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CONVENTION SUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DES INFRACTIONS CONTRE LES PERSONNES JOUISSANT D’UNE PROTECTION INTERNATIONALE, Y COMPRIS LES AGENTS DIPLOMATIQUES
Par Sir Michael Wood Membre (Senior Fellow) du Lauterpacht Centre for International Law Université de Cambridge
La Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y compris les agents diplomatiques (également connue sous le nom de « Convention sur la protection des diplomates ») a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 14 décembre 1973. Elle s’inscrit dans le cadre d’une série de conventions « sectorielles » sur la lutte contre le terrorisme, qui ont été négociées dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies et de ses institutions spécialisées. Ce texte a été élaboré sur la base des principaux instruments de codification des règles relatives aux privilèges et aux immunités tels que les Conventions de Vienne sur les relations diplomatiques et les relations consulaires. Déjà en février 1971, l’Organisation des États américains avait adopté une convention sur le sujet, qui avait été négociée à la suite d’une vague d’enlèvements et d’assassinats d’agents diplomatiques ayant débuté à la fin des années 60, notamment l’assassinat de l’Ambassadeur de la République fédérale d’Allemagne, M. von Spreti, au Guatemala. Des conventions sectorielles ont généralement été adoptées en réponse à des incidents tels que le détournement ou le sabotage d’aéronefs, des attaques contre la navigation, etc.
La Convention a été élaborée en deux ans seulement, résultat de l’étroite coopération entre la Commission du droit international (CDI) et la Sixième Commission (juridique) de l’Assemblée générale des Nations Unies. La Convention est une initiative de la CDI qui, à sa session de 1971 a décidé, sur la proposition d’un de ses membres, Richard D. Kearney (États-Unis), que, si l’Assemblée en faisait la demande, elle rédigerait des projets d’articles portant sur l’assassinat, l’enlèvement et les attaques de diplomates et autres personnes ayant droit à une protection spéciale en vertu du droit international. Par la suite, l’Assemblée a prié la Commission d’élaborer ces articles, ce qu’elle a fait avec diligence à sa session suivante en 1972, sans recourir à la procédure habituelle consistant à nommer un rapporteur spécial. Au lieu de cela, le membre japonais de la CDI, Senjin Tsuruoka, a présidé un groupe de travail. Après avoir entamé l’examen de la question dans le courant de l’année, la Sixième Commission a mené à bien la phase des négociations intergouvernementales au cours de sa session ordinaire de 1973, le majeure partie des travaux étant réalisée par un groupe de rédaction de la Sixième Commission. Cela suivait le précédent établi lors des négociations de la Convention de 1969 sur les missions spéciales et annonçait la procédure qui serait appliquée pour plusieurs conventions suivantes, dont la plus récente a été la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens de 2004.
Une difficulté particulière s’est posée (comme cela a été le cas avec les autres conventions de lutte contre le terrorisme, en particulier la convention générale qui doit encore être conclue) quant à la question des mouvements de libération nationale. La solution qui a finalement été trouvée consistait à inclure un paragraphe
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dans la résolution portant adoption de la convention (par exemple, la résolution 3166 (XXVIII), dans laquelle l’Assemblée a estimé que les dispositions de la Convention « ne pouvaient en aucun cas porter préjudice à l’exercice du droit légitime à l’autodétermination et à l’indépendance, conformément aux buts et principes de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, par les peuples luttant contre le colonialisme, la domination étrangère, l’occupation étrangère, la discrimination raciale et l’apartheid »). Cette formule était acceptable car on pouvait l’interpréter comme ne visant à autoriser aucune exception à la responsabilité pénale pour les infractions visées dans la Convention, ni à limiter en aucune façon les obligations assumées par les États parties à ladite Convention. Exceptionnellement, l’Assemblée a décidé que la résolution devrait être publiée conjointement avec la Convention.
Le texte de la Convention suit de près le modèle établi par la Convention de La Haye de 1970 et la Convention de Montréal de 1971, qui ont toutes deux été établies dans le cadre de l’Organisation de l’aviation civile internationale. À l’exemple de ces instruments, il est fondé sur le principe « extrader ou poursuivre » (aut dedere aut judicare) – qui est actuellement (en 2008) examiné par la Commission du droit international. Les projets d’articles rédigés en 1972 s’écartaient en fait largement des précédents, et la tendance qui s’est dégagée tout au long des travaux de la Sixième Commission visait à rapprocher le régime de la nouvelle Convention de celui des conventions de La Haye et de Montréal. Les conventions de lutte contre le terrorisme qui ont été adoptées par la suite ont généralement suivi ce modèle.
La Convention, dans sa principale disposition, exige qu’une personne soupçonnée d’avoir commis certaines agressions graves contre des diplomates ou d’autres « personnes jouissant d’une protection internationale » soit extradée ou que l’affaire soit soumise aux autorités compétentes pour l’exercice de poursuites pénales (art. 7). Les États doivent établir leur compétence aux fins de connaître des infractions prévues à l’article 2 de la Convention (qui seront nécessairement des infractions de droit commun) dans certains cas (art. 3). Ils doivent en outre collaborer à la prévention de ces infractions et communiquer les informations dont ils disposent aux autres États (art. 4 et 5) et doivent veiller à ce que les auteurs présumés de l’infraction soient présents sur leur territoire aux fins de la poursuite ou de l’extradition (art. 6). La Convention prévoit de faciliter l’extradition mais ne supprime pas l’exception à l’extradition en cas d’infraction politique lorsque celle-ci existe dans le droit interne (art. 8). (C’est le thème de la Convention européenne pour la répression du terrorisme, qui a été adoptée plus tard, en 1977). Elle prévoit en outre que les États s’accordent l’entraide judiciaire (art. 10) et contient une disposition rigoureusement circonscrite sur l’asile (art. 12).
L’expression « personne jouissant d’une protection internationale » est nouvelle et n’a pas de signification particulière lorsqu’elle est employée en dehors du contexte de la Convention. Il s’agissait d’englober toute personne ayant droit en vertu du droit international à une protection spéciale contre toute atteinte à sa personne, sa liberté ou sa dignité, ce qui suit le libellé de l’article 29 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et des articles correspondants d’autres conventions portant sur les privilèges et les immunités. La définition énoncée à l’article premier englobe expressément les chefs d’État, les chefs de gouvernement et les ministres des affaires étrangères, réaffirmant ainsi la position Copyright © United Nations, 2008. All rights reserved
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particulière de ces trois représentants de l’État (cf. art. 7 de la Convention de Vienne sur le droit des traités et art. 21 de la Convention sur les missions spéciales).
Dans l’affaire relative à Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France) portée devant la Cour internationale de Justice, le requérant a invoqué la Convention à l’appui de sa requête, en soutenant qu’en adressant des convocations à témoigner au Chef d’État de Djibouti et à de hauts fonctionnaires de ce pays, le défendeur avait violé l’obligation de prévenir les atteintes à la personne, la liberté et la dignité d’une personne jouissant d’une protection internationale. La Cour a toutefois relevé « que la Convention de 1973 a pour objet la prévention des infractions graves contre les personnes jouissant d’une protection internationale et la poursuite pénale des auteurs présumés de ces infractions. Elle n’est pas applicable, en conséquence, à la question spécifique de l’immunité de juridiction à l’égard d’une convocation à témoigner adressée à certaines personnes dans le cadre d’une instruction pénale, et la Cour ne peut la prendre en considération dans cette affaire ». (Arrêt du 4 juin 2008, par. 159.)
Les clauses finales de la Convention contiennent quelques points intéressants. La disposition relative au règlement des différends, qui figure à l’article 13, autorise les États à ne pas se considérer liés, mais plusieurs réserves à cet effet ont été retirées après la fin de la guerre froide. L’article 14 prévoit que la Convention sera ouverte à la signature de « tous les États ». On s’écartait ainsi pour la première fois de la « formule de Vienne » (spécifiant quels États étaient habilités à devenir parties à la convention en question) et le texte était accompagné d’un accord entre les membres de l’Assemblée (applicable à tous les traités), selon lequel il était entendu que « le Secrétaire général en s’acquittant de ses fonctions de dépositaire d’une convention contenant la clause “tous les États” suivrait la pratique de l’Assemblée générale dans l’application de cette clause et que, chaque fois que cela serait opportun, il solliciterait l’avis de l’Assemblée avant de recevoir une signature ou un instrument de ratification ou d’adhésion ».
Au 25 mai 2008, la Convention sur la protection des diplomates comptait 168 États parties, ce qui représente un succès certain du point de vue de la participation. Un nombre important d’États y ont adhéré ces dernières années, probablement dans le cadre de la tendance, encouragée par l’Assemblée générale, à accepter les conventions de lutte contre le terrorisme, après l’attentat terroriste perpétré contre le World Trade Centre à New York, le 11 septembre 2001. La Convention s’inscrit dans le cadre de la réaction « répressive » de la communauté internationale face au terrorisme. Ce fléau avait sévi dans les années 60 et 70, mais la lutte antiterroriste n’avait pas encore atteint l’ampleur de ces dernières décennies, avec l’adoption de mesures par le Conseil de sécurité au titre du Chapitre VII et, à l’occasion, l’utilisation de la force armée aux fins de lutter contre le terrorisme (« la guerre mondiale contre le terrorisme »). Comme la plupart des conventions de lutte contre le terrorisme, elle présentait un intérêt plus symbolique que pratique. Elle a parfois été invoquée devant la Cour internationale de Justice et appliquée par des tribunaux nationaux. En 1980, l’Assemblée générale a institué des procédures relatives à l’établissement de rapports, en vertu desquelles les États sont tenus de rendre compte des mesures qu’ils ont prises pour améliorer la protection et la sécurité des diplomates et des missions et représentants consulaires, ainsi que des missions et représentants auprès d’organisations internationales et des représentants de ces organisations (résolution 35/168 de l’Assemblée générale en date du 15 décembre 1980). Ces procédures sont toujours en vigueur. Les attaques contre des personnes
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jouissant d’une protection internationale se poursuivent et se sont même étendues aux membres du personnel de l’ONU (comme cela a été le cas de façon particulièrement tragique avec le bombardement de la Mission des Nations Unies à Bagdad, le 19 août 2003). C’est pourquoi la Convention conserve toute son importance.
Documentation
A. Instruments juridiques
Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, Vienne, 14 avril 1961, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 500, p. 95
Convention de Vienne sur les relations consulaires, Vienne, 22 avril 1963, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 596, p. 261
Convention sur les missions spéciales, New York, 8 décembre 1969, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1400, p. 231
Convention de Vienne sur le droit des traités, Vienne, 23 mai 1969, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1155, p. 331
Convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs, La Haye, 16 décembre 1970, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 860, p. 105
Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile, Montréal, 23 septembre 1971, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 974, p. 177
Convention européenne pour la répression du terrorisme, Strasbourg, 27 janvier 1977, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1137, p. 93
B. Jurisprudence
Cour internationale de Justice, Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France), arrêt du 4 juin 2008
C. Documents
Annuaire de la Commission du droit international 1972, vol. II, p. 309 et suiv.
D. Doctrine
J. Craig Barker, The Protection of Diplomatic Personnel, Hampshire, Ashgate Publishing Limited, 2006
E. Denza, Diplomatic law, 3rd ed., Oxford, Oxford University Press, 2008, pp. 258-263.
A. B. Green, “Convention on the Prevention and Punishment of Crimes Against Diplomatic Agents and Other Internationally Protected Persons: An Analysis”, Virginia Journal of International Law, vol. 14, 1973-1974, pp. 703-728.
F. Przetacznik, “Convention on the prevention and punishment of crimes against internationally protected persons”, Revue de droit international, de sciences diplomatiques et politiques, vol. 52, 1974, pp. 208-247. Copyright © United Nations, 2008. All rights reserved
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M. C. Wood, “The Convention on the Prevention and Punishment of Crimes against Internationally Protected Persons, including Diplomatic Agents”, International and Comparative Law Quarterly, vol. 23, 1974, pp. 791-817 [and articles referred to at n. 2].
A. D. Watts, The International Law Commission, 1949-1998, vol. I, Oxford, Oxford University Press, 1999.
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