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Article
« Une relecture des relations internationales de post-guerre froide »
Houchang Hassan-Yari
Études internationales, vol. 34, n° 2, 2003, p. 281-291.
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Revue Études internationales, volume XXXIV, no 2, juin 2003
LIVRES
1. Étude bibliographique
Une relecture des relations
internationales de post-guerre froide*
Houchang HASSAN-YARI**
Une clarification d’ordre méthodologique s’impose avant l’entrée dans le
vif du débat. En dépit de la chute du Mur de Berlin et le démantèlement des
régimes de démocraties populaires, les relations au niveau mondial restent
intergouvernementales et non internationales ; celles-ci demeurent un idéal
lointain à atteindre. Contrairement à l’idée surgie au cours des années 60
selon laquelle l’État allait se dissiper devant l’expansion phénoménale des
firmes et banques multinationales, celui-ci surmonte les défis existentiels et
continue d’occuper le centre décisionnel sur l’échiquier mondial. Il exerce
allègrement son monopole de force « légitime » à l’intérieur et fournit un
cadre légal pour l’échange avec le monde extérieur.
* BETTS, Richard K., Conflict After the Cold War. Arguments on Causes of War and Peace, 2e éd.,
New York, Longman, 2002, 567 p. L’ouvrage de Betts est un recyclage annoté des textes
classiques couvrant un vaste éventail d’écrits, des écoles de pensées en relations internationales
aux tensions transnationales en passant par l’économie, l’idéologie et la technologie militaire.
Le livre de John A. VASQUEZ, Classics of International Relations, 2e éd., Englewood Cliffs, New
Jersey, Prentice Hall, 1990, est un autre recueil de textes classiques dans le domaine des
relations internationales.
DUNCAN, W. Raymond, Barbara JANCAR-WEBSTER et Bob SWITKY, World Politics in the 21st
Century, New York, Longman, 2002, 696 p. Ce manuel imposant des relations internationales
reprend les thèmes fondamentaux de la discipline et se préoccupe des questions de l’heure
tels le terrorisme, l’acceptation de la Chine au sein de l’OMC, la question des aliments modifiés
génétiquement, etc.
LAWSON, Stephanie (dir.), The New Agenda for International Relations. From Polarization to
Globalization in World Politics ?, Oxford UK, Blackwell Publishers, 2002, 234 p. Lawson regroupe
plusieurs textes d’universitaires oeuvrant dans différentes disciplines de science sociale et qui
adoptent de plus en plus une perspective internationale et globale dans leurs études.
PAPP, Daniel S., Contemporary International Relations. Frameworks for Understanding, 6e éd.,
New York, Longman, 2002, 535 p. Manuel presque complet, l’ouvrage de Papp analyse tous
les éléments essentiels, classiques et plus modernes, pour comprendre les relations internationales.
** Professeur et directeur du Département de science politique et d’économique du Collège militaire
royal du Canada de Kingston.
282 Houchang HASSAN-YARI
Après les décennies de certitude de la guerre froide et la dissuasion
nucléaire, les rapports inter-étatiques, libérés de la mainmise des superpuissances,
entament une période de turbulence. Les antagonismes ethnique
et tribal éclatent dans plusieurs régions. Ces conflits révèlent la nature artificielle
et prétendument complexe des relations internationales. La dimension
ethnocentrique et tribale des conflits post-guerre froide expose l’inconsistance
dans l’évolution des relations internationales dans deux mondes avec des
intérêts incompatibles : le club restreint des pays surdéveloppés et le reste.
C’est dans ce contexte d’anarchie localisée et contrôlable que plusieurs
observateurs des relations mondiales cherchent à trouver des points de repère
communs et reposent des questions sur les éléments de l’identité des groupements
que l’on pensait compris. Daniel S. Papp analyse les relations internationales
contemporaines et tente de repérer des cadres d’analyse accessibles
pour en faciliter la compréhension1. D’autres formulent des hypothèses sur les
micro-question, oubliées en faveur des macro-problèmes existentiels durant
la guerre froide ; ils reviennent sur les débats désormais classiques de l’identification
des structures et acteurs des relations internationales. Le contexte
l’exigeant, les questions d’ordre national, ethnique et tribal, de la violence
dans certaines de ses formes tels guerre, armes et terrorisme ou encore de la
question des femmes reprennent une place de choix dans l’analyse des relations
internationales. À ces questions s’ajoutent des interrogations sur la pauvreté,
les droits humains, l’environnement et l’explosion démographique2. L’avenir
de la guerre en préoccupe plusieurs qui évoquent l’utilité d’une relecture des
textes devenus désormais classiques pour comprendre mieux la dynamique
des relations internationales depuis la fin de la guerre froide3. Certains observateurs
poussent les limites rigides du cadre d’étude en proposant un nouvel
ordre du jour pour les relations internationales. Ils s’interrogent sur le passage
de la polarisation du système bipolaire à la mondialisation dans la politique
mondiale4.
I – Longévité des théories classiques
Malgré l’affirmation de Dougherty et Pfalzgraff selon laquelle la théorie
des relations internationales change constamment5, on assiste à une remarquable
continuité dans la référence aux paradigmes classiques comme cadre d’analyse
dans la littérature sur les relations internationales. Toutes les recherches
d’innovation et de théorisation tournent autour de la mise à jour des théories
existantes, leur purification ou encore la création de contre-théories. La
permanence des théories classiques et leurs dérivés est un signe des temps. La
1. D.S. PAPP, op. cit.
2. W. Raymond DUNCAN, Barbara JANCAR-WEBSTER et Bob SWITKY, op. cit.
3. Richard K. BETTS, op. cit.
4. Stephanie LAWSON (dir.), op. cit.
5. J.E. DOUGHERTY et R.L. PFALZGRAFF, Contending Theories of International Relations. A Comprehensive
Survey, 4e éd., New York, Longman, 1997, p. 5.
UNE RELECTURE DES RELATIONS INTERNATIONALES... 283
vision réaliste, qui est liée directement à la problématique de puissance et à la
domination universelle des États-Unis, maintient sa suprématie sur les autres
écoles de pensée. Contrairement à la longue vie du duo réaliste-idéaliste,
l’émergence et la courte vie des théories marxiste et de dépendance, populaires
dans le contexte de l’euphorie de décolonisation et de contre-pouvoir de
l’Union soviétique, ne sont que des souvenirs lointains.
La théorie idéaliste est particulièrement malmenée par les conditions
euphoriques de l’après-guerre froide et la consolidation de la puissance américaine.
Les événements du 11 septembre 2001 et la « guerre contre le terrorisme
» ne font que renforcer cette domination massive et le recul des idéaux
plus conciliants dans les relations mondiales.
A — L’école réaliste
L’école réaliste impose sa réalité à la discipline des relations internationales.
L’essence de la doctrine est la notion de power politics ; notion selon
laquelle les États cherchent le pouvoir pour survivre ; que les principes moraux
et légaux qui gouvernent les relations entre les individus au sein d’un État ne
peuvent commander les relations inter-étatiques. De même, les guerres se
produisent à cause de l’absence d’une autorité suprême centrale au sein du
système mondial capable de résoudre pacifiquement les conflits et d’imposer
des pénalités. Les États ne peuvent donc que s’appuyer sur leurs propres
moyens pour se protéger ou pour obtenir leur droit6. Comme dans toute autre
doctrine, le réalisme et son extension, le néoréalisme, ont leur point de
référence historique et contemporain. La Guerre du Péloponnèse de Thucydide,
Le Prince de Machiavel, le Léviathan de Hobbes, The Twenty Year’s Crisis, 1919-
1939. An Introduction to the Study of International Relations de E.H. Carr, Politics
Among Nations de Hans Morgenthau, Paix et guerre entre les nations de Raymond
Aron, The Theory of International Politics et Structural Realism After the Cold War
de Kenneth Waltz7, The Theory of Hegemonic War de Robert Gilpin8 sont parmi
les plus remarquables sources d’approvisionnement pour les disciples de
l’école réaliste à qui R.K. Betts consacre la deuxième partie de son ouvrage qui
contient de larges extraits des textes de ces géants de la question réaliste.
D’autres contributions parviennent de Hedley Bull, Society and Anarchy in
International Relations ; Robert O. Keohane et Joseph S. Nye, Power and Interdependence
et John Mueller, Retreat from Doomsday. The Obsolescence of Major
War. Si pour Bull l’anarchie est le fait central dans la vie internationale et le
6. R.K. BETTS, op. cit., p. 33.
7. International Security, vol. 25, no 1, été 2000.
8. The Journal of Interdisciplinary History, no 18, 1988. À cette liste, qui n’est pas exhaustive, il est
opportun d’ajouter d’autres realpolitikistes tels Reinhold NIEBUHR, Moral Man and Immoral
Society, New York, Charles Scribner’s Sons, 1947 ; George KENNAN, « The Sources of Soviet
Conduct », Foreign Affairs, juillet 1947, pp. 566-582 ; et Henry KISSINGER, Nuclear Weapons
and Foreign Policy, New York, Harper & Row, 1957.
284 Houchang HASSAN-YARI
point de départ dans l’élaboration d’une théorie sur cette même vie9, Keohane
et Nye affirment que la politique internationale, comme toute autre politique,
est une lutte dominée et organisée par la violence pour la conquête du
pouvoir10. En dépit de la confirmation de certains sur le caractère anarchique
des relations internationales contemporaines, il faut rappeler que celles-ci
n’ont jamais été si anarchiques pour autant. Le fait qu’il ait toujours existé une
certaine coopération, certes fragmentée à l’occasion, entre les États ou des
groupes d’États, remet en question la rigueur analytique de la doctrine
réaliste.
Si pour certains « le réalisme classique est centré sur la capacité et la
lutte pour la survie des États en contexte anarchique pur11 », pour d’autres,
notamment Thomas Hobbes, l’importance de l’anarchie dans les théories de
relations internationales est le résultat de l’imposition des idées économiques
libérales12.
Betts rappelle l’argument des tenants du réalisme selon lequel la fin de la
guerre froide devrait confirmer leur théorie au lieu de la remettre en question.
Les adeptes de la tradition libérale offrent une conception des possibilités de
paix très différente de la vision réaliste. La disparition inattendue de l’Union
soviétique et la fin de la guerre froide ont surpris non seulement les soviétologues
mais ont aussi déclenché une virulente polémique entre réalistes et
idéalistes, chaque camp se réclamant de la justesse de son paradigme.
Il n’y a pas de doute que depuis le 11 septembre la politique dominante
à l’échelle mondiale est lourdement réaliste. Tout porte à croire que les
faucons de Washington poursuivent le renforcement de la stabilité hégémonique
de l’« hyper-puissance » dans un environnement stratégique très favorable. La
théorie de la stabilité hégémonique allègue que la stabilité économique et
politique dans le monde ou dans une région donnée exige la présence d’une
puissance dominante. « Seul le pouvoir peut arrêter le pouvoir », affirme le
réalisme. Les événements du 11 septembre ont conforté la vision réaliste sur le
caractère anarchique de la communauté internationale et l’inévitabilité de la
guerre13. La réalité du monde de l’après 11 septembre illustre bien que dans la
croyance de l’équilibre des forces, il faut un équilibre positif ; un équilibre
opérationnel selon les règles du jeu à somme nulle : une puissance qui gagne
au détriment des autres ! Préoccupée par le high politics et le macro-événementiel,
l’école réaliste se consacre peu aux événements à l’intérieur des États.
D’après le néoréalisme, l’État demeure l’acteur principal du jeu mondial.
Cependant, l’objectif primordial de l’État n’est pas la puissance mais la survie
9. H. BULL, op. cit., pp. 110-120.
10. R.O. KEOHANE et J.S. NYE, op. cit., pp. 121-127.
11. Charles-Philippe DAVID, La guerre et la paix. Approches contemporaines de la sécurité et de
la stratégie, Paris, Presses de Sciences Po, 2000, p. 39.
12. Nicholas GREENWOOD ONUF, World of our Making. Rules and Rule in Social Theory and
International Relations, Columbia, South Carolina, University of South Carolina Press, 1989.
13. W.R. DUNCAN, B. JANCAR-WEBSTER et B. SWITKY, op. cit., p. 27.
UNE RELECTURE DES RELATIONS INTERNATIONALES... 285
dans un environnement anarchique. La différence essentielle entre les États
n’est pas d’avoir des objectifs différents ; elle réside dans leurs différentes
capacités d’influencer le cours des événements internationaux. Les néo/réalistes
cohabitaient bien avec l’URSS dans le contexte de la guerre froide où la guerre
nucléaire a été empêchée à travers la realpolitik de la destruction mutuelle
assurée. C’était donc la peur qui dictait le comportement des superpuissances
sur l’échiquier mondial. La fin de la guerre froide brouille les cartes et amène
instabilité et insécurité d’une autre nature. Mais, comme il fallait s’y attendre,
l’État maintient, et renforce jusqu’à un certain degré, sa place d’acteur incontournable
sur la scène mondiale14.
D.S. Papp15 étudie l’évolution du système de l’État moderne depuis le
Traité de Westphalie en 1648 jusqu’à présent. Après avoir examiné deux
expansions d’empires européens, traduites par la colonisation des territoires
non-européens, il identifie trois vagues de prolifération d’États : a) 1870-
1930, le nombre d’États européens passe de 15 à 35 ; b) 1945-199016, cette
période de décolonisation coïncide avec la chute des vieux empires coloniaux
et l’augmentation phénoménale du nombre d’États (de 54 à 170) ; c) la
troisième prolifération a lieu quand certains États en Europe de l’Est et
l’Union soviétique se décomposent et donnent ainsi lieu à l’émergence de 21
nouveaux États indépendants. Ce processus de dissolution/reconstruction et
de prolifération continue. La prolifération de la structure étatique ne signifie
guère l’importation de la culture et la façon de faire de l’État à l’européenne.
L’État-nation, modèle importé d’Europe, demeure un projet inachevé dans les
régions du Tiers-Monde où l’État unitaire et la nation fonctionnelle sont à
construire.
B — La théorie idéaliste
À l’opposé des théories néo/réalistes qui se nourrissent des conflits,
l’école idéaliste fleurit dans les périodes d’optimisme. R.K. Betts reconnaît
l’existence de trois variantes générales de la théorie libérale concernant la
coopération internationale : l’économie, la politique interne et l’institutionnalisme
néo-libéral. « Libéral » dans ce contexte décrit une large tradition
philosophique qui évoque les valeurs de la liberté politique et économique
individuelle ainsi que le marché libre des idées et entreprises. Les concepts
idéalisme et internationalisme libéral sont parfois utilisés de façon interchangeable,
suivi par le terme utopisme, employé de manière péjorative par
certains critiques de l’idéalisme17.
14. Ibid., p. 29.
15. D.S. PAPP, op. cit., chap. 2, pp. 35-64.
16. Pour une étude sur le développement historique de l’État et la souveraineté du système
étatique, voir Stephanie LAWSON, « After the Fall. International Theory and the State », in
Stephanie LAWSON, op. cit., pp. 204-222.
17. Alex MACLEOD, Evelyne DUFAULT et F. Guillaume DUFOUR (dir.), Relations internationales.
Théories et concepts, Outremont, Québec, Éditions Athéna, 2002, p. 72.
286 Houchang HASSAN-YARI
Betts commence la reproduction des textes majeurs de grands tenants de
l’idéalisme par Kant qui ouvre le débat avec son écrit classique Projet de paix
perpétuelle. À l’instar des religions dualistes orientales, notamment le Zoroastrisme,
Kant croit que l’être humain apprend de ses erreurs, et dans la lutte
perpétuelle entre l’instinct et la raison, celle-ci triomphe enfin, de la même
façon que Ahura Mazda (Divinité) l’emporte sur Ahriman (Satan). Kant
reconnaît l’existence d’une constitution républicaine et d’un système de droit
international fondé sur la fédération des États libres comme la fondation d’une
paix perpétuelle18.
À la lumière de la lecture des textes recensés, il est permis d’affirmer que
le processus décisionnel en matière de politique étrangère est plus ou moins
similaire dans toutes les écoles de pensée, y compris les paradigmes réaliste et
idéaliste. Le processus décisionnel se résume en un nombre d’actions qu’un
État doit entreprendre en vue de formuler et d’implanter sa politique étrangère.
Comme D. Papp19 l’indique, différents États choisissent différents processus
dans le domaine de la politique étrangère. Les agents d’implantation d’une
telle politique varient selon les cas et les circonstances. Certains États accordent
un rôle à certaines agences gouvernementales dans le domaine décisionnel
tandis que d’autres pourraient avoir un système plus centralisé et fermé.
II – Clashologie20 ou conflits de valeur
Le texte de S. Huntington sur le choc des civilisations21 a suscité une
énorme réaction partout dans le monde. La présence de conflits dans la
pensée huntingtonienne révèle la parenté entre son texte et l’école réaliste.
Cependant, l’importance capitale et grandissante de ce texte justifie son
traitement séparé et nous amène à étudier la problématique de la clashologie
en dehors du cadre des écoles classiques. Écrit avec beaucoup de soin, le texte
est une des oeuvres politiques contemporaines les plus commentées et
dénoncées par la majorité des critiques. Exemple représentatif du réalisme
américain, il est valorisé par les réalistes rigides installés à Washington. La
décision de l’ONU de déclarer 2001 l’année du « Dialogue entre les civilisations »
après que Mohammad Khatami, le président de la République islamique
d’Iran, a proposé l’idée devant l’Assemblée générale en 1999, révèle le
mé*******ement massif de la communauté des États face à la substitution du
communisme par l’Islam comme ennemi. M. Khatami voulait démontrer la
volonté des musulmans, au nom de l’Islam, de dialoguer avec les autres
18. Immanuel KANT, « Perpetual Peace », in R.K. BETTS, op. cit., pp. 103-106.
19. D. S. PAPP consacre le sixième chapitre de son ouvrage au processus décisionnel. Il s’intitule
« Foreign Policy Decision Making », in op. cit., pp. 140-164.
20. Composée de clash et idéologie, clashologie signifie le choc des idéologies, des cultures, des
systèmes de valeur et des civilisations. La thèse de Huntington se voit élevée à la position
prééminente de croyance religieuse pour les clashistes depuis le 11 septembre 2001.
21. Samuel HUNTINGTON, The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order, New York,
Simon & Shuster, 1996.
UNE RELECTURE DES RELATIONS INTERNATIONALES... 287
civilisations, y compris l’Occident, sur la base du respect mutuel et de la
compréhension réciproque.
Fred Halliday22 réfute la thèse belliqueuse de Huntington sur l’inévitabilité
de la confrontation entre le monde musulman et l’ère civilisationnelle
occidentale23. Selon Halliday, les cultures paranoïaques ont une composante
et des causes historiques, mais leur résurgence dans le monde post 1989
reflète des facteurs contemporains et transnationaux. D’une part, le contexte
dans lequel des questions d’intérêt national, comme l’immigration notamment,
sont confondues avec des politiques internationales, et, d’autre part, un climat
intellectuel dans lequel des prétentions sans borne, même globales, sont faites
sans recourir à une vision empirique ou historique des faits24. Halliday ne
croit pas à la validité de la thèse de Huntington. De plus, ce dernier a omis de
prendre en compte le nombre de conflits à l’intérieur du monde islamique
entre les musulmans eux-mêmes.
III – Mondialisation et questions non conventionnelles
La fin de la guerre froide et le processus contemporain de la mondialisation
ont créé un contexte favorable dans lequel il est désormais permis de se
pencher sur des sujets négligés, mais importants. La mondialisation, souvent
limitée à son aspect économique, est multidimensionnelle et complexe. Le
respect des droits humains25 et les questions environnementales font partie de
cet ensemble. L’hypothèque de la confrontation Est-Ouest levée, la question
« périphérique » des droits humains prend l’avant-scène. Une relecture plus
libérale du Préambule de la Charte des Nations Unies en faveur des doits
individuels remet en question l’invincibilité de la primauté de la raison d’État
sur toute autre considération. La sécurité humaine devient à la mode, même si
les États accusés restent toujours les mêmes, d’ailleurs comme les accusateurs.
Jill Steans26 affirme qu’avant 1989, les droits humains ont été utilisés comme
une arme idéologique ou un moyen de la politique étrangère par les États-
22. F. HALLIDAY, « Transnational Paranoia and International Relations. The Case of the ‘West
versus Islam’ », in S. LAWSON, op. cit., pp. 37-53. Cet article a été écrit avant les événements du
11 septembre 2001. L’article de F. Halliday paraît dans une partie de l’ouvrage collectif dirigé
par Lawson intitulée « New Issues ». Même si Halliday a écrit son texte avant le 11 septembre
2001, il est utile de rappeler que l’identification d’ennemis est une pratique relativement
ancienne dans la formulation de la politique étrangère des États-Unis.
23. Pour une critique de cet aspect de la thèse de choc, voir Houchang HASSAN-YARI, « Inter-
Islamic Clash and the Western Response », in Jim HANSON et Peter HAMMERSCHMIDT (dir.),
Canadian Strategic Forecast 1998. World 2000. Conflict, Chaos or Civilization ?, Toronto, The
Canadian Institute of Strategic Studies, 1998, pp. 37-45.
24. F. HALLIDAY, op. cit., p. 51.
25. Pour une analyse de l’interaction droits humains-conflit dans la littérature française, voir
Philippe Moreau DEFARGES, Relations internationales, tome 2, coll. Questions mondiales,
Paris, Éditions du Seuil, 1994, pp. 213-240.
26. J. STEANS, « Globalization and the Discourse of Women’s Human Rights. Transgressing
Boundaries in a Post-Cold War World » in Stephanie LAWSON, op. cit., pp. 55-70.
288 Houchang HASSAN-YARI
Unis contre l’Union soviétique et ses États satellites ; cela semblait justifier
davantage leur marginalisation dans l’étude des relations internationales. La
critique concernant le recours utilitaire au concept des droits ne se limite pas
à la période de guerre froide. En fait, depuis la victoire de l’Occident,
notamment des États-Unis, sur « l’empire du mal », certains pays du Tiers-
Monde, surtout la Chine et quelques pays du Moyen-Orient, dénoncent les
résolutions de la Commission des droits humains des Nations Unies comme
acte idéologique servant des visées politiques. Pour J. Steans, la mondialisation
du discours des droits humains indique jusqu’à quel degré les frontières du
droit international sont déplacées. Le discours sert également à reposer les
questions de l’universalité des droits et le relativisme culturel.
Si l’on se sert de l’actualité, devenue répétitive, banale même, tout en
gardant son caractère parfois frappant, on ne peut que constater que le
recours conjoncturel dans les discours politiques concernant les droits humains
en général, ceux des femmes et enfants en particulier, est artificiel. La nature
périphérique de la problématique des droits n’est guère rassurante; ils restent
accessoires et tributaires des questions plus pressantes et existentielles comme
la sécurité nationale.
L’adhésion des universitaires à l’une ou l’autre théorie des relations
internationales n’est qu’un moyen d’analyse et de compréhension d’un fait
social. Confronter ceci ressort de la prérogative des politiques. Toute
interrogation sur la mort de la guerre, son utilité et sa nature reste un exercice
partagé. Il est essentiellement intellectuel et méthodologique pour les académiques
; tandis que la responsabilité de déclencher ou non une action violente
demeure le privilège des décideurs politico-militaires de la scène mondiale en
premier lieu. Quoique préoccupante de façon cyclique, la guerre asymétrique
continue son évolution dans l’ombre la guerre inter/intra-étatique.
L’euphorie de l’après-guerre froide passée, après la high politics, il fallait
revenir aux préoccupations politiques et économiques courantes. Violence
globale, guerres, armements et terrorisme27, guerre, paix et violence28, technologie
militaire et stabilité29 sont parmi les thèmes qui s’imposent en force à
l’agenda des politiques ou encore sont imposés par ces derniers à la communauté
des nations.
L’insécurité environnementale ainsi que ses causes et impacts d’ordre
social, politique, économique et écologique sont largement débattus par
27. W.R. DUNCAN, B. JANCAR-WEBSTER et B. SWITKY, « Global Violence. Wars, Weapons, Terrorism
», in op.cit., pp. 389-427.
28. D.S. PAPP, « War, Peace, and Violence », in op. cit., pp. 435-458.
29. R.K. BETTS, « Strategy, Military Technology, Doctrine, and Stability », in op. cit., pp. 375-461.
UNE RELECTURE DES RELATIONS INTERNATIONALES... 289
Lorraine Elliott30, D. Papp31, Duncan, Jancar-Webster et Switky32 et Thomas F.
Homer-Dixon33.
Pour Elliott, la dégradation environnementale est un signe évident des
pratiques économiques de la mondialisation. Les dommages écologiques,
causés par des activités économiques, se produisent à un rythme jamais vu
dans le passé et les changements environnementaux ont des impacts possiblement
irréversibles non seulement sur l’écosystème, mais aussi sur le développement
social et économique des peuples et États. L’auteur qui critique certaines
pratiques économiques du libéralisme, détecte, cependant, une certaine
sensibilité à la question de la justice sociale et la dégradation environnementale
manifestée dans les textes comme le Rapport Brundtland et l’Agenda 21. Après
avoir rappelé les problèmes pressants de déforestation, de désertification et de
la pollution de l’eau, Elliott analyse des « réponses globales » proposées par
les Sommets de Rio et de Kyoto, ainsi que d’autres mesures internationales.
Malgré les efforts de conscientisation, la peur de la perte de souveraineté
nationale et le ralentissement du développement économique continuent
d’empêcher un progrès plus rapide.
John Cooley a étudié la question de l’eau comme source de guerre34.
Écrit en 1984, son article est d’une actualité frappante. Il démontre comment
la consommation des ressources hydrauliques par Israël augmente le risque
de conflit avec le Liban sur l’eau du Litani ; les récents ultimatums du premier
ministre Ariel Sharon, évoquant la possibilité de guerre avec le Liban sur cette
question, démontrent la justesse de l’analyse de Cooley.
Papp étudie la problématique de l’environnement et de la santé et se
pose des questions intéressantes sur le sérieux des problèmes environnementaux,
des possibilités de stopper et de renverser la dégradation environnementale,
l’amélioration de la santé au niveau mondial et la possibilité de réduire le
flux international des stupéfiants.
Duncan, Jancar-Webster et Switky se penchent sur quelques questions
fondamentales relatives à l’environnement mondial et au problème démographique
: Y’a-t-il un problème environnemental global ? Quel rôle ont joué les
révolutions industrielle et scientifique dans ce domaine ? Quel est l’impact des
systèmes sanitaires, des maladies et de la médecine moderne sur la population ?
Quel est l’impact de la technologie sur la planète Terre et les politiques
30. L. ELLIOTT, « The Global Politics of the Environment », in S. LAWSON, op. cit., pp. 109-127.
31. D.S. PAPP, « The Environment and Health », in op. cit., pp. 484-506.
32. W.R. DUNCAN, B. JANCAR-WEBSTER et B. SWITKY, « The Global Environment and the Population
Problem », in op. cit., pp. 577-634.
33. Thomas F. HOMER-DIXON, « Environmental Changes as Causes of Acute Conflict », in R.K.
BETTS, op. cit., pp. 493-507.
34. John K. COOLEY, « The War Over Water », in ibid., pp. 483-492.
290 Houchang HASSAN-YARI
mondiales ? Les questions d’énergie, d’air et d’eau font également partie d’une
liste exhaustive proposée par Duncan, Jancar-Webster et Switky qui relatent
plutôt les événements au lieu d’apporter des éléments de réponse. Cela dit, les
nombreuses cartes, photos, tableaux et graphiques utilisés dans ce livre
présentent un attrait visuel et pédagogique facilitant l’apprentissage.
Thomas F. Homer-Dixon s’interroge sur l’éventualité de l’avènement de
conflit à cause des changements environmentaux. Le déplacement de la
balance du pouvoir entre les États au niveau régional et mondial conduisant à
la guerre, la montée de disparité entre le Nord et le Sud en raison des
changements climatiques, le réchauffement atmosphérique qui rend l’Arctique
et l’Antarctique accessibles, l’appauvrissement de la terre créant des vagues de
réfugiés environnementaux et leur effet déstabilisateur sur la sécurité étatique
et la possibilité de conflit sur les ressources hydrauliques, sont parmi les
mesures que l’auteur identifie comme sources potentielles de conflit notamment
entre et dans les pays pauvres. L’auteur s’intéresse aux effets des changements
climatiques sur la radicalisation dans les pays pauvres, surtout quand ces
derniers sont bien armés et dans un contexte mondial de prolifération des
armes de destruction massive. Homer-Dixon critique ceux qui écartent la
possibilité de confrontation entre le Nord riche et le Sud pauvre sur la base du
seul calcul mathématique selon lequel la supériorité destructrice des capacités
militaires du Nord finit par persuader le Sud de son infériorité ; il est irréfléchi
pour le Nord de miser pour sa sécurité sur l’appauvrissement et le désordre
dans le Sud, rappelle Homer-Dixon.
Conclusion
Le monde évolue dans tous les sens avec une vitesse remarquable. Saisir
le changement exige un travail de recherche et de réflexion continu et la
remise en question des certitudes dépassées par les événements. Dans un
monde obsédé par la vitesse, les forces qui résistent au changement sont
toujours très puissantes. Celles-ci sont plus intéressées au maintien des acquis
de la guerre froide qu’à se poser des questions gênantes sur les sujets qu’elles
jugent négligeables. Il s’agit de la dégradation de l’environnement/ l’habitat
humain, la problématique de la violation des droits humains, la pauvreté, des
effets de la mondialisation sur les sociétés maintenues sous-développées, la
démocratisation des systèmes politiques et la (re-)distribution des richesses,
ainsi que du renforcement de la participation de la société civile dans le
processus décisionnel au niveau national et international.
Depuis le 11 septembre 2001, le combat contre le terrorisme est devenu
la nouvelle idéologie des États qui fuient vers l’avant au lieu de remédier aux
problèmes à l’origine des actes violents. La sécurité de l’État ne sera point
assurée dans un climat où la sécurité individuelle et collective demeure l’objet
de négociation et de répression. Même si de plus en plus de textes raffinés
cherchent à simplifier la compréhension des rapports complexes entre les
États, certains concepts de base en relations internationales doivent être
UNE RELECTURE DES RELATIONS INTERNATIONALES... 291
(re)définis de façon urgente : terrorisme, lutte de libération nationale, légitimité
du pouvoir, protection des individus, prolifération des armes, autorité
internationale, crime de guerre, souveraineté nationale et étatique, etc.
L’effort des observateurs de la scène mondiale pour comprendre, et faire
comprendre, les rapports de plus en plus complexes entre les États, les
communautés, les individus et leur environnement physique et politique
pourrait contribuer à atténuer les effets négatifs et unilatéraux de la mondialisation
en rendant ce processus plus inclusif.