalisme et son extension, le néoréalisme, ont leur point de
référence historique et contemporain. La Guerre du Péloponnèse de Thucydide,
Le Prince de Machiavel, le Léviathan de Hobbes, The Twenty Year’s Crisis, 1919-
1939. An Introduction to the Study of International Relations de E.H. Carr, Politics
Among Nations de Hans Morgenthau, Paix et guerre entre les nations de Raymond
Aron, The Theory of International Politics et Structural Realism After the Cold War
de Kenneth Waltz7, The Theory of Hegemonic War de Robert Gilpin8 sont parmi
les plus remarquables sources d’approvisionnement pour les disciples de
l’école réaliste à qui R.K. Betts consacre la deuxième partie de son ouvrage qui
contient de larges extraits des textes de ces géants de la question réaliste.
D’autres contributions parviennent de Hedley Bull, Society and Anarchy in
International Relations ; Robert O. Keohane et Joseph S. Nye, Power and Interdependence
et John Mueller, Retreat from Doomsday. The Obsolescence of Major
War. Si pour Bull l’anarchie est le fait central dans la vie internationale et le
6. R.K. BETTS, op. cit., p. 33.
7. International Security, vol. 25, no 1, été 2000.
8. The Journal of Interdisciplinary History, no 18, 1988. À cette liste, qui n’est pas exhaustive, il est
opportun d’ajouter d’autres realpolitikistes tels Reinhold NIEBUHR, Moral Man and Immoral
Society, New York, Charles Scribner’s Sons, 1947 ; George KENNAN, « The Sources of Soviet
Conduct », Foreign Affairs, juillet 1947, pp. 566-582 ; et Henry KISSINGER, Nuclear Weapons
and Foreign Policy, New York, Harper & Row, 1957.
284 Houchang HASSAN-YARI
point de départ dans l’élaboration d’une théorie sur cette même vie9, Keohane
et Nye affirment que la politique internationale, comme toute autre politique,
est une lutte dominée et organisée par la violence pour la conquête du
pouvoir10. En dépit de la confirmation de certains sur le caractère anarchique
des relations internationales contemporaines, il faut rappeler que celles-ci
n’ont jamais été si anarchiques pour autant. Le fait qu’il ait toujours existé une
certaine coopération, certes fragmentée à l’occasion, entre les États ou des
groupes d’États, remet en question la rigueur analytique de la doctrine
réaliste.
Si pour certains « le réalisme classique est centré sur la capacité et la
lutte pour la survie des États en contexte anarchique pur11 », pour d’autres,
notamment Thomas Hobbes, l’importance de l’anarchie dans les théories de
relations internationales est le résultat de l’imposition des idées économiques
libérales12.
Betts rappelle l’argument des tenants du réalisme selon lequel la fin de la
guerre froide devrait confirmer leur théorie au lieu de la remettre en question.
Les adeptes de la tradition libérale offrent une conception des possibilités de
paix très différente de la vision réaliste. La disparition inattendue de l’Union
soviétique et la fin de la guerre froide ont surpris non seulement les soviétologues
mais ont aussi déclenché une virulente polémique entre réalistes et
idéalistes, chaque camp se réclamant de la justesse de son paradigme.
Il n’y a pas de doute que depuis le 11 septembre la politique dominante
à l’échelle mondiale est lourdement réaliste. Tout porte à croire que les
faucons de Washington poursuivent le renforcement de la stabilité hégémonique
de l’« hyper-puissance » dans un environnement stratégique très favorable. La
théorie de la stabilité hégémonique allègue que la stabilité économique et
politique dans le monde ou dans une région donnée exige la présence d’une
puissance dominante. « Seul le pouvoir peut arrêter le pouvoir », affirme le
réalisme. Les événements du 11 septembre ont conforté la vision réaliste sur le
caractère anarchique de la communauté internationale et l’inévitabilité de la
guerre13. La réalité du monde de l’après 11 septembre illustre bien que dans la
croyance de l’équilibre des forces, il faut un équilibre positif ; un équilibre
opérationnel selon les règles du jeu à somme nulle : une puissance qui gagne
au détriment des autres ! Préoccupée par le high politics et le macro-événementiel,
l’école réaliste se consacre peu aux événements à l’intérieur des États.
D’après le néoréalisme, l’État demeure l’acteur principal du jeu mondial.
Cependant, l’objectif primordial de l’État n’est pas la puissance mais la survie
9. H. BULL, op. cit., pp. 110-120.
10. R.O. KEOHANE et J.S. NYE, op. cit., pp. 121-127.
11. Charles-Philippe DAVID, La guerre et la paix. Approches contemporaines de la sécurité et de
la stratégie, Paris, Presses de Sciences Po, 2000, p. 39.
12. Nicholas GREENWOOD ONUF, World of our Making. Rules and Rule in Social Theory and
International Relations, Columbia, South Carolina, University of South Carolina Press, 1989.
13. W.R. DUNCAN, B. JANCAR-WEBSTER et B. SWITKY, op. cit., p. 27.
UNE RELECTURE DES RELATIONS INTERNATIONALES... 285
dans un environnement anarchique. La différence essentielle entre les États
n’est pas d’avoir des objectifs différents ; elle réside dans leurs différentes
capacités d’influencer le cours des événements internationaux. Les néo/réalistes
cohabitaient bien avec l’URSS dans le contexte de la guerre froide où la guerre
nucléaire a été empêchée à travers la realpolitik de la destruction mutuelle
assurée. C’était donc la peur qui dictait le comportement des superpuissances
sur l’échiquier mondial. La fin de la guerre froide brouille les cartes et amène
instabilité et insécurité d’une autre nature. Mais, comme il fallait s’y attendre,
l’État maintient, et renforce jusqu’à un certain degré, sa place d’acteur incontournable
sur la scène mondiale14.
D.S. Papp15 étudie l’évolution du système de l’État moderne depuis le
Traité de Westphalie en 1648 jusqu’à présent. Après avoir examiné deux
expansions d’empires européens, traduites par la colonisation des territoires
non-européens, il identifie trois vagues de prolifération d’États : a) 1870-
1930, le nombre d’États européens passe de 15 à 35 ; b) 1945-199016, cette
période de décolonisation coïncide avec la chute des vieux empires coloniaux
et l’augmentation phénoménale du nombre d’États (de 54 à 170) ; c) la
troisième prolifération a lieu quand certains États en Europe de l’Est et
l’Union soviétique se décomposent et donnent ainsi lieu à l’émergence de 21
nouveaux États indépendants. Ce processus de dissolution/reconstruction et
de prolifération continue. La prolifération de la structure étatique ne signifie
guère l’importation de la culture et la façon de faire de l’État à l’européenne.
L’État-nation, modèle importé d’Europe, demeure un projet inachevé dans les
régions du Tiers-Monde où l’État unitaire et la nation fonctionnelle sont à
construire.
B — La théorie idéaliste
À l’opposé des théories néo/réalistes qui se nourrissent des conflits,
l’école idéaliste fleurit dans les périodes d’optimisme. R.K. Betts reconnaît
l’existence de trois variantes générales de la théorie libérale concernant la
coopération internationale : l’économie, la politique interne et l’institutionnalisme
néo-libéral. « Libéral » dans ce contexte décrit une large tradition
philosophique qui évoque les valeurs de la liberté politique et économique
individuelle ainsi que le marché libre des idées et entreprises. Les concepts
idéalisme et internationalisme libéral sont parfois utilisés de façon interchangeable,
suivi par le terme utopisme, employé de manière péjorative par
certains critiques de l’idéalisme17.
14. Ibid., p. 29.
15. D.S. PAPP, op. cit., chap. 2, pp. 35-64.
16. Pour une étude sur le développement historique de l’État et la souveraineté du système
étatique, voir Stephanie LAWSON, « After the Fall. International Theory and the State », in
Stephanie LAWSON, op. cit., pp. 204-222.
17. Alex MACLEOD, Evelyne DUFAULT et F. Guillaume DUFOUR (dir.), Relations internationales.
Théories et concepts, Outremont, Québec, Éditions Athéna, 2002, p. 72.
286 Houchang HASSAN-YARI
Betts commence la reproduction des textes majeurs de grands tenants de
l’idéalisme par Kant qui ouvre le débat avec son écrit classique Projet de paix
perpétuelle. À l’instar des religions dualistes orientales, notamment le Zoroastrisme,
Kant croit que l’être humain apprend de ses erreurs, et dans la lutte
perpétuelle entre l’instinct et la raison, celle-ci triomphe enfin, de la même
façon que Ahura Mazda (Divinité) l’emporte sur Ahriman (Satan). Kant
reconnaît l’existence d’une constitution républicaine et d’un système de droit
international fondé sur la fédération des États libres comme la fondation d’une
paix perpétuelle18.
À la lumière de la lecture des textes recensés, il est permis d’affirmer que
le processus décisionnel en matière de politique étrangère est plus ou moins
similaire dans toutes les écoles de pensée, y compris les paradigmes réaliste et
idéaliste. Le processus décisionnel se résume en un nombre d’actions qu’un
État doit entreprendre en vue de formuler et d’implanter sa politique étrangère.
Comme D. Papp19 l’indique, différents États choisissent différents processus
dans le domaine de la politique étrangère. Les agents d’implantation d’une
telle politique varient selon les cas et les circonstances. Certains États accordent
un rôle à certaines agences gouvernementales dans le domaine décisionnel
tandis que d’autres pourraient avoir un système plus centralisé et fermé.
II – Clashologie20 ou conflits de valeur
Le texte de S. Huntington sur le choc des civilisations21 a suscité une
énorme réaction partout dans le monde. La présence de conflits dans la
pensée huntingtonienne révèle la parenté entre son texte et l’école réaliste.
Cependant, l’importance capitale et grandissante de ce texte justifie son
traitement séparé et nous amène à étudier la problématique de la clashologie
en dehors du cadre des écoles classiques. Écrit avec beaucoup de soin, le texte
est une des oeuvres politiques contemporaines les plus commentées et
dénoncées par la majorité des critiques. Exemple représentatif du réalisme
américain, il est valorisé par les réalistes rigides installés à Washington. La
décision de l’ONU de déclarer 2001 l’année du « Dialogue entre les civilisations »
après que Mohammad Khatami, le président de la République islamique
d’Iran, a proposé l’idée devant l’Assemblée générale en 1999, révèle le
mé*******ement massif de la communauté des États face à la substitution du
communisme par l’Islam comme ennemi. M. Khatami voulait démontrer la
volonté des musulmans, au nom de l’Islam, de dialoguer avec les autres
18. Immanuel KANT, « Perpetual Peace », in R.K. BETTS, op. cit., pp. 103-106.
19. D. S. PAPP consacre le sixième chapitre de son ouvrage au processus décisionnel. Il s’intitule
« Foreign Policy Decision Making », in op. cit., pp. 140-164.
20. Composée de clash et idéologie, clashologie signifie le choc des idéologies, des cultures, des
systèmes de valeur et des civilisations. La thèse de Huntington se voit élevée à la position
prééminente de croyance religieuse pour les clashistes depuis le 11 septembre 2001.
21. Samuel HUNTINGTON, The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order, New York,
Simon & Shuster, 1996.
UNE RELECTURE DES RELATIONS INTERNATIONALES... 287
civilisations, y compris l’Occident, sur la base du respect mutuel et de la
compréhension réciproque.
Fred Halliday22 réfute la thèse belliqueuse de Huntington sur l’inévitabilité
de la confrontation entre le monde musulman et l’ère civilisationnelle
occidentale23. Selon Halliday, les cultures paranoïaques ont une composante
et des causes historiques, mais leur résurgence dans le monde post 1989
reflète des facteurs contemporains et transnationaux. D’une part, le contexte
dans lequel des questions d’intérêt national, comme l’immigration notamment,
sont confondues avec des politiques internationales, et, d’autre part, un climat
intellectuel dans lequel des prétentions sans borne, même globales, sont faites
sans recourir à une vision empirique ou historique des faits24. Halliday ne
croit pas à la validité de la thèse de Huntington. De plus, ce dernier a omis de
prendre en compte le nombre de conflits à l’intérieur du monde islamique
entre les musulmans eux-mêmes.
III – Mondialisation et questions non conventionnelles
La fin de la guerre froide et le processus contemporain de la mondialisation
ont créé un contexte favorable dans lequel il est désormais permis de se
pencher sur des sujets négligés, mais importants. La mondialisation, souvent
limitée à son aspect économique, est multidimensionnelle et complexe. Le
respect des droits humains25 et les questions environnementales font partie de
cet ensemble. L’hypothèque de la confrontation Est-Ouest levée, la question
« périphérique » des droits humains prend l’avant-scène. Une relecture plus
libérale du Préambule de la Charte des Nations Unies en faveur des doits
individuels remet en question l’invincibilité de la primauté de la raison d’État
sur toute autre considération. La sécurité humaine devient à la mode, même si
les États accusés restent toujours les mêmes, d’ailleurs comme les accusateurs.
Jill Steans26 affirme qu’avant 1989, les droits humains ont été utilisés comme
une arme idéologique ou un moyen de la politique étrangère par les États-
22. F. HALLIDAY, « Transnational Paranoia and International Relations. The Case of the ‘West
versus Islam’ », in S. LAWSON, op. cit., pp. 37-53. Cet article a été écrit avant les événements du
11 septembre 2001. L’article de F. Halliday paraît dans une partie de l’ouvrage collectif dirigé
par Lawson intitulée « New Issues ». Même si Halliday a écrit son texte avant le 11 septembre
2001, il est utile de rappeler que l’identification d’ennemis est une pratique relativement
ancienne dans la formulation de la politique étrangère des États-Unis.
23. Pour une critique de cet aspect de la thèse de choc, voir Houchang HASSAN-YARI, « Inter-
Islamic Clash and the Western Response », in Jim HANSON et Peter HAMMERSCHMIDT (dir.),
Canadian Strategic Forecast 1998. World 2000. Conflict, Chaos or Civilization ?, Toronto, The
Canadian Institute of Strategic Studies, 1998, pp. 37-45.
24. F. HALLIDAY, op. cit., p. 51.
25. Pour une analyse de l’interaction droits humains-conflit dans la littérature française, voir
Philippe Moreau DEFARGES, Relations internationales, tome 2, coll. Questions mondiales,
Paris, Éditions du Seuil, 1994, pp. 213-240.
26. J. STEANS, « Globalization and the Discourse of Women’s Human Rights. Transgressing
Boundaries in a Post-Cold War World » in Stephanie LAWSON, op. cit., pp. 55-70.
288 Houchang HASSAN-YARI
Unis contre l’Union soviétique et ses États satellites ; cela semblait justifier
davantage leur marginalisation dans l’étude des relations internationales. La
critique concernant le recours utilitaire au concept des droits ne se limite pas
à la période de guerre froide. En fait, depuis la victoire de l’Occident,
notamment des États-Unis, sur « l’empire du mal », certains pays du Tiers-
Monde, surtout la Chine et quelques pays du Moyen-Orient, dénoncent les
résolutions de la Commission des droits humains des Nations Unies comme
acte idéologique servant des visées politiques. Pour J. Steans, la mondialisation
du discours des droits humains indique jusqu’à quel degré les frontières du
droit international sont déplacées. Le discours sert également à reposer les
questions de l’universalité des droits et le relativisme culturel.
Si l’on se sert de l’actualité, devenue répétitive, banale même, tout en
gardant son caractère parfois frappant, on ne peut que constater que le
recours conjoncturel dans les discours politiques concernant les droits humains
en général, ceux des femmes et enfants en particulier, est artificiel. La nature
périphérique de la problématique des droits n’est guère rassurante; ils restent
accessoires et tributaires des questions plus pressantes et existentielles comme
la sécurité nationale.
L’adhésion des universitaires à l’une ou l’autre théorie des relations
internationales n’est qu’un moyen d’analyse et de compréhension d’un fait
social. Confronter ceci ressort de la prérogative des politiques. Toute
interrogation sur la mort de la guerre, son utilité et sa nature reste un exercice
partagé. Il est essentiellement intellectuel et méthodologique pour les académiques
; tandis que la responsabilité de déclencher ou non une action violente
demeure le privilège des décideurs politico-militaires de la scène mondiale en
premier lieu. Quoique préoccupante de façon cyclique, la guerre asymétrique
continue son évolution dans l’ombre la guerre inter/intra-étatique.
L’euphorie de l’après-guerre froide passée, après la high politics, il fallait
revenir aux préoccupations politiques et économiques courantes. Violence
globale, guerres, armements et terrorisme27, guerre, paix et violence28, technologie
militaire et stabilité29 sont parmi les thèmes qui s’imposent en force à
l’agenda des politiques ou encore sont imposés par ces derniers à la communauté
des nations.
L’insécurité environnementale ainsi que ses causes et impacts d’ordre
social, politique, économique et écologique sont largement débattus par
27. W.R. DUNCAN, B. JANCAR-WEBSTER et B. SWITKY, « Global Violence. Wars, Weapons, Terrorism
», in op.cit., pp. 389-427.
28. D.S. PAPP, « War, Peace, and Violence », in op. cit., pp. 435-458.
29. R.K. BETTS, « Strategy, Military Technology, Doctrine, and Stability », in op. cit., pp. 375-461.
UNE RELECTURE DES RELATIONS INTERNATIONALES... 289
Lorraine Elliott30, D. Papp31, Duncan, Jancar-Webster et Switky32 et Thomas F.
Homer-Dixon33.
Pour Elliott, la dégradation environnementale est un signe évident des
pratiques économiques de la mondialisation. Les dommages écologiques,
causés par des activités économiques, se produisent à un rythme jamais vu
dans le passé et les changements environnementaux ont des impacts possiblement
irréversibles non seulement sur l’écosystème, mais aussi sur le développement
social et économique des peuples et États. L’auteur qui critique certaines
pratiques économiques du libéralisme, détecte, cependant, une certaine
sensibilité à la question de la justice sociale et la dégradation environnementale
manifestée dans les textes comme le Rapport Brundtland et l’Agenda 21. Après
avoir rappelé les problèmes pressants de déforestation, de désertification et de
la pollution de l’eau, Elliott analyse des « réponses globales » proposées par
les Sommets de Rio et de Kyoto, ainsi que d’autres mesures internationales.
Malgré les efforts de conscientisation, la peur de la perte de souveraineté
nationale et le ralentissement du développement économique continuent
d’empêcher un progrès plus rapide.
John Cooley a étudié la question de l’eau comme source de guerre34.
Écrit en 1984, son article est d’une actualité frappante. Il démontre comment
la consommation des ressources hydrauliques par Israël augmente le risque
de conflit avec le Liban sur l’eau du Litani ; les récents ultimatums du premier
ministre Ariel Sharon, évoquant la possibilité de guerre avec le Liban sur cette
question, démontrent la justesse de l’analyse de Cooley.
Papp étudie la problématique de l’environnement et de la santé et se
pose des questions intéressantes sur le sérieux des problèmes environnementaux,
des possibilités de stopper et de renverser la dégradation environnementale,
l’amélioration de la santé au niveau mondial et la possibilité de réduire le
flux international des stupéfiants.
Duncan, Jancar-Webster et Switky se penchent sur quelques questions
fondamentales relatives à l’environnement mondial et au problème démographique
: Y’a-t-il un problème environnemental global ? Quel rôle ont joué les
révolutions industrielle et scientifique dans ce domaine ? Quel est l’impact des
systèmes sanitaires, des maladies et de la médecine moderne sur la population ?
Quel est l’impact de la technologie sur la planète Terre et les politiques
30. L. ELLIOTT, « The Global Politics of the Environment », in S. LAWSON, op. cit., pp. 109-127.
31. D.S. PAPP, « The Environment and Health », in op. cit., pp. 484-506.
32. W.R. DUNCAN, B. JANCAR-WEBSTER et B. SWITKY, « The Global Environment and the Population
Problem », in op. cit., pp. 577-634.
33. Thomas F. HOMER-DIXON, « Environmental Changes as Causes of Acute Conflict », in R.K.
BETTS, op. cit., pp. 493-507.
34. John K. COOLEY, « The War Over Water », in ibid., pp. 483-492.
290 Houchang HASSAN-YARI
mondiales ? Les questions d’énergie, d’air et d’eau font également partie d’une
liste exhaustive proposée par Duncan, Jancar-Webster et Switky qui relatent
plutôt les événements au lieu d’apporter des éléments de réponse. Cela dit, les
nombreuses cartes, photos, tableaux et graphiques utilisés dans ce livre
présentent un attrait visuel et pédagogique facilitant l’apprentissage.
Thomas F. Homer-Dixon s’interroge sur l’éventualité de l’avènement de
conflit à cause des changements environmentaux. Le déplacement de la
balance du pouvoir entre les États au niveau régional et mondial conduisant à
la guerre, la montée de disparité entre le Nord et le Sud en raison des
changements climatiques, le réchauffement atmosphérique qui rend l’Arctique
et l’Antarctique accessibles, l’appauvrissement de la terre créant des vagues de
réfugiés environnementaux et leur effet déstabilisateur sur la sécurité étatique
et la possibilité de conflit sur les ressources hydrauliques, sont parmi les
mesures que l’auteur identifie comme sources potentielles de conflit notamment
entre et dans les pays pauvres. L’auteur s’intéresse aux effets des changements
climatiques sur la radicalisation dans les pays pauvres, surtout quand ces
derniers sont bien armés et dans un contexte mondial de prolifération des
armes de destruction massive. Homer-Dixon critique ceux qui écartent la
possibilité de confrontation entre le Nord riche et le Sud pauvre sur la base du
seul calcul mathématique selon lequel la supériorité destructrice des capacités
militaires du Nord finit par persuader le Sud de son infériorité ; il est irréfléchi
pour le Nord de miser pour sa sécurité sur l’appauvrissement et le désordre
dans le Sud, rappelle Homer-Dixon.
Conclusion
Le monde évolue dans tous les sens avec une vitesse remarquable. Saisir
le changement exige un travail de recherche et de réflexion continu et la
remise en question des certitudes dépassées par les événements. Dans un
monde obsédé par la vitesse, les forces qui résistent au changement sont
toujours très puissantes. Celles-ci sont plus intéressées au maintien des acquis
de la guerre froide qu’à se poser des questions gênantes sur les sujets qu’elles
jugent négligeables. Il s’agit de la dégradation de l’environnement/ l’habitat
humain, la problématique de la violation des droits humains, la pauvreté, des
effets de la mondialisation sur les sociétés maintenues sous-développées, la
démocratisation des systèmes politiques et la (re-)distribution des richesses,
ainsi que du renforcement de la participation de la société civile dans le
processus décisionnel au niveau national et international.
Depuis le 11 septembre 2001, le combat contre le terrorisme est devenu
la nouvelle idéologie des États qui fuient vers l’avant au lieu de remédier aux
problèmes à l’origine des actes violents. La sécurité de l’État ne sera point
assurée dans un climat où la sécurité individuelle et collective demeure l’objet
de négociation et de répression. Même si de plus en plus de textes raffinés
cherchent à simplifier la compréhension des rapports complexes entre les
États, certains concepts de base en relations internationales doivent être
UNE RELECTURE DES RELATIONS INTERNATIONALES... 291
(re)définis de façon urgente : terrorisme, lutte de libération nationale, légitimité
du pouvoir, protection des individus, prolifération des armes, autorité
internationale, crime de guerre, souveraineté nationale et étatique, etc.
L’effort des observateurs de la scène mondiale pour comprendre, et faire
comprendre, les rapports de plus en plus complexes entre les États, les
communautés, les individus et leur environnement physique et politique
pourrait contribuer à atténuer les effets négatifs et unilatéraux de la mondialisation
en rendant ce processus plus inclusif.










قديم 2012-04-12, 10:45   رقم المشاركة : 6
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مجموعة مقالات عير متاحة إلا عن طريق كلمة السر على مستوى جامعة ليل ............
لتعم الفائدة










قديم 2012-04-12, 10:54   رقم المشاركة : 7
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اسرار البحر
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بارك الله فيك

افدتني جدااا يا طموحه كنت احتاج لهذه المقالات جدااااااااا في عملي ....انها اكثر من رائعة لم اكن اتوقع انني سأمتلكها يوما ....اكاد ابكي من شدة الفرح ...

قرأتها كلمة كلمة سطر سطر جملة جملة .......










قديم 2012-04-12, 12:57   رقم المشاركة : 8
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بارك الله فيك

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العفو .. أنا في الخدمة
مقالات رائعة
لمن يحضر للمسابقات خصوصا الخارجية والمدرسة الوطنية للإدارة والقضاء









قديم 2012-04-12, 13:05   رقم المشاركة : 9
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samir0770
محظور
 
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اود ان اقدم لكم هدا الرابط سيساعدكم كثيرا ان شاء الله يا طموحة .ادعولي بالنجاح فقط

https://www.ifri.org/index.php?page=P...UE%20ETRANGERE










قديم 2012-04-12, 13:26   رقم المشاركة : 10
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شكرا جزيلا
أحاول أن أتحصل على كلمات السر لمجلاات السياسة الخارجية
لأنها في الموقع تعرض بمقابل










قديم 2012-04-12, 13:56   رقم المشاركة : 11
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اليك هدا الرابط بدون كلمة السر او التسجيل ........
https://www.cairn.info/Disc_OuvragesC...S=59&TITRE=ALL










قديم 2012-04-12, 17:16   رقم المشاركة : 12
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شكرا اخي العزيز










 

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