La coopération interétatique
On terminera en présentant la coopération internationale entre les Etats qui se traduit par la mise en place d’organismes destinés à gérer certains domaines d’action communs. Le statut de ces organismes résulte d’un traité et le droit produit par ces organismes est distinct du droit interne des Etats. En conséquences, les souverainetés nationales sont préservées et aucun Etat nouveau n’est créé au-dessus des Etats. On parle alors de confédérations d’Etats. Cependant, comme dans le cas de l’Union européenne, la coopération interétatique est si poussée dans certains domaines (économiques, monétaires) qu’on aboutit à un système mixte en partie fédéral et confédéral.
1. La confédération
2. Le cas de l'Union européenne
1. La confédération
La confédération se présente comme l'association d'États unitaires ou fédérés qui acceptent de gérer ensemble certaines compétences grâce à des organes communs. Ils forment une alliance dans un but de coopération dans des domaines plus ou moins fondamentaux (économie, militaire...). En aucun cas, le ou les organes communs ne constituent un autre État ni du point de vue interne (pour les individus membres des États confédérés), ni point de vue externe (pour les autres États sur la scène internationale).
1) origine
Les confédérations modernes sont apparues au 18ème et 19ème siècles ; elles étaient fondées sur une identité ou solidarité nationale qui ne pouvait s'exprimer par la création d'un seul État (État unitaire/fédéral). Exemples :
- la confédération des États-Unis de l'Amérique du nord (1778-1787)
- la confédération germanique (1815/1886).
Ces confédérations, en tant que formes transitoires ont disparu assez vite lorsqu'elles ont pu déboucher sur la création d'un seul État. Ex : 1787 pour les États-Unis et 1871 Pour l'Allemagne.
Les confédérations modernes (celles du 20e siècle) sont fondées plutôt sur une solidarité d'intérêts (intérêts économiques, politiques...). Elles sont méconnues car en trop grand nombre, créées à l'occasion de la conclusion de nombreux traités internationaux. On peut citer parmi les plus célèbres le Commonwealth, dernier vestige de l'Empire colonial anglais, l'OTAN, la CEE (à laquelle a succédé l’UE en 1992)), etc. Parmi les plus récentes, la Sénégambie (1982) qui a disparu depuis, la CEI qui s'est substituée à la fédération de l'URSS et demain peut être l'alliance entre Bohème Moravie et Slovaquie, le Canada et le Québec...
2) caractéristiques
1. le lien de droit qui unit ces États et précise les compétences des organes communs confédéraux n'est pas une Constitution mais un traité. Cela manifeste bien que les États ont conservé leur pouvoir d’État et restent indépendants.
2. les organes communs sont composés de simples délégués des États qui n'ont donc aucun pouvoir de décision propre ; ils doivent constamment référer à leurs États respectifs. Leur vote lors de la prise de décision se fait à l'unanimité. Cela permet de ne pas passer outre l'avis d'un État qui détient en conséquence un droit de veto.
3. les décisions prises par les organes communs ne sont pas applicables directement sur les territoires des différends États confédérés. Elles doivent faire l'objet d'une autorisation ou d'une ratification interne sans lesquelles elles n'ont pas de valeur juridique dans l'ordre interne des États.
4. les différents États peuvent sortir facilement de l'alliance ou de l'association
Nota : le cas de la Suisse. La Suisse est bien une fédération même si le terme de confédération est utilisé dans sa nouvelle Constitution pour désigner le pouvoir central (ou fédéral).
2. Le cas de l'Union européenne
Sources : G. Isaac, Droitcommunautaire, Masson et B. Chantebout, Droit constitutionnel, Colin.
On peut s'interroger sur la nature de l'Union européenne, notamment depuis l’adoption du traité de Maastricht en 1992. Confédération ou fédération ? La réponse semble si difficile à donner que certains auteurs ont créé une catégorie sui generis pour l’Union européenne. Par exemple, P. Pactet utilise la notion d’« organisation supranationale ». On peut considérer que l’Union européenne est un système de coopération original, très poussé dont le fonctionnement dans certains domaines est proche de celui d’une fédération. Pour autant, l’Union européenne n’est pas un devenue un Etat ; elle peut toujours être assimilée à une confédération.
A. Historique
À l’origine, il a été question de créer une Europe fédérale sur le modèle américain (les « Etats-Unis d’Europe »). Mais cette voie s’est révélée sans issue. Le projet Briand, présenté le 7 septembre 1929 à l’Assemblée générale de la SDN, n’a pas connu de suite. Il en a été de même avec le « message aux Européens » qui avait conclu le congrès des mouvements fédéralistes les 8-10 mai 1948.
Le plan Shuman en tira les conséquences : il préfère une intégration plutôt économique que politique, de procéder par étapes en créant des solidarités de fait plutôt que d’un seul coup. Le postulat était qu’en procédant de manière pragmatique, on fabriquerait un engrenage qui aboutirait finalement à une solution fédérale. On suggéra de commencer par la mise en commun de ressources comme le charbon et l’acier (des ressources nécessaires pour faire la guerre ; leur mise en commun entre la France et l’Allemagne devait empêcher toute nouvelle guerre). L’acceptation de cette proposition par 5 Etats (Allemagne, Belgique, Italie, Luxembourg, Pays-Bas) fut formalisée par la signature du premier grand traité européen instituant le 18 avril 1951 la CECA.
On peut dire que cette idée a à la fois réussi et échoué :
- la réussite, c’est évidemment que l’intégration économique s’est effectivement produite et renforcée jusqu’à la création d’une monnaie européenne unique. Dans ce domaine, on peut parler d’un fonctionnement quasi fédéral de la Communauté européenne. Les étapes auront été les suivantes :
• La C.E.E.A. : la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) visant à promouvoir l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques et le développement d’une industrie nucléaire. 25 mars 1957
• La C.E.E. : la Communauté économique européenne qui tente de créer un marché commun, c’est-à-dire un marché unique étendu aux territoires des 6 états signataires. Cela impliquait une union douanière (libre circulation interne des marchandises et tarif douanier commun), la libre circulation des facteurs de production et une protection de la libre concurrence. 25 mars 1957
• Le S.M.E. : le système monétaire européen de 1978.
Les 6 et 7 juillet, le sommet de Brême décide d'instaurer un système monétaire européen (SME). Il vise à établir en Europe une zone monétaire stable, moins sensible aux grandes variations de taux de change entre les monnaies européennes. Il se substitue au "serpent" monétaire, constitué en 1972.
• L’A.U.E. : l’Acte unique européen de 1986. Il relance la construction communautaire en prévoyant un marché intérieur commun vraiment intégré qui est assorti du principe de solidarité financière. Passage au vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil pour le rapprochement des législations. La coopération en matière de politique étrangère fait l’objet de dispositions conventionnelles et est étendue aux aspects économiques et politiques de la sécurité.
• Le traité de Maastrich de 1992 qui réforme le traité CEE de 1957. Le traité CEE (maintenant CE) est complété par des dispositions qui aménagent une Union économique et monétaire ; économique car est prévue une coordination des politiques économiques des Etats membres et le respect du principe d’une économie de marché ouverte // monétaire car sont fixés de manière irrévocable les taux de change entre monnaies européennes pour aboutir à l’instauration d’une monnaie unique.
• Le traité d’Amsterdam de 1997 tente de faciliter la coopération dans des domaines non communautarisés : Europe sociale, politique étrangère et sécurité commune. Une communautarisation des politiques d'asile, d'immigration et de libre circulation est prévue ainsi que l'intégration de l'acquis de Schengen dans l'Union européenne.
• Le traité de Nice de 2001 (entré en vigueur en 2003). Il prévoit une nouvelle répartition des sièges au Parlement européen, une nouvelle composition de la Commission et une nouvelle définition de la majorité qualifiée au Conseil. Les Etats membres les plus peuplés perdent à partir de 2005, la possibilité de proposer un deuxième commissaire.
- l’échec, c’est le fait que l’intégration économique n’a pas été relayée par une intégration politique notamment dans les domaines de la diplomatie, de la sécurité intérieure et extérieure. Dans ces domaines, il n’existe qu’une coopération institutionnalisée de type confédéral. Le traité de Maastricht a certes crée une entité nouvelle, l’Union européenne chargée d’harmoniser les politiques dans ces domaines mais cette entité n’a pas de personnalité juridique et notamment n’a pas de capacité d’engagement international. Cet échec s’explique par le fait que ne s’est pas constitué comme l’espéraient les fédéralistes, un Peuple de l’Union, une Nation européenne ou au moins une opinion publique européenne. On comprend alors pourquoi l’Europe a été incapable d’agir de façon unie notamment lorsque les conflits au sein de l’ex-Yougoslavie ont conduit à des génocides à répétition ou encore lorsqu’il s’est agi de prendre position sur l’intervention américaine en Irak. L’idée d’une souveraineté européenne capable de subsumer les souverainetés nationales reste une utopie.
B. Les structures de l’Union européenne.
Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Maastricht le 1er novembre 1993, les organes de la Communauté européenne exercent une double activité :
- une activité notamment judiciaire, administrative et surtout législative en application des traités dans le domaine économique mais aussi depuis 1993 dans des domaines comme l’éducation, la santé publique, la culture, les transports… (il s’agit des matières dites « communautarisées »). On estime qu’à moyen terme les 4/5èmes du droit national des Etats membres auront pour base la réglementation européenne. Cette activité tend à être fédérale sans pour autant donner à l’Union européenne le statut d’un véritable Etat fédéral.
- une activité de coopération dans les domaines de la politique étrangère et de sécurité commune ou encore de la justice et des affaires intérieures. Cette activité est de type confédéral.
a. L’exécutif de l’Union européenne
3 éléments :
1. Le Conseil européen : c’est la réunion des chefs d’Etats et de gouvernement à laquelle participe également le président de la Commission. Il siège au moins deux fois par an. À l’origine, ce n’est ni une institution, ni un organe communautaire ; non prévu pas les traités fondateurs, il est né d’une simple initiative politique. Mais son existence a été consacrée par l’Acte unique de 1986. Le traité de Maastricht prévoit qu’il donne à l’Union « les impulsions nécessaires à son développement et en définit les orientations politiques générales » sans pour autant prendre des actes juridiques. Il peut délibérer de sujets relevant de la compétence communautaire et de la coopération politique. Mais il peut agir aussi comme instance d’appel pour les dossiers qui lui sont renvoyés par les instances inférieures, spécialement le Conseil des ministres.
2. Le Conseil : véritable institution communautaire chargée des représenter les intérêts des Etats membres. Chaque Etat y délègue le ministre compétent avec des instructions formelles pour traiter du problème qui figure à l’ordre du jour de la réunion. La plupart des décisions sont prises à la majorité qualifiée dans les matières communautarisées (soit 62 voix sur 87). Chaque Etat y dispose d’un nombre de voix variable selon son importance. En application du traité de Nice, les grands Etats disposeront de 29 voix chacun, l’Espagne et la Pologne de 27 voix ; [Concernant ces deux pays, il y a eu blocage sur ce point lors de l’adoption de la Constitution européenne car ils n’ont pas voulu renoncer à ce nombre de voix]. Le Conseil détient le « pouvoir législatif » qu’il exerce sous forme de directives et de règlements. Les règlements s’appliquent directement aux particuliers sur le territoire de l’ensemble de la communauté. Les directives obligent seulement les Etats membres à prendre chacun les mesures nécessaires à leur mise en œuvre en ayant le choix de la forme et des moyens. Le Conseil a aussi le pouvoir « gouvernemental ». Ainsi, en matière de relations extérieures, c’est lui qui autorise l’ouverture de négociations, donne à la Commission ses mandats de négociation et conclut les accords. En matière budgétaire, c’est lui qui arrête le projet de budget.
3. La Commission : elle est censée représenter l’intérêt commun de l’Union européenne. Elle est composée de 20 membres nommés par les gouvernements des Etats pour 5 ans et renouvelables une fois. Actuellement, les grands Etats désignent chacun deux commissaires, et les petits chacun un. Le traité de Nice prévoit qu’à partir de 2005, les grands Etats n’auront plus qu’un seul commissaire, mais du fait des adhésions, le nombre total sera porté à 27. La procédure de nomination est la suivante : les Etats désignent après consultation du Parlement la personnalité appelée à devenir Président de la Commission. En coopération avec celui-ci, ils désignent ensuite les autres membres. Le collège qui en résulte est soumis à un vote d’approbation du Parlement européen et est ensuite nommé par les Etats. Chacun des commissaires est spécialisé dans un domaine mais les décisions sont prises collégialement. La Commission est responsable devant le Parlement mais non devant les Etats ni devant le Conseil. D’où une grande indépendance qui est renforcée par le fait que dans l’accomplissement de leurs tâches, les commissaires ne sollicitent d’instructions d’aucun gouvernement ou organisme. La Commission a un triple rôle : 1 veiller au respect des traités par les particuliers, les Etats ou autres institutions. Pour cela elle dispose notamment du pouvoir de poursuivre les infractions et d’appliquer elle-même des sanctions. Vis-à-vis des Etats, elle peut saisir la Cour de Justice pour faire constater des « manquements ». 2 mission générale d’initiative notamment dans l’exercice du pouvoir normatif attribué au Conseil. Les traités de Rome prévoient que « le Conseil ne décide que sur proposition de la Commission » ; le traité de Maastricht a ajouté que le Conseil ne peut amender une proposition de la Commission qu’en votant à l’unanimité (art. 189 A C.E) et donne aussi un droit d’initiative indirect au Parlement (art. 138 B, al. 2 C.E). Les propositions de la Commission sont l’expression d’une politique arrêtée par elle dans l’intérêt de l’ensemble de la Communauté. 3 mission d’exécution des traités et des actes du Conseil.